Ministre iraqien de l’intérieur,
Gawad Kazem Al-Boulani
évoque la situation sécuritaire dans son pays et les
conflits entre chiites et sunnites.
« L’Iraq fait face au terrorisme international »
Tunis,
De notre envoyée spéciale —
Al-Ahram
Hebdo : Le gouvernement iraqien a annoncé récemment la mise
en place d’un nouveau plan pour assurer la sécurité du pays,
notamment à Bagdad. Pouvez-vous nous expliquer les grands
traits de ce plan ?
Gawad Al-Boulani :
C’est vrai. Nous avons engagé un nouveau plan pour faire
respecter la loi. Ce plan comprend plusieurs principes
importants, à savoir assurer la protection des civils,
notamment dans les marchés et assurer la sécurité des
régions. Il prévoit aussi de pourchasser les hors-la-loi et
les groupes terroristes afin d’en débarrasser la société.
Ces efforts se font parallèlement à un certain nombre de
mesures visant à développer l’économie.
— Mais ne trouvez-vous pas que ce plan, avec ces différents
points, est très loin de la réalité ?
— Au contraire, je trouve qu’il est réaliste.
— Il y a une semaine, 250 personnes ont été assassinées à
Najaf par la police iraqienne. Comment expliquez-vous cela ?
— Il s’agit de personnes qui brandissaient des armes face
aux policiers. Fallait-il les laisser ? C’étaient des gens
hors-la-loi qui prenaient pour cible les civils et les
innocents. Notre travail est de lutter contre ces groupes.
— Le conflit entre chiites et sunnites divise l’Iraq.
Comment évaluez-vous la situation ?
— D’abord, laissez-moi vous dire que l’Iraq est une entité
indivisible. Quant à ces bandes armées qui tuent les gens au
nom des différentes confessions, nous les pourchassons.
C’est notre travail. Nous avons réussi à arrêter un grand
nombre d’entre elles. Les incidents confessionnels ont
beaucoup diminué. Ce que l’Iraq affronte maintenant, c’est
le terrorisme international. Nous faisons face à une vague
terroriste déclenchée par Al-Qaëda, ce réseau connu pour sa
violence et qui menace le monde entier. Ce qui s’est passé à
l’Université d’Al-Mostanssériya en est la preuve. Des
dizaines d’étudiants ont été assassinés. Ces martyrs étaient
des chiites et des sunnites. Donc, il ne s’agit pas d’une
violence confessionnelle, mais d’une violence dirigée contre
les innocents afin de répandre la panique.
— Mais il n’y a pas qu’Al-Qaëda en Iraq, il y a aussi les
anciens Baassistes …
— Le gouvernement ne pourchasse pas les anciens Baassistes.
Au contraire, il a ouvert la voie à plusieurs d’entre eux
pour s’exprimer. Vous voulez certainement parler des
partisans de Saddam Hussein. Je pense que ces gens-là ont
des liens avec Al-Qaëda et aussi avec des bandes criminelles
dangereuses. Ces gens sont maintenant connus des appareils
de sécurité. Nous possédons des plans pour lutter contre
eux.
— Quelle est votre réponse aux accusations selon lesquelles
le ministère de l’Intérieur est infiltré par certaines
milices chiites comme l’armée du Mahdi ?
— Après la chute de la dictature en Iraq, le ministère de
l’Intérieur, fondé en 1925, n’a pas été dissous et il a
continué à travailler avec les mêmes structures et les mêmes
personnes. Je rappelle que ce ministère a perdu 12 000
martyrs dont la moitié sont des chiites et l’autre moitié
sont des sunnites.
Dans le contexte politique que vous connaissez, il est
possible qu’il y ait eu des infiltrations. Pour faire face à
ce problème, il faut restructurer les services de sécurité.
Cela nécessite beaucoup de temps mais nous avons déjà pris
des mesures. Nous avons renvoyé 8 000 personnes du ministère
de l’Intérieur. Nous voulons que ce ministère soit celui de
tous les Iraqiens. Nous travaillons selon un plan précis,
mais nous avons besoin de temps. Nous voulons construire des
organismes de sécurité qui agissent dans le cadre d’un
système démocratique. C’est une expérience unique dans la
région.
— Les Etats-Unis soutiennent que la police iraqienne est
incapable d’assumer sa mission pour assurer la sécurité.
Qu’en pensez-vous ?
— Il existe en Iraq 18 gouvernorats. La violence est
concentrée dans 6 gouvernorats seulement. Nous avons donc 12
gouvernorats où la sécurité est rétablie et où la violence
est très réduite. Les appareils de sécurité continuent à
déployer des efforts intenses pour rétablir l’ordre et la
sécurité. Je pense que les fruits de ces efforts fournis par
les ministères de l’Intérieur et de la Défense sont
perceptibles par les observateurs. Nous avons besoin
d’équipements et aussi d’une bonne formation de nos
policiers pour qu’ils puissent faire leur travail dans les
meilleures conditions.
— Mais ne trouvez-vous pas que depuis 2003 et jusqu’à
maintenant, les appareils de sécurité ont été incapables de
rétablir la sécurité en Iraq ?
— Comme vous le savez, la sécurité est une responsabilité
commune entre nous et les forces multinationales qui se
trouvent en Iraq. Ces forces travaillent pour construire un
appareil de sécurité qui œuvrerait dans le cadre d’un
système politique démocratique. Nous voulons un système de
sécurité basé sur la liberté et pas la tyrannie. Auparavant,
lorsque des personnes tiraient des balles pour n’importe
quelle raison, leurs villages étaient détruits. Nous ne
voulons pas ce genre de sécurité.
— Le gouvernement iraqien accuse la Syrie et l’Iran de
laisser infiltrer des terroristes et des armes à travers
leurs frontières avec l’Iraq. Comment entendez-vous régler
ce problème ?
— Nous avons signé des protocoles de coopération en matière
de sécurité avec tous les pays voisins. Il y a des personnes
qui s’infiltrent à travers les frontières. Des terroristes
de différents pays entrent en Iraq, par exemple sous
prétexte de travailler ou de faire du commerce. Il faut
avouer que le terrorisme est très actif au niveau mondial.
Il modifie sans cesse ses méthodes et ses plans. Le
terrorisme a réussi à frapper des endroits très sûrs, comme
Charm Al-Cheikh en Egypte, l’Arabie saoudite, le Maroc, etc.
Donc, la région arabe affronte un danger réel qui nous
oblige à coordonner nos efforts et à coopérer.
— Qu’est-ce que vous pensez de ce qui se dit sur l’influence
grandissante de l’Iran en Iraq à travers les milices chiites
à qui l’Iran fournirait des armes, des combattants et de
l’argent ?
— Nous voulons des relations équilibrées avec les pays
voisins. Les relations avec l’Iran sont équilibrées. Il y a
un ambassadeur iranien en Iraq. En même temps, nous ne
permettrons à aucun pays de s’ingérer dans nos affaires de
la même façon que nous ne nous ingérons pas dans les
affaires internes des autres pays. Nous n’accepterons jamais
que l’Iraq soit un théâtre d’action pour n’importe qui.
Notre politique est claire. L’Iraq est l’un des pays
fondateurs de la Ligue arabe. Dans ce contexte, nous avons
toujours demandé aux autres pays arabes d’être à nos côtés.
Je considère ceci comme une obligation morale. L’Iraq a fait
beaucoup de choses pour les pays arabes et ces derniers ne
doivent pas l’oublier.
— L’exécution de Saddam a fait l’objet de nombreuses
critiques concernant la date choisie (qui a coïncidé avec le
premier jour du grand Baïram, et la manière dont ont été
menées l’exécution et la diffusion d’images sur le
déroulement de celle-ci. Le gouvernement iraqien est accusé
de ne pas avoir respecté les droits de l’homme ...
— Le gouvernement a exprimé son mécontentement en ce qui
concerne le déroulement de cette exécution. Mais il ne faut
pas oublier aussi que durant 910 jours, la durée du procès
de Saddam Hussein, il n’y a eu aucune violation. Une enquête
est actuellement menée dans l’affaire de l’exécution afin de
punir les responsables.
— Lors de la dernière réunion des ministres arabes de
l’Intérieur à Tunis, vous avez lancé un appel pour une
réunion extraordinaire des ministres à Bagdad. Pourquoi cet
appel ?
— Cette invitation est un message au terrorisme afin qu’il
sache que les premiers responsables de la sécurité dans la
région sont prêts à l’affronter.
— Et est-ce que vous avez reçu des réponses ?
— Non, pas encore, mais j’ai eu le sentiment que mon appel a
eu un écho favorable l
Chérine Abdel-Azim