Somalie .
Les tribunaux islamiques, qui ont lancé une offensive contre
Baïdoa, rejettent l’envoi d’une force régionale. Certains
craignent déjà que l’application de la nouvelle résolution de
l’Onu ne se termine par un fiasco, à l’instar de l’opération
Restore Hope de 1991.
Jeu brouillé
Une
fois de plus, des forces loyales au gouvernement de transition
somalien et des miliciens des tribunaux islamistes
s’affrontent au sud de Baïdoa, siège des institutions de
transition somaliennes. Ces nouveaux combats traduisent
l’intention déjà annoncée des tribunaux islamiques «
d’attaquer et de prendre Baïdoa ». De leur côté, les troupes
gouvernementales, soutenues par des soldats éthiopiens selon
les islamistes, ont tenté de reconquérir les territoires
perdus mais en vain. Militairement parlant donc, ce sont les
troupes des tribunaux islamiques qui gardent l’avantage, en
maintenant leur emprise sur les villes conquises et en se
lançant à l’assaut de nouveaux territoires. Elles continuent
de dicter leur loi, en interdisant notamment la circulation
entre la capitale somalienne Mogadiscio et Baïdoa. Cependant,
les informations relatives aux combats restent
contradictoires. Vendredi, les deux camps avaient revendiqué
la victoire et s’étaient rejeté la responsabilité du
déclenchement des combats. D’autre part, la semaine dernière,
les forces du gouvernement avaient affirmé avoir repris, après
d’intenses combats, la ville de Dinsoor qui était tombée aux
mains des islamistes. Ces derniers avaient alors démenti la
perte de la ville.
Cette reprise
des combats remet sur le tapis le rôle de l’Ethiopie voisine,
accusée par les islamistes d’avoir engagé son armée en Somalie
pour défendre le gouvernement de transition. Le gouvernement
éthiopien dément et reconnaît seulement l’envoi d’instructeurs
militaires pour former les troupes du gouvernement somalien,
mais a prévenu qu’il était prêt à une opération militaire
contre les islamistes pour défendre le gouvernement de
transition. Ce regain de tension intervient en outre après
l’adoption par le Conseil de sécurité de l’Onu, d’une
résolution portant sur la création d’une force de paix en
Somalie. La résolution, votée le 6 décembre, introduit une
exception à l’embargo sur les armes, pour permettre d’armer
cette force. L’embargo, imposé à la Somalie depuis 1992 par
l’Onu et dont le gouvernement somalien demande depuis des mois
la levée, est de fait violé par au moins une dizaine de pays
qui soutiennent soit les institutions somaliennes, soit les
islamistes, selon un rapport récent des Nations-Unies.
Sans surprise,
les islamistes ont rejeté fermement l’idée d’une force de paix
étrangère. « Nous n’accepterons jamais le déploiement de
troupes étrangères », a déclaré le porte-parole du mouvement
islamiste, le cheikh Abdurahim Muddey. Les radicaux islamistes
ont dans le passé promis de mener une guerre sainte contre les
troupes étrangères sur le sol somalien. Ce qui fait craindre
le pire, d’autant plus que la communauté internationale avait
déjà subi un échec cuisant dans son opération Restore Hope, en
1991.
Selon les
analystes, une intervention internationale n’est pas
souhaitable. « Les Somaliens sont capables de résoudre leurs
problèmes. La communauté internationale doit les aider à
renouer le dialogue entre eux au lieu d’envoyer des troupes.
Il ne faut pas reproduire le fiasco de 1991 », explique Sayed
Féleifel, analyste au Centre des études africaines.
D’ores et
déjà, les tribunaux islamiques ont prévenu que le déploiement
d’une force de paix allait provoquer une « nouvelle crise »
dans ce pays où des missions internationales s’étaient
terminées dans le sang il y a une décennie. A l’inverse, la
résolution de l’Onu a été accueillie avec satisfaction par le
très fragile gouvernement somalien, qui réclame depuis des
mois une telle force. « Nous appelons au déploiement d’une
mission de paix africaine aussi rapidement que possible pour
permettre au gouvernement de pouvoir bien fonctionner et aider
le peuple somalien », a déclaré le ministre somalien de
l’Information, Ali Jama, à Baïdoa. La résolution intervient
près de quatre mois après que l’Organisation régionale
d’Afrique de l’Est de l’Igad (Autorité intergouvernementale
pour le développement) eut décidé d’envoyer en Somalie une
force de paix d’environ 8 000 hommes, baptisée Igasom. Cette
force, appuyée par l’Union Africaine (UA), aurait dû commencer
à être déployée fin septembre, mais elle est jusqu’à présent
restée lettre morte, notamment faute de financement.
Dans le même
temps, les risques d’un conflit régional sont grandissants,
l’Ethiopie se disant prête à intervenir militairement chez son
voisin, alors que dans la résolution de l’Onu, il est stipulé
que les voisins immédiats de la Somalie ne participent pas à
la force de paix.
Maha Salem