Al-Ahram Hebdo,Invité | Mohamed Dahlane
  Président Salah Al-Ghamry
 
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 Semaine du 13 au 19 décembre 2006, numéro 640

 

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Invité

Homme fort du Fatah et ancien chef de la sécurité préventive à Gaza, Mohamed Dahlane, qui vient d’effectuer une visite en Egypte, considère que la marge de manœuvre des Palestiniens reste toujours large en dépit des difficultés actuelles.

« Quand le cheikh devient politicien, les choses se compliquent »

Al-Ahram Hebdo : Quel était l’objectif de votre visite en Egypte ?

Mohamed Dahlane : Mes visites en Egypte ne sont pas occasionnelles, elles sont plutôt périodiques. Mais cette fois-ci, j’étais chargé par le président Mahmoud Abbass de mettre les Egyptiens au courant des derniers développements entre le Fatah et le Hamas, surtout après la récente visite de Omar Souleiman, chef du service des renseignements en Israël. La situation est bloquée comme l’a exprimé Abou-Mazen. J’ai également discuté avec les responsables égyptiens des moyens de relancer le programme d’entraînement des forces de sécurité palestinienne.

— Quels sont alors ces derniers développements ?

— On s’approche d’un règlement dans la question des échanges de prisonniers, ceci pourrait juste prendre quelque temps. Ce retard est dû en particulier aux Israéliens et à leur nature dans les discussions. Ils sont de très durs négociateurs que j’ai déjà testés par le passé. Aujourd’hui peut-être la situation est un peu différente, car les négociations se font à travers une partie tierce qui est l’Egypte.

— Pourquoi un accord échoue-t-il toujours ? Est-ce que c’est le nombre de prisonniers ou l’idée de libération en parallèle ?

— Non, ce n’est ni l’un ni l’autre. Le différend porte sur la méthode elle-même. C’est-à-dire les critères d’un tel échange. Par le passé, Israël refusait de libérer par exemple les habitants de Jérusalem. Il ne l’a fait qu’une seule fois. Nous espérons que ces prisonniers eux aussi feront partie de cet éventuel échange. Je crois que la capture d’un soldat israélien est un facteur en faveur des Palestiniens.

— Les négociations entre le Fatah et le Hamas sur la formation d’un gouvernement d’union sont aussi bloquées ...

— Sur la scène palestinienne, il n’y a jamais eu d’absolu. C’est vrai le président Abbass est arrivé à l’impasse avec les Hamassites. Il leur a donné tout ce qu’ils demandaient, les a aidés sur la scène internationale et arabe, mais il s’est rendu compte que ce chemin ne mène à rien. L’idée n’est pas le gouvernement ou les portefeuilles en conservant tel ou tel poste, mais la levée du blocus économique qui tue les Palestiniens.

— Cela voudrait dire quoi, il leur a accordé ce qu’ils voulaient ?

— C’est-à-dire qu’il a accepté la formule d’un gouvernement d’union et a forcé le Fatah à être présent dans ce gouvernement, mais le Hamas souhaite un changement de pure forme, un gouvernement dit d’union, mais où il maintiendrait le monopole. Le différend est sur la méthode et le fond à la fois.

— Et vers où les Palestiniens pourront-ils se diriger après cette impasse ?

— Au sein du mouvement Fatah, nous avons fait connaître notre position. Nous reconnaissons les accords internationaux, en ce qui concerne la forme et le fond, sur lesquels se fondent les relations internationales. Le Hamas, lui, ne le fait pas. Alors, il n’a qu’à trouver des solutions par lui-même et sans aller dire que puisque le peuple résiste au blocus, nous allons persévérer sur cette voie.

— Khaled Mechaal a cependant fait des déclarations historiques en acceptant un Etat palestinien dans les frontières de 1967. N’est-ce pas là une reconnaissance implicite des accords internationaux ?

— Comment reconnaît-il les accords alors que le Hamas ne reconnaît même pas l’OLP et la considère comme une organisation impie ? C’est avec une forte hésitation que le Hamas a accepté de participer au processus politique. En 1996, le mouvement a refusé alors de prendre part aux législatives. C’est après dix ans qu’il l’a fait. Aujourd’hui, il faut encore du temps au Hamas pour parvenir à la maturité politique. Nous passons par une phase charnière, une phase de reconstruction alors que la société est divisée. Aucun n’accepte l’autre. Le Hamas continue à se comporter en tant qu’opposition et le Fatah n’a pas encore assimilé sa défaite après des années au pouvoir. La réussite était une catastrophe pour le Hamas et la défaite était également une catastrophe pour le Fatah. Aujourd’hui, soit les deux sortiront gagnants, soit les deux sortiront perdants.

— Mais comment peut-on reprocher au Hamas sa victoire aux élections ?

— Ce n’est pas un reproche mais un constat. Le Hamas ne pourra pas faire marche arrière et redevenir ce qu’il était  avant le scrutin. Et le Fatah non plus. Il ne pourra plus monopoliser le pouvoir. Les erreurs commises par le Fatah peuvent être discutées. Nous sommes la résultante des régimes arabes au pouvoir et d’une occupation agressive. Mais quand on a remis le pouvoir au Hamas, les Hamassites ont cru qu’ils sont venus suite à un coup d’Etat et non à travers les urnes, et donc ils se sont comportés comme tel, en éliminant les autres et limogeant les Fatahistes. Il y a une grande différence entre diriger une résistance et diriger un gouvernement sous occupation. Le Hamas, qui se présentait comme un mouvement pieux, militant, a perdu son éclat une fois au pouvoir. Quand le cheikh devient politicien, les choses se compliquent. Peut-être la situation actuelle pousserait-elle le Hamas à plus de pragmatisme et réduirait le fossé entre nous. Ce volcan donnera naissance à un régime politique bien établi.

— La tenue d’élections anticipées serait-elle une solution selon vous ?

— Personnellement, je suis contre la tenue d’élections en ce moment. La loi n’autorise pas le président Abbass à les tenir et ne l’empêche non plus de le faire. Il n’y a pas de texte. Nous avons encore 3 ans devant nous, et il faudrait tenter de parvenir à un compromis. Au sein du Fatah, nous avons dit à Abou-Mazen que nous sommes prêts à un vote de confiance, mais à condition qu’il ne choisisse pas des ministres du Fatah mais des indépendants.

— Pourquoi les Palestiniens sont-ils arrivés à cet état de confusion, est-ce un conflit d’intérêt ?

— Il y a une différence entre la confusion et le désordre. Et je crois que toute la région souffre du désordre, en Iraq, au Liban et en Palestine. Mais nous représentons le modèle flagrant. C’est dû surtout à Israël et son influence sur la scène internationale. Il y a derrière lui des institutions partout dans le monde pour l’aider. Vous voyez si un colon meurt, tout le monde se soulève pour condamner les Palestiniens. L’autre problème est que la deuxième Intifada a été lancée sans véritable objectif, était-ce la fin de l’occupation ? La création d’un Etat palestinien ? Porter plus haut le plafond des négociations ? Ou le tout ensemble ? Personne n’est en mesure d’y apporter une réponse. Parallèlement se développe dans la région un courant régional dit nationaliste, chiite, résistant, opportuniste, sans qu’il n’y ait un courant opposant. Le résultat en est une rue arabe qui se trompe en croyant que l’issue viendra des mouvements religieux. C’est le plus grand piège. Nos peuples ont une courte mémoire et ont souvent tendance à oublier que le Fatah était le mouvement de lutte et qu’un demi-million de Palestiniens ont croupi alors dans les prisons israéliennes. Si c’était un autre régime, il aurait dû s’écrouler depuis longtemps. Aujourd’hui, on nous accuse de trahison, car nous avons des contacts avec les Américains et les Israéliens.

— Mais n’est-ce pas Washington qui a poussé vers cette situation avec la montée des islamistes ?

— J’ai tendance à croire que l’Administration américaine est ignorante, car si c’était le contraire elle n’allait pas s’engouffrer dans la région comme c’est le cas. Oui, les Américains nous avaient conseillé de tenir des élections, mais je crois qu’ils n’avaient pas de vision claire. Ils ne prévoyaient pas les résultats des urnes. Je crois que c’est une blague de parler de démocratie sous occupation.

— Ce statu quo est-il donc voué à se poursuivre ?

— Ceux qui peuvent lire en profondeur la société israélienne comprennent bien que notre marge de manœuvre est large. Il nous faut juste de l’audace, des idées hors du commun. La vision est peut-être présente, mais les mécanismes manquent. Que veut Israël ? Il ne veut rien donner et il ne fera rien sans pression. Il faut leur renvoyer la balle, les Israéliens n’arrêtent pas de répéter par exemple que les Egyptiens rejettent la normalisation avec eux, mais est-ce qu’eux l’acceptent ? Sont-ils prêts à accueillir des Egyptiens ou des Arabes chez eux, des Arabes qui achèteront des maisons, des terres ou des entreprises ? Juste l’idée les panique.

Samar Al-Gamal

 




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