Al-Ahram Hebdo, Evénement |  Résurrection d’une civilisation au Grand Palais
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 13 au 19 décembre 2006, numéro 640

 

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Evénement

Archéologie. Rassemblant près de 500 pièces couvrant quinze siècles d’histoire, l’exposition « Trésors engloutis d’Egypte » a rencontré dès sa première semaine à Paris un succès énorme. L’opiniâtreté de Franck Goddio et son équipe se voit récompensée par une mise en scène magistrale.

Résurrection d’une civilisation
 au Grand Palais

Paris,
De notre envoyée spéciale —

Le 8e arrondissement à Paris a vécu la semaine dernière un événement exceptionnel. Après 10 ans de fermeture pour des travaux de restauration, la nef du Grand Palais a accueilli l’une des expositions les plus éblouissantes, celle des « Trésors engloutis d’Egypte ». Inaugurée par les présidents Chirac et Moubarak, l’exposition, qui a fait la une de presque tous les journaux français, invite le visiteur à faire un voyage songeur et une plongée dans le passé de cette partie riche de l’Egypte antique. Près de 500 pièces sont exposées, montrant une partie minime des vestiges découverts lors des fouilles archéologiques menées depuis 1992 par l’Institut européen d’archéologie sous-marine sous la direction de Franck Goddio et en coopération avec le Conseil Suprême des Antiquités (CSA). Les objets présentés à Paris retracent quinze siècles d’Histoire, des dernières dynasties pharaoniques à la conquête arabe, en passant par les souverains ptolémaïques, la domination romaine et l’Empire byzantin. Pour Goddio, ces découvertes ne représentent qu’une partie minime de ce qui se trouve sous les eaux. « On n’a fouillé que 1 % des plans qu’on a faits », a-t-il confirmé.

En fait, chaque pièce de l’exposition apporte un éclairage nouveau sur l’époque, ses habitants, ses souverains, ses relations commerciales, ses rites et ses croyances.

 

Le puzzle du naos

Des mystères vieux de deux mille ans sont levés, tandis que des pièces uniques révèlent leurs secrets, comme le Naos des Décades, qui est une pièce majeure de l’exposition. Cette pièce est en fait un extraordinaire puzzle qui a été assemblé particulièrement à l’occasion de cette exposition pour la première fois depuis sa destruction au IVe siècle de notre ère. Ce naos est en fait un fragment de chapelle sacrée, dédiée à Shou, dieu de l’air et de l’atmosphère ; il comporte un calendrier égyptien et le récit de la création du monde. Si Goddio a réussi à exposer cette pièce, cela ne lui a pas été facile. Bien qu’il ait réussi à ressortir les fragments principaux de cette pièce des eaux d’Abouqir, le reste se trouvait ailleurs : la base et le dos, lesquels étaient découverts par le prince Omar Toussoun qui avait effectué des fouilles dans la baie d’Abouqir autour de 1940, se trouvaient au musée gréco-romain d’Alexandrie, le toit du naos était découvert en 1776 et conservé au musée du Louvre à Paris depuis le XIXe siècle. Goddio a dû prêter ces pièces des deux musées pour s’en servir pendant l’exposition. Tâche facile à comparer aux défis rencontrés par la mission. « La grande stèle dite de Ptolémée VIII était la pièce la plus difficile à travailler, ça nous a pris un an et demi pour la desceller. Elle est faite de granit rose très délicat et il fallait l’injecter avec des seringues millimètre par millimètre, surtout que l’on a trouvé des fissures à l’intérieur », explique Franck Goddio.

C’est en fait la pièce la plus monumentale de l’exposition. Du haut de ses 6,10 mètres, elle se dressait autrefois à proximité du temple de l’Amon du Gereb, à Héracleion. L’immense pierre est retrouvée brisée en de multiples morceaux. L’érosion a rendu illisibles les trois quarts des textes gravés en hiéroglyphes et en grec. Bien que cette stèle ait une grande importance historique, la petite stèle noire est la plus chère pour Goddio. « La stèle noire… Elle est belle, chaque hiéroglyphe a une beauté exceptionnelle. En plus de sa beauté, elle a une importance sur le plan historique, puisqu’elle résout une énigme », reprend-il. Cette stèle de 2 mètres de haut a été découverte par l’équipe en 2001.

Quand l’égyptologue Jean Yoyotte l’a étudiée sur photo, il a découvert qu’il s’agissait d’une réplique quasi conforme d’une stèle trouvée un siècle plus tôt à Naucratis, au Delta. Les deux textes sont des documents de douanes par lesquels le pharaon Nectanebo Ier énonce les taxes dues par les marchands grecs.

Les travaux de restauration ont aussi été une tâche difficile et compliquée, selon Olivier Berger, responsable des travaux de restauration et qui opère avec la mission il y a 7 ans. La stèle en granit était l’une des missions les plus difficiles. « Elle était faite de 17 fragments dont une seule pesait 5 tonnes et c’était difficile à manipuler et compliqué à connecter », explique-t-il.

« L’on ne pouvait pas se permettre de travailler directement sur un objet ; une fois une pièce découverte, on devait faire d’abord tous nos calculs : comment on va la transporter, la connecter, les travaux de restauration dont elle aura besoin, etc. », reprend-il.

 

Une conception originale

Si le visiteur est ébloui par la grandeur et la richesse des pièces exposées, la conception et l’installation originale ont aidé à créer cette atmosphère exceptionnelle. « C’est un parcours dans le temps et l’espace. La notion de l’espace permet au public de voyager avec des moments entourés ou des moments très ouverts et cela en fonction des pièces », explique Philippe Délice, scénographe de l’exposition. Ce dernier a essayé de retourner dans le passé pour avoir une conception originale de l’exposition. « Les grandes statues étaient dans le temps faites pour être placées dans des endroits ouverts et en plein air. J’ai essayé de m’imaginer ce que voulait l’artiste et c’est ce qui m’a aidé à faire l’espace », reprend-il. Le fait de choisir de mettre un panorama du fond de la mer à l’entrée de l’exposition n’est pas simplement pour la beauté de la photo, mais Délice a voulu par cela mettre la baie d’Abouqir dans le grand palais pour la situer dans l’espace. Il a conçu un parcours qui mène de canope à Alexandrie en passant par Héracleion. Les immenses images sous-marines qu’il a utilisées créent une atmosphère onirique tandis que résonnent aux oreilles de visiteurs d’étranges mélodies aquatiques. L’exposition présente ces trois sites, Alexandrie, Canope et Héracleion, dans une scénographie très évocatrice, films d’archéologues en plongée projetés sur les murs, écrans sonores reflétant les différentes phases des opérations de sauvetage, le tout plongeant les salles dans une lumière de fonds marins. Enveloppé de son et de musique sur ce monde dont la puissance s’exprime dans les plus délicates boucles d’oreilles comme dans les statues sculptées dans le granit au grain. Le visiteur sera emporté dans le passé et dans les fonds sous-marins. « Il faut aider le visiteur à voir une ambiance spéciale, il faut organiser l’espace, la lumière et le son pour que le public rencontre ces objets et les comprenne. Pour lui, une exposition c’est physique ; ce sont des gens qui se déplacent entre des objets et il faut que le visiteur soit en relation avec l’œuvre », reprend Délice. Même conception pour Goddio qui pense qu’il a eu de la chance d’exposer les pièces au Grand Palais. « C’est plus spacieux que Berlin. Je prévois dans les trois années qui viennent des découvertes encore plus spectaculaires même », a-t-il dit.

Si après dix ans de fouilles, les découvertes de la mission sont incalculables et leurs moissons inégalables. Il est certain que leur travail ne s’arrête pas là. La mer cache encore beaucoup de mystères à cette mission qui continue toujours ses fouilles, souligne Goddio. « Il y a des endroits qui nous intriguent beaucoup. Je vais commencer à fouiller entre le Cap Lochias et le port militaire de même qu’au Timonium. A Canope, je vais étendre les fouilles là où je présume que le temple trouvé est celui du Sérapium, alors que sur le site de Héracleion, je compte finaliser son plan et je pense qu’il y aurait beaucoup de surprises au nord. Plus on se dirige vers le nord, les choses deviennent plus anciennes », a-t-il expliqué. « Les découvertes remontent à des époques très étendues. L’on a déjà fait des découvertes à Canope comme à Héracleion de 4 dinars en or islamique dont la pièce la plus récente remonte au VIIIe siècle », assure-t-il. Les fouilles ont également permis d’identifier le monastère chrétien de Metanoia. Si les vestiges architecturaux reposent dans l’eau, de nombreux bijoux, des croix et des sceaux témoignent de la présence chrétienne à Canope.

Si l’exposition de Paris est la deuxième après celle tenue à Berlin, il est très probable qu’elle ne soit pas la dernière. Goddio a déjà pris une autorisation verbale de Zahi Hawas, secrétaire général du CSA, de l’organiser dans deux autres villes européennes après Paris : probablement Madrid et Bonn.

« Rêvons ensemble que ces trésors puissent être présentés un jour prochain non plus sous cette verrière, mais dans le musée sous-marin d’Alexandrie dont vous avez le projet », a dit Jacques Chirac lors de son discours inaugural de l’exposition. Au premier jour de l’ouverture de l’exposition pour le public, samedi, ils étaient 6 000 à se rendre au Grand Palais.

Hala Fares

Divins colosses

Trois statues colossales ont été tirées des eaux. Les deux premières représentent un couple royal de l’époque ptolémaïque. Le roi est coiffé de la double couronne de Haute et Basse-Egypte ornée de l’uræus, le cobra portant le disque solaire, emblème des pharaons. La coiffe de la reine présente le disque solaire, sur fond de deux plumes de rapace, encadré par les cornes de la vache Hathor, assimilée à Isis. Un cobra se dresse au niveau du front. Son visage et la protubérance de sa poitrine sont typiques de l’époque grecque. L’étude de la statue de la reine a permis de démontrer qu’elle avait déjà été brisée et restaurée durant l’antiquité. La troisième statue représente Hapi, dieu de l’inondation du Nil et symbole de fertilité et d’abondance. Il a le visage arrondi et porte un plateau d’offrandes. Il est coiffé d’une couronne de papyrus représentant le Nil. Il s’agit de la plus grande statue connue de ce dieu .

Renseignements pratiques

Trésors engloutis d’Egypte

9 décembre 2006 - 16 mars 2007

Ouvert tous les jours de 10h à 20h

Nocturne les mercredis jusqu’à 22h

Nocturne supplémentaire en décembre les vendredis jusqu’à 22h

Plein tarif :12 euros,

Tarif réduit : 10 euros (groupes de plus de 10 personnes, étudiants)

Tarifs famille : 33 euros (2 adultes et 2 enfants)

Pour en savoir plus : consultez le site de l’exposition :www.tresors-engloutis-degypte.fr

H. F.

 




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