Al-Ahram Hebdo, Enquête | Et à la fin, ils gagnent
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 14 à 20 février 2007, numéro 649

 

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Enquête

Lutte salariale . Les 11 000 ouvriers de Kafr Al-Dawar, qui ont déclenché une grève pour protester contre leurs mauvaises conditions de travail, ont obtenu gain de cause. 

Et à la fin, ils gagnent 

Kafr Al-Dawar,

De notre envoyée spéciale

Jeudi 8 février. Il est midi à Kafr Al-Dawar dans le gouvernorat de Béheira. Onze mille ouvriers envahissent les locaux de l’entreprise de textile Kafr Al-Dawar. La joie apparaît sur les visages las et exténués. Dans l’enceinte de l’usine, les ouvriers lancent des youyous et s’embrassent. Après une semaine de sit-in et de grèves, ils ont réussi à faire valoir leurs droits. « Certains d’entre nous sont tombés malades et ont été transférés à l’hôpital. Toutefois, nous avons résisté en supportant le froid et la faim pour revendiquer nos droits légitimes dont nous avons été privés depuis des années », raconte Mohamad Abdel-Samie, un des ouvriers. Le gouverneur de Béheira vient d’annoncer aux ouvriers grévistes la décision de la ministre de la Main-d’œuvre, Aïcha Abdel-Hadi, qui a promis de régler tous les problèmes salariaux en leur versant une prime représentant 21 jours du salaire de base, et d’augmenter les primes mensuelles et annuelles. Abdel-Hadi a aussi promis de résoudre le problème de l’endettement de l’usine, évalué à 3,2 milliards de L.E. et cumulé à travers les années, avec des intérêts vertigineux.

Les événements avaient commencé le 4 février lorsque les ouvriers, exaspérés par la baisse des salaires, les conditions de travail précaires, la détérioration des services médicaux et du transport, ont réclamé le renvoi du PDG, Ali Ghallab, accusé de corruption. La liste des revendications est longue. Ils  réclamaient une hausse des primes de panier, la reprise des promotions, suspendues depuis 1995 et une « prime sur la production » qui équivaut à 45 jours du salaire de base à l’instar des ouvriers de l’entreprise de textile d’Al-Mahalla Al-Kobra, qui l’ont obtenue après une grève de 5 jours.

PDG mis dans l’embarras

La direction de l’entreprise s’était abstenue de leur verser ces primes. « Ils n’ont aucun droit à ces primes car l’entreprise ne gagne pas et est accablée par les dettes », justifie Ali Ghallab, tout en affirmant que les ouvriers « jouissent de tous leurs droits. L’intérêt de l’entreprise ne les intéresse pas. Tout ce qu’ils veulent c’est d’être à égalité avec leurs collègues d’Al-Mahalla », assure le PDG. Pourtant, les déclarations de la ministre de la Main-d’œuvre ont mis le PDG dans l’embarras. Celle-ci a reconnu que « les ouvriers étaient en situation très difficile, que leur statut salarial est faible, qu’ils sont privés de primes depuis 1995 et que les services que l’usine leur présente sont détériorés ».

Les ouvriers, eux, affirment avoir plaidé maintes fois pour obtenir leurs droits, mais en vain. « Faire un sit-in était le seul moyen pour obtenir nos droits, atteindre nos objectifs et obliger la direction à répondre à nos revendications », déclare Gamal Chahine, ouvrier. Et de raconter ce qui s’est passé : « Lorsque nous avons organisé un sit-in à l’intérieur de l’usine, la direction a cru au début qu’il s’agissait d’une tentative d’intimidation. Elle a coupé l’électricité pour nous obliger à rentrer chez nous ». Initialement, les ouvriers ne voulaient pas se mettre en grève. Ils voulaient simplement manifester leur insatisfaction. Mais la coupure de courant a été perçue par eux comme une provocation et la grève a été lancée.

Cette grève n’est en réalité pas la première protestation menée par les ouvriers de Kafr Al-Dawar. Ils avaient déjà organisé un grand sit-in à la mi-1998 réclamant la remise du total de la valeur des indemnités qu’ils méritaient au titre de la retraite anticipée. A cette époque, plus de mille ouvriers avaient obtenu une retraite anticipée sans indemnité.

Depuis quelques années, les protestations ouvrières se multiplient. L’année dernière, 259 mouvements de revendication salariale ont été organisés dans différentes usines. Le plus important est la grève de 27 000 ouvriers de l’usine de textile Ghazl Al-Mahalla.

Protestations en série

Le début de l’année 2007 a connu quatre importantes protestations : celles des usines de textile de Chébine Al-Kom, de Delta, de Hélouan, et celle de la société Al-Mansoura-Espagne pour la fabrication des couvertures. Dans tous ces cas, l’Etat a dû céder aux revendications ouvrières. Il n’a usé ni de la force ni de la répression habituelle pour étouffer ces protestations.

L’Etat, déjà très critiqué par l’opposition sur le plan des amendements constitutionnels et occupé par son bras de fer avec les Frères musulmans, craint visiblement un débordement des mouvements ouvriers. Les protestations ouvrières sont le résultat des répercussions sociales du processus de réforme économique, en particulier en ce qui concerne les salaires et les primes. Les autres dossiers du processus de réforme, comme les retraites anticipées et la liquidation d’entreprises, ont également joué un rôle important dans ces protestations. Un ouvrier de l’usine de Kafr Al-Dawar touche en moyenne 300 L.E. plus une prime annuelle de 90 L.E. au maximum. Les ouvriers ne disposent que de deux jours de congé par mois (deux vendredis sur quatre).

Ali Ghallab, le PDG, lance comme pour noyer le poisson que le sit-in des ouvriers des textiles a des objectifs politiques. « Face à la détermination des ouvriers, le gouvernement n’a eu d’autre choix que de céder », affirme-t-il. Il accuse les Frères musulmans d’être derrière ces événements. « Ces derniers n’ont pas réussi à remporter les élections ouvrières, ils ne cherchent qu’à soulever la grogne de leurs collègues pour secouer l’économie de l’Etat », ajoute-t-il. Les ouvriers rétorquent que c’est la direction qui cherche à politiser le sit-in pour éviter que le gouvernement ne dévoile sa corruption. « Notre sit-in a été paisible. Si nous voulions semer le trouble, nous aurions pu détruire les machines. Mais, nous avons organisé notre sit-in en respectant le calme sans commettre d’actes de violence ou de destruction », lance Abdel-Hamid Chahine, ouvrier. « Nous ne revendiquons pas seulement de meilleurs salaires, mais nous luttons contre la corruption et le gaspillage des fonds publics. Comment notre entreprise est-elle déficitaire alors que la direction affirme que le sit-in fait perdre à l’entreprise 3 millions de L.E. par jour ? », interroge Fayez Saad Ali, ouvrier. Les ouvriers affirment que le président de l’entreprise, nommé il y a neuf mois, a vendu à prix trop bas au secteur privé les équipements qui avaient juste besoin de maintenance.

Héba Nasreddine

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