Al-Ahram Hebdo, Livres | Tendre et caustique à la fois

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 Semaine du 3 au 9 août 2011, numéro 882

 

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BD . Avec la parution de son troisième numéro, Toc Toc est désormais ancrée dans le paysage culturel. Sans être toujours centrée sur l’actualité, la revue garde son style frondeur et son ouverture sur les expériences artistiques passées et d’ailleurs.

Tendre et caustique à la fois

L’idée est simple : cinq grandes toiles blanches tendues sur le mur et face à chacune d’elles, l’un des dessinateurs de Toc Toc. Avec un feutre noir, chacun se lance dans un dessin, esquisse une première forme. Cinq à dix minutes plus tard, roulement : chacun se retrouve face au dessin du voisin et le complète. A la fin de la soirée, chaque tableau est l’aboutissement d’un réel travail collectif. Cette impro dans les locaux de Townhouse, pendant le vernissage du troisième numéro de la BD, correspond bien à l’esprit de la revue.

Toc Toc, qui emprunte son titre aux véhicules du même nom, est « le bébé » d’un groupe de caricaturistes et bédéistes ; le lancement du numéro un avait connu un franc succès. Le deuxième, sorti juste après la révolution, est épuisé. Ce numéro 3 comporte des éléments de continuité avec les précédents : ainsi, Chennawi, animateur de la revue, continue sur sa série des « parqueurs » de voiture : à la plage, l’un d’eux est pris par les réflexes du métier et essaye d’organiser le garage des Jet Sky. Tewfiq et Qandil continuent leur coopération en dernière page pour la rubrique « Fabriqué en Egypte ». On retrouve également le personnage du panneau publicitaire dans l’histoire de Chennawi « Coup d’état médiatique », ainsi que la série de Qandil, « Carottes et petits pois », basée sur l’écrit plutôt que sur les illustrations, où il continue à conter, sur un ton humoristique, les souvenirs d’enfance de son personnage. La rubrique historique est toujours aussi instructive, avec quelques pages sur la revue « Flash » créée par Khaled Al-Safti et publiée pour la première fois à l’été 1989. L’équipe lui rend un réel hommage, en reproduisant une multitude de ses dessins, assurant ainsi la continuité avec les nouvelles générations — celles qui n’avaient pas l’âge d’ouvrir une revue en 1989. Ce n’est pas seulement dans le temps, mais également dans l’espace que Toc Toc prend le parti de l’ouverture sur d’autres expériences artistiques, au-delà du seul domaine de la BD. Ainsi, après Tiken Jah Fah Koli dans le n° 2, Chennawi continue à faire découvrir au public égyptien des chanteurs francophones de toute l’Afrique. Cette fois-ci, ce sont les traits d’Amazigh Kateb, artiste algérien, qui sont esquissés à côté d’une traduction de l’une de ses chansons.

Créatures atemporelles

Le parti pris qui consiste à ne pas s’obliger à dessiner sur l’actualité politique — surtout pour ceux des dessinateurs qui travaillent dans la presse et cherchent à échapper à l’exercice de la caricature quotidienne sur l’actualité —x peut cependant sembler incongru à un moment où tout le monde ne parle que de révolution. Seule l’histoire de Makhlouf, qui met en scène une communauté de schtroumpfs dépaysés par le départ de « papa schtroumpf », cherchant à tout prix à placer un nouveau schtroumpf à leur tête, est clairement inspirée de la situation politique après la démission de Moubarak et la course à la présidence que le pays connaît depuis. L’ironie cinglante du caricaturiste d’Al-Masry Al-Youm, ainsi que le choix des schtroumpfs comme créatures atemporelles expriment un désabusement sur la capacité des êtres humains à se prendre en charge collectivement sans faire appel à un « leader ».

Dans la série « Les illusions du voyage », le scénario de Khums Kom reprend une idée éculée à force d’avoir été adaptée à l’écran et ailleurs : deux jeunes qui veulent à tout prix quitter l’Egypte se lancent dans l’aventure de l’immigration clandestine, mais font face à la déception de retrouver ailleurs exactement ce qu’ils fuyaient. Les traits d’Ahmad Abdel-Moneim Abbass, rectangulaires sur fond noir, dans Toujours plus — une histoire extrêmement directe et moralisante — tranchent sur ceux des autres dessinateurs. L’histoire de Migo, La barbe et le drap, placée en fin de numéro, comme les BD des « jeunes talents » auxquels Toc Toc ouvre ses portes, n’est pas convaincante.

Ces quelques faiblesses ne font rien perdre à la qualité de la revue. Dans « Un bout de viande rouge », Mohamad Ismaïl Amin inverse la logique du monde en plaçant les animaux à la place des hommes ; on y voit un boucher/mouton découper des bouts de mollets et bras humains et conseiller à ses clients les morceaux les plus tendres. Les traits de Tewfiq accentuent l’aspect sanglant de l’idée. Tout comme le dessin de Chennawi en milieu de numéro — également l’une des rubriques fixes de la revue — où une vieille dame chétive nourrit un chat des rues fixé par six paires d’yeux étonnés ou réprobateurs, « Un bout de viande rouge » met le doigt sur les bizarreries ou les cruautés de notre société. Que ce soit par le regard tendre de Chennawi ou le style caustique de Tewfiq et de Hicham Rahma, Toc Toc laisse le lecteur rêveur sur les rapports humains et le fait réfléchir sur des aspects incongrus de nos sociétés.

Dina Heshmat

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