Gaza.
Le Fatah et le Hamas, invités séparément au Caire pour
trouver un règlement de la situation à la frontière,
notamment la gestion du passage de Rafah, sont repartis sans
aucun accord. Gaza est de nouveau fermée.
Des frères en mal d’entente
«
Nous avions cru que la visite des délégations des deux
mouvements au Caire allait réduire l’écart entre eux et
mettre fin à cette division dont nous souffrons depuis des
mois », lance avec désespoir Abdel-Rahim Hammoud, un
Palestinien de la bande de Gaza. Comme des milliers
d’autres, il avait traversé Rafah, la palestinienne, en
direction de l’égyptienne, fuyant le blocus mortel imposé
par Israël. Un début d’espoir qu’il croyait apte à se
poursuivre avec l’invitation adressée par Le Caire aux
mouvements rivaux, le Fatah et le Hamas. Ils sont venus
discuter séparément de la situation à la frontière, pas
uniquement les brèches ouvertes, mais la gestion du
poste-frontière fermé depuis l’emprise de Gaza par les
Hamasis.
Le
président palestinien Mahmoud Abbass est arrivé en premier
puis a été suivi par Khaled Mechaal, le chef du bureau
politique du Hamas.
Mission
impossible pour Le Caire qui n’a pas réussi à les convaincre
de se mettre autour d’une seule table. Du coup, le
pessimisme régnait bien avant les réunions. La délégation du
Hamas a pris le chemin du retour après deux jours de
discussions avec des responsables égyptiens, dont le chef
des services secrets, Omar Soliman. Cette réunion, qui met
fin à l’isolement du Hamas et au boycott observé même par
l’Egypte à la suite de sa prise au pouvoir dans la bande de
Gaza, s’est soldée par vraiment rien. « Il y a eu un progrès
vers une entente concernant le terminal de Rafah, mais nous
ne sommes pas parvenus à un accord », a affirmé Mohamed Nasr,
membre de la délégation. En d’autres termes, c’est le retour
à la situation avant le 23 janvier, date de la chute du mur
et de la barrière en acier entre le Sinaï et la bande de
Gaza. Le Hamas voulait profiter de ce changement sur le
terrain pour réclamer une nouvelle gestion du terminal de
Rafah. Il ne voulait plus ce contrôle partagé entre
Egyptiens, Européens, Palestiniens et Israéliens. Le
mouvement de la résistance veut sa part de contrôle qui
reflète son pouvoir sur le terrain. Une participation avec
les Egyptiens et un départ des Israéliens. Hors de question
pour le Fatah qui n’est surtout pas prêt à lâcher davantage
de pouvoir au profit de son rival. Il comptait surtout sur
les Egyptiens qui se sont alignés sur sa position en
proposant un déploiement de ses garde-frontières. Mais Le
Caire espérait une entente interpalestinienne, une sorte de
compromis parce qu’en fin de compte, la frontière ne serait
pas ouverte pour toujours. C’était clair dans le Sinaï, les
forces égyptiennes ont déjà fermé toutes les brèches dans le
mur. Plus personne ne peut passer en territoire égyptien.
Pour les analystes, l’Egypte ne veut pas non plus soulever
une opinion publique sympathisant avec les Gazaouis. Ainsi,
selon Ahmad Sabet, professeur de sciences politiques à
l’Université du Caire, cette invitation cache deux buts
fondamentaux. Apaiser la situation à l’intérieur de Gaza est
dans l’intérêt égyptien qui a été victime de la dernière
crise et dans le même temps Le Caire veut apparaître comme
la capitale qui cherche toujours l’intérêt des Arabes. « Si
cette médiation avait abouti, par hasard à quelque chose,
l’Egypte serait devenue le héros de cette mission, sinon
elle aurait au moins fait ce qu’elle pouvait », dit le
politologue.
Qu’elles
soient directes ou indirectes, certes, ces négociations
n’étaient de toute façon pas prometteuses dès le départ, non
pas parce que les deux factions avaient refusé de se
rencontrer, mais surtout après la guerre des mots qui avait
eu lieu entre elles. Abou-Mazen n’avait-il pas fixé la
couleur de ces rencontres en annonçant au terme d’un
entretien avec le président égyptien qu’il n’y aurait pas de
dialogue avec les putschistes, il n’y aurait pas non plus de
nouvel arrangement concernant la frontière avec l’Egypte ? «
Nous n’accepterons aucune nouvelle condition préalable. Ils
doivent revenir à l’ancien accord frontalier. Nous sommes
plus intéressés par la cause du peuple palestinien que le
Hamas. Si le Hamas est vraiment de leur côté, aussi,
laissez-les s’y conformer », a déclaré Abou-Mazen. Il a
ainsi affirmé vouloir en revenir à l’accord de 2005 conclu
sous l’égide américaine confiant la gestion du point de
passage de Rafah à sa garde présidentielle sous supervision
d’observateurs européens, dispositif gelé par le blocus
d’Israël, qui garde un droit de veto sur l’ouverture de ce
poste-frontière. Déclarations qui ont été immédiatement
condamnées par le Hamas qui a indiqué qu’il s’agissait d’une
tentative pour empêcher le cycle actuel des négociations de
parvenir à une solution sur la crise frontalière. « Les
remarques faites par Abbass au Caire montrent aujourd’hui
son plan pour déjouer toute entente et tout progrès au cours
des réunions du Caire », a déclaré le porte-parole du Hamas
à Gaza, Fawzi Barhoum. Et aucun des deux ne s’est montré
plus souple quant aux négociations.
La
frontière se referme et les Gazaouis testent de nouveau
l’attente.
Chaïmaa Abdel-Hamid