Al-Ahram Hebdo,Environnement | Petit poisson deviendra grand
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 14 à 20 février 2007, numéro 649

 

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Environnement

Écosystème . « Du poisson pour demain », tel était le slogan de la Journée mondiale des zones humides 2007. Reportage au lac Borollos, où des efforts sont déployés pour protéger cette espèce aquatique menacée de disparition.

 Petit poisson deviendra grand 

A quatre heures du matin, le port du lac Borollos commence à être animé par les cris des pêcheurs et le bruit des moteurs. De grandes embarcations qui accostent tout le long du quai, de petites barques, des feloukas ou des sambouks, comme les nomment les pêcheurs, envahissent les lieux. De loin, raïs Somaa, 30 ans de métier, apparaît inquiet. « Dans les années 1980, il m’arrivait de pêcher 40 kilos, ce qui me rapportait en moyenne 300 L.E. par jour. Aujourd’hui, si la chance me sourit, je rentre avec seulement 4 kilos de poissons ou 8 kilos au maximum », dit-il tristement. Dépendant du gouvernorat de Kafr Al-Cheikh, le lac Borollos est situé à 210 km du Caire, dans le nord du Delta du Nil, et est ouvert sur la mer Méditerranée. Il faut donc protéger cette richesse aquatique qui demeure la principale source de protéines pour un milliard d’êtres humains et fait partie du régime alimentaire de la plupart d’entre nous. C’est pourquoi le lac Borollos est inclus dans la Convention de Ramsar signée le 2 février 1971 dans la ville iranienne du même nom, qui sert de cadre à la coopération internationale pour la conservation et la gestion durable des zones humides. Plus encore, le lac Borollos a été déclaré réserve naturelle en 1998.

« Au lac Borollos, on pêche 365 jours par an. Ici, 11 600 feloukas ont une licence de pêche, ajoutant à ce nombre 10 000 autres bateaux qui n’ont pas encore d’autorisation. Quatre à six pêcheurs travaillent par barque », précise Zaki Moustapha, chercheur au sein de la réserve naturelle du lac Borollos.

Le nombre de pêcheurs augmente en fait de jour en jour et donc la richesse piscicole diminue d’une année à l’autre. Plus encore, les pêcheurs violent la loi 124/83 en utilisant des filets à mailles serrées, qui empêchent la reproduction des poissons. « Mais avec la disparition de ces petits poissons, c’est tout un écosystème qui est en péril. C’est pourquoi la production du lac en poisson ne dépasse pas 60 000 tonnes par an », résume le Dr Fayed Al-Chamli, directeur de la réserve dépendant de l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE). Pour réduire les dégâts, la police de l’environnement tente de limiter l’accès au port à tout pêcheur contrevenant. La police, qui rédige 800 contraventions par jour, impose des sanctions allant de 10 à 50 L.E., pour permettre aux poissons de se reproduire et ainsi réduire son coût sur le marché. Malgré cela, les contrevenants ont trouvé la parade et pêchent en pleine nuit.

Selon le Dr Moustapha Fouda, président du secteur de la protection de la nature dépendant de l’AEAE, le lac Borollos est une réserve de poissons évaluée à 60 000 tonnes. Si le kilo est vendu à 5 L.E., cela veut dire qu’elle rapporte 300 millions de L.E., alors que la superficie de la culture aquatique s’élève à 120 km2. Ce qui revient à dire que la richesse piscicole offre à l’Egypte 146 000 tonnes de poissons par an (qui rapporte un milliard et 168 millions de L.E.). « C’est une fortune qu’on doit protéger pour garantir aussi le gagne-pain de 350 000 habitants de Borollos et réaliser le développement durable du site », indique le Dr Fouda.

« Si les pêcheurs s’abstenaient de pêcher pendant un seul mois en attendant la reproduction des poissons, on aurait une très grande fortune, non seulement à Kafr Al-Cheikh, mais en Egypte », estime le cheikh des pêcheurs, Abd-Rabbou Al-Gazayerli. Il ajoute qu’au lieu de vendre le kilo de petits poissons à 2 ou 5 L.E., on peut vendre le gros poisson à 9 ou 11 L.E. le kilo, prévoit le cheikh des pêcheurs, qui refuse à jamais d’exercer ce commerce illégal, la culture piscicole. Pour ne pas exercer ce commerce, 40 % des pêcheurs sont partis chercher leur gagne-pain ailleurs, en Libye, en Arabie saoudite, au Koweït et en Grèce. En effet, les pêcheurs se plaignent d’un autre problème, celui des roseaux qui se répandent tout au long du bord du lac Borollos qui constituent un abri pour une quinzaine d’espèces d’oiseaux et encouragent, aussi, les petits poissons à s’évader et de s’y dérober à l’intérieur. Ces roseaux recouvrent 40 % de la superficie du lac, tandis que le taux idéal de la propagation de ce genre de roseaux ne doit pas dépasser 17 % de la superficie du lac Borollos. Mais pour savoir pêcher, raïs Ragab, portant un bonnet sur la tête et des habits noirs en caoutchouc spécialement pour la pêche, descend de la felouque, plonge dans l’eau et essaie d’éloigner, de ses deux bras, les multitudes bandes de roseaux qui entravent son avance. Puis, il les arrache, les groupe ensemble à l’aide d’un très grand nœud et les met de côté au bord du lac.  

« Chaque jour à 15 heures, après avoir terminé ma pêche, j’éloigne les roseaux pour préparer la besogne de demain, afin de ne pas perdre du temps », avoue-t-il. C’est vrai que le lac Borollos est considéré comme la 3e réserve sélectionnée par le projet MedWet Coast mais pour peu de résultats. Ce projet, qui vient de s’achever en octobre dernier et qui a duré pendant trois ans consécutifs, a réalisé de grands travaux en arrachant ce genre de roseaux, mais ceux-ci ont de nouveau recommencé à se répandre.

Le bolti, dernier survivant

Le lac Borollos souffre également d’une baisse du taux de salinité, ce qui provoque la disparition des espèces aquatiques. « La quantité d’eau douce versée dans le lac s’élève à 4 milliards de m3 par an tandis que le lac ne peut absorber qu’un milliard », avoue le président de l’Association des pêcheurs à Borollos. Dans les années 1970 et 80, le lac Borollos groupait tous genres de poissons, bolti, truite, saumon, mollusques, crustacés, etc. Mais aujourd’hui, il n’existe qu’un seul genre de poisson : le bolti avec ses différentes mesures, son poids et sa longueur.

« Le bolti croît facilement dans ces eaux car il est prolifique, il peut rapporter 2 000 autres petits au minimum en prolifération », explique le doyen des pêcheurs à Borollos. En ce qui concerne le problème de l’assèchement, il faut avouer que c’est l’Etat qui a commencé l’affaire en essayant d’augmenter les surfaces des terrains agricoles au détriment des lacs. De même que les projets d’urbanisme, comme le fait de percer des routes et d’installer des canalisations d’eau, d’électricité et de gaz naturel. Ajoutant à tout cela le drainage industriel pour compléter le cocktail empoisonnant dans le lac.

Il ne reste donc qu’à savoir que les premiers principes d’une pêche responsable, dictés par le code de conduite de la FAO pour sauver une telle zone humide comme le lac Borollos est de : pêcher moins, pêcher mieux, réduire l’effort de pêche, respecter les quotas, impliquer les différents acteurs, augmenter les retombées économiques au niveau local, réduire la pollution marine et la protection des milieux naturels côtiers.

Manar Attiya

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Pour en savoir plus 

La pêche, la surpêche et la mise en danger des zones humides, en chiffres. 

— Vers une révolution bleue ? Parce que l’eau est source de tensions internationales, certains pays mettent en place une gestion intégrée des fleuves transfrontaliers. En 1999, l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan ont développé une stratégie pour partager l’eau du Nil. Une gestion rationnelle de la ressource en eau passe aussi par le maintien des zones humides, la protection des forêts et la réduction de la pollution aquatique. Au niveau international, la Convention de Ramsar y contribue.

— 84 % des zones humides de la planète sont menacées de disparition.

— 50 milliards d’euros par an, c’est la valeur annuelle des services que les zones humides rendent à l’humanité.

— Plus de 70 % des pêcheries de poissons marins pratiquent la surpêche ou une pêche à la limite des capacités de reproduction.

— Plus de 200 millions de personnes dans le monde ont comme seul moyen de subsistance la pêche.

— Eau douce, eau rare : la demande en eau douce s’accentue avec la croissance démographique et les besoins de l’agriculture irriguée qui utilise 70 % des ressources disponibles. Un tiers de l’humanité vit dans des pays où l’eau manque. En parallèle, les zones humides régressent. La faune et la flore aquatiques ont subi un déclin de 50 % au cours des 30 dernières années. Plus de 20 % des poissons d’eau douce sont en danger d’extinction ou ont déjà disparu.

— Chaque année, 300 000 baleines et dauphins sont victimes des filets. Aujourd’hui, la mer nourricière a atteint ses limites.

— Les requins sont au sommet de la chaîne alimentaire. En dévorant leurs proies, ils assurent la bonne santé de l’écosystème. Chaque année, 100 millions d’entre eux sont pris dans les filets ou pêchés pour leurs ailerons, mets extrêmement prisé en Asie. En moins de 20 ans, les populations de requins ont diminué de 50 à 80 % selon les espèces. 

Source : Manuel de la Convention de Ramsar et du 2e Rapport mondial des Nations-Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, « L’eau, une responsabilité partagée ».

 

 

 




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