Egyptair. La grève du personnel naviguant de la compagnie nationale a été de courte durée. Elle aura cependant causé des pertes de 50 millions de L.E., annulé des dizaines de vols et provoqué un chaos à l’aéroport du Caire.

 

Retour à la normale

 

La grève du personnel naviguant d’Egyptair a pris fin dimanche suite à des négociations entre les grévistes et les responsables concernés. Les vols ont repris normalement en dépit de quelques perturbations dues aux annulations des jours derniers.

Un secteur indépendant pour les stewards et les hôtesses a été créé, une augmentation du nombre de l’équipe de cabine a été décidée et, pour la première fois dans l’histoire d’Egyptair, les hôtesses auront l’autorisation de porter un voile pendant leur travail. 2 jours de grève auront suffi pour faire plier la direction.

La grève, qui a débuté vendredi 7 septembre, aura toutefois causé l’annulation de 55 vols internationaux en l’espace de 15 heures. Egyptair précise que ces annulations n’ont touché que des vols internationaux. La compagnie a par ailleurs fait appel à 4 avions appartenant à des compagnies privées, pour tenter de minimiser l’impact de la grève pour les voyageurs.

Des dispositifs qui n’ont pas empêché de centaines de passagers de se retrouver bloqués, vendredi, à l’aéroport du Caire. Certains, énervés par la situation, prenaient à partie les employés. « Je devais être à Londres ce soir. Mais on m’a dit que les stewards étaient en grève et ils ne savent pas si le vol décollera à l’heure ou pas. Il s’agit d’actes irresponsables ! », s’insurge un voyageur koweïtien, qui est allé parler aux stewards en grève pour leur expliquer que les voyageurs n’avaient rien à voir avec leurs problèmes. Des dizaines d’altercations ont eu lieu entre voyageurs et employés de la compagnie, les premiers refusant d’être les victimes d’une situation dont ils ne sont pas responsables.

 

Actes de violence

Pendant la grève, l’aéroport a, par ailleurs, été le témoin d’actes de violence. Des hommes munis d’armes blanches ont attaqué les stewards dans la salle 2 de l’aéroport du Caire, faisant 4 blessés.

La situation aurait pu dégénérer, mais le ministre du Tourisme, Hicham Zaazoue, est rapidement intervenu pour contenir la crise, le ministre de l’Aviation étant alors hors du pays. Dès vendredi matin, M. Zaazoue s’est entretenu avec les grévistes ainsi qu’avec les responsables de l’aéroport. Il a aussi présenté ses excuses aux voyageurs bloqués. Il a en outre décidé de les loger gratuitement dans les hôtels aux abords de l’aéroport jusqu’à la résolution du problème.

Toutefois, des passagers se plaignaient que les hôtels demandaient à être payés et en avaient même profité pour augmenter les tarifs des chambres. C’est ce qu’affirme Zidane Salem, un Yéménite qui a décidé de déposer plainte contre la Chambre des hôtels et Egyptair. Les hôtels ont affirmé ne pas avoir été informés de la décision du ministre du Tourisme et ont nié avoir haussé leurs tarifs.

Selon le pilote Mohamad Mannar, conseiller du ministre du Tourisme, « nous avons été surpris par cette grève, qui a causé une perte pour l’entreprise de plus de 50 millions de L.E. ». Mais pour le porte-parole du syndicat indépendant des Stewards et des Hôtesses de l’air, Tamer Al-Sioufi, les responsables d’Egyptair doivent assumer seuls la responsabilité de ces pertes. « En fonction de toutes les chartes internationales sur le droit des ouvriers, la grève est un droit légal et légitime. On a suivi tous les canaux légaux en informant les instances concernées de la date de la grève. C’est de la faute de la compagnie si elle n’a pas pris les mesures adéquates en prévision de la grève ».

 

Equipes minimales

Les grévistes refusent que la compagnie ne fasse appel qu’au nombre minimal de personnel naviguant, un nombre qui, d'une part, réduit la qualité des services offerts aux passagers, et d’autre part, surcharge les stewards et les hôtesses. « Au cours des 5 dernières années, 5 stewards sont morts de maladies dues au métier et une vingtaine ont été écartés après avoir été atteints de maladies graves dues au non-respect des normes concernant le maximum des heures du vol », précise Al-Sioufi, sans toutefois être en mesure de prouver les causes réelles de ces maladies.

Il indique que parmi les revendications figure celle de l’augmentation du nombre de personnel naviguant en référence aux normes internationales appliquées dans toutes les compagnies d’aviation internationales. « On souffre d’un manque de personnel naviguant dont le nombre ne dépasse pas les 2 000. Une compagnie comme Lufthansa emploie 18 000 stewards et hôtesses de l’air. Ce manque de personnel influence négativement la qualité des services offerts aux passagers.

Sur un vol où se trouvent plus de 350 passagers ce n’est pas logique de confier les services et la sécurisation à une équipe de 5 ou 6 personnes seulement. Le rôle des stewards ne se limite pas à servir les passagers. Il doit en premier lieu vérifier les mesures de sécurité et aider les passagers en cas de catastrophe. Une tâche importante que ne peut pas accomplir correctement un steward épuisé ».

 

Revendications « légitimes »

Suite à des négociations avec les grévistes, Mohamad Fouad Gadallah, conseiller du président de la République, a qualifié les revendications des stewards de « légitimes ».

Toutefois, en raison des menaces des stewards de poursuive leur grève, le ministre de l’Aviation, Samir Embabi, a annulé sa visite en Arabie saoudite. Il a déclaré que cette grève avait lieu en raison d’une mauvaise gestion, tout en qualifiant l’attitude des stewards d’« irresponsable ». « Alors qu’on cherche à redresser le secteur touristique, de tels actes irresponsables nuisent gravement à la réputation du pays ainsi qu’à son économie. On s’est déjà entretenu avec les stewards et un comité a été formé pour étudier les moyens possibles de satisfaire leurs revendications. Mais cette politique de pression au détriment de l’intérêt et de la réputation de la compagnie est inadmissible », a martelé Embabi.

« Les menaces n’ont pas réussi à nous dissuader de poursuivre notre lutte pacifique pour obtenir nos droits légitimes. La violence n’a abouti à rien non plus. Nous sommes déterminés à poursuivre notre lutte en vue d’obtenir nos droits. Nous ne sommes pas des fauteurs de trouble, mais des employés dévoués qui réclament une amélioration des conditions de travail pour perfectionner la qualité des services offerts aux passagers », estime Tamer Al-Sioufi.

Dans un communiqué de presse publié dimanche suite aux négociations avec les grévistes, le ministre a précisé que 18 des revendications avaient été satisfaites et qu’il ne restait à régler que les revendications salariales qui seront étudiées à la lumière de la situation financière de la compagnie. A cet égard, le ministre s’est engagé à consacrer 22 millions de L.E. dès le mois de juillet 2013 à la hausse des salaires.

Accusé de mauvaise gestion lors de la crise, le président de la compagnie Egyptair, Aymane Nasr, a été limogé et remplacé par Rochdi Zakariya. Une mesure qui a contribué à apaiser la colère des grévistes. Les négociations ont débouché sur une suspension de la grève, le transport aérien a repris avec le décollage de 35 des 55 vols annulés. Une salle d’opérations a été mise en place pour organiser les vols retardés et informer les passagers de la date de leurs voyages. Globalement, l’interruption n’aura été que de courte durée, malgré un impact financier important.

Plusieurs mouvements de grève ont eu lieu en Egypte depuis la chute de Moubarak le 11 février 2011. En octobre 2011, des dizaines de vols avaient été retardés à l’aéroport du Caire en raison d’une grève des contrôleurs aériens qui réclamaient une augmentation salariale.

Les conflits sociaux dans des secteurs comme l’industrie ou les transports ont pesé sur une économie déjà très affectée par la chute du tourisme et la baisse des investissements étrangers. La purge des anciens responsables et la mise en œuvre de plans de réforme sérieux dans le secteur du tourisme et de l’aviation semblent être les seules solutions durables à une amélioration de la situation.

Noha Ayman

May Al-Maghrabi