Propriétaire d’une maison de production, Rockworld, et d’une compagnie de production internationale JRW Entertainment, la comédienne, chanteuse, productrice et réalisatrice égypto-libano-américaine, Janine Dagher ou Janine D. est une femme de tête et d’esprit. Elle fait partie d’un monde et non d’un territoire, où la communication entre l’Est et l’Ouest est inéluctable.

 

Citoyenne du monde

 

Positive, vivante, féministe et largement inspirée par des femmes à caractère, Janine Dagher, plus connue sous le nom de Janine D., est une femme aux cheveux blonds, à l’allure élancée. Elle nous rappelle incontestablement Dalida. Une ressemblance qui n’échappe à personne, ni dans la réalité, ni sur scène. En tout cas, en Egypte, elle roucoule l’égyptien comme une parfaite « bint al-balad » (fille du pays). Rien d’étonnant à cela puisque son père, Mounir, est un Egyptien. Et au Liban, elle maîtrise à la perfection ce mélange franco-arabe ou le « franbanais » qui caractérise les Libanais. Là encore, rien d’étonnant puisque sa mère, Gladys, est une Libanaise. Mais entre les deux pays, Janine a connu une étape transitoire qu’elle a franchie et qui dure toujours : les States, précisément New York où sa famille est toujours établie. D’ailleurs, Janine tient à faire elle-même la présentation : « Je suis une Egypto-Libano-Américaine née à Beyrouth. J’avais 6 ans quand ma famille a quitté le Liban pour l’Egypte où mon père avait un hôtel, Cairo Inn, à Mohandessine, qui était le point de mire et le rendez-vous des stars du monde entier. Je me souviens, j’étais encore petite quand j’ai chanté dans un concert avec Julio Iglesias à l’hôtel. La vedette Omar Sharif était aussi un habitué de Cairo Inn. 7 ans plus tard, je suis allée avec ma famille aux Etats-Unis, à New York, où nous sommes toujours installés ». Partageant donc son temps et sa culture entre ces trois pays, Janine acquiert de l’expérience et mûrit dans ce climat cosmopolite.

C’est à New York qu’elle suit, en 2005, des études de théâtre musical, au Conservatoire national Herbert Berghof. Pour elle, l’art est une forme d’expression destinée à se rapprocher des gens, pour pouvoir s’impliquer davantage et les influencer à travers la musique. « Je suis née artiste, avec une âme d’artiste. Si nous naissons en tant que tels, cela veut dire que nous avons une grande sensibilité à tout ce qui se passe autour de nous, et que nous sommes chéris par Dieu qui nous donne ce talent susceptible de nous rendre proches des gens. En retour, ces derniers nous offrent un grand cadeau : l’amour et la célébrité », dit-elle. Notre responsabilité est donc énorme, il faut mettre tout notre talent au service des personnes, afin de pouvoir opérer un changement dans leur vie et accéder ainsi au stade de l’humanité entière. « L’art est l’expression de la volonté d’un peuple et d’un pays qui précède le peuple, à travers la musique, une image, un état d’âme. J’aime les gens, c’est ma nature ».

C’est dans cet esprit qu’elle écrit, produit et réalise en 2012 le fameux clip, un single, « Regard sur le Printemps arabe », la première chanson internationale dédiée au Printemps arabe. « C’est important de voir une génération impliquée », dit-elle. Lancé sur Internet, le clip montre le prêtre et le cheikh ensemble sur la place emblématique de Tahrir. Cette invitation au regard est un message d’amour qu’elle transmet, de compassion et d’humanité, chargé d’espoir et de foi entre gouvernants et gouvernés. Dans son cœur, point de place au fondamentalisme qui, lui, fait peur. Rebelle ? Elle l’est, mais à sa manière, engagée et pacifique. Et de poursuivre : « Si je suis capable de réaliser quelque chose et que je m’abstiens de le faire, je dois craindre la douleur causée par ce manque de contribution. Comme je suis artiste, la production nous laisse le contrôle, il faut travailler avec des collaborateurs, à la perfection. Ce n’est pas facile, je procède d’une manière purement professionnelle et c’est là où réside toute la difficulté. C’est ma nature, je ne peux pas changer ».

Le retour aux sources, à Beyrouth, a été décidé en 2003. « C’était ma propre initiative. J’avais 14 ans quand j’étais venue avec ma mère pour 2 semaines au Liban. Parfois, un pays influence notre esprit par sa nature et par son âme. Je me sentais bien au Liban. J’ai donc été la seule à tout laisser à New York et à retourner ». Tout laisser ne veut pas dire abandonner ses projets et ses rêves. Et son grand rêve était de faire de la production entre l’Est et l’Ouest avec des producteurs internationaux. Elle y a tellement cru qu’en 2007, elle fonde sa première maison de production Rockworld, c’est-à-dire un monde bâti sur un roc, un monde solide, dur et résistant. « Rock symbolise la stabilité, comme le rocher. Et World symbolise la grandeur, la dimension. Il suffit d’y croire et de foncer, sans avoir peur », lance-t-elle.

Rockworld est née à New York, aujourd’hui, elle est établie à Beyrouth et collabore avec de grandes boîtes universelles. Elle ne sera pas la seule : en 2011, c’est la naissance de JRW Entertainment, sa propre compagnie de production internationale, impliquée en Europe et aux Etats-Unis, à l’instar de Paramount Pictures et Mpower Pictures.

Productrice, elle est devenue. Mais comment étaient ses débuts ? « Avec Salam (salut), en 2007, un premier album qui a eu beaucoup de succès et qui a nécessité un an et demi de travail. Réalisé entre Paris, Liban et Istanbul, il comprend 10 chansons et 3 clips », rétorque-t-elle. Janine aime non seulement divertir le public, mais aussi l’inciter à réfléchir. Le message transmis est philosophique. Il raconte la relation mouvementée d’un couple vivant son intimité dans un vrai conflit. La fin est romantique. Pour réussir le tango qu’elle danse dans le clip, Janine s’entraîne pendant 3 mois à l’Institut de danse et de chorégraphie d’Arthur Murray. Fin 2008, sortie de son second clip Ya sareq omri. C’est une création artistique réalisée en Turquie. « Je suis un peu philosophe dans la vie. Je vois la société, non pas telle qu’elle est en apparence, mais plutôt telle qu’elle est en réalité, en regardant derrière la porte où se cachent les problèmes ». Dans son troisième clip Enta ya, sorti en 2009, elle transmet encore un message profond. « Chaque jour amène avec lui un nouvel espoir, il faut le chercher, il faut le trouver. C’est un choix, voire des choix aussi minimes soient-ils, qui peuvent changer nos destinées. Dans mes œuvres donc, il y a des messages communiqués », dit-elle.

En 2011, elle se produit au Festival international de Batroun, au Liban, dans Gebran, lawhet omr, une épique musicale, une chorégraphie basée sur les peintures de l’immortel Gebran Khalil Gebran. Elle incarne le personnage de Mary Haskell. Rôle principal et difficile pour ce ballet musical qui était une interprétation des peintures de Gebran. Le spectacle connaît un grand succès qui s’est poursuivi pendant 3 mois, dans le cadre du célèbre Casino du Liban.

De succès en succès, Janine D. procède à pas lents mais sûrs, avec une devise : être toujours présente, et communiquer. En 2012, elle offre sa première production cinématographique, Cloclo, qui relate la vie de l’icône de la chanson française Claude François. Il s’agit en fait d’une coproduction de JRW Entertainment, Studio Canal et LGM Cinema. Le film a été projeté sur 7 écrans au Liban, et dans 60 pays au Moyen-Orient, en Europe et aux Etats-Unis. Il figure d’ailleurs à l’ouverture du Festival d’Alley.

A voir toutes ces réalisations de Janine, on croirait qu’aucune place n’est réservée à sa vie privée. Mariée depuis 6 ans, elle estime que « le mariage est le partenariat le plus important. Le partenaire est un soutien, un support, quelqu’un avec qui on a du plaisir à partager sa vie ». Elle aime bien être élégante. Ses tenues préférées ? « Je change énormément de tenues, selon les activités. Tout dépend des occasions », répond-elle. Pour cela, elle prend bien soin de sa ligne en s’adonnant à tous genres de sports, comme une parfaite sportive : jogging, tennis, natation, mais aussi la lecture, l’écriture, le cinéma et … la cuisine. « J’adore la cuisine italienne. J’aime aussi le sushi », remarque-t-elle.

De nouveau, Janine retourne avec enthousiasme à ses projets. Pour elle, la jeunesse actuelle est pleine de vie, d’enthousiasme et de rêve. « Certains n’ont pas l’opportunité de vivre pleinement leur jeunesse, de se cultiver plus, de voyager, d’avoir davantage d’expériences pour avoir plus de confiance en soi. Je leur dirai que la lecture est très importante dans la vie. Lire, c’est s’instruire et s’enrichir. La responsabilité incombe en premier et en dernier lieu aux parents pour initier leurs enfants à la lecture, au voyage et à la vie. La jeunesse tombe parfois dans l’erreur, c’est le Choix avec un grand C qu’elle doit faire quelque part dans sa vie », souligne-t-elle.

Janine n’a pas encore fini de parler. Plein de projets grouillent dans sa tête. « Après l’album, ce sera le tour d’un film en français dont je tiens le rôle principal : Khloé, du nom d’une déesse grecque, coécrit avec Riad Bahsoun et filmé entre Beyrouth, Paris et New York. Nous sommes entrés dans la phase de la production avec StudioCanal LGM et JRW Entertainment », poursuit-elle. Le film commence en Orient et se termine en Occident, traitant avec plein d’émotions l’âge d’une femme, son amour, sa déception, la trahison, etc. dans les menus détails. Janine ajoute : « J’ai eu une proposition de film sur la vie de Dalida. Mais j’ai préféré m’éloigner parce qu’il y a trop de ressemblance avec elle, alors que j’ai besoin de révéler ma propre identité. Par contre, j’aimerais bien jouer le rôle de Dalida, dans une étape particulière de sa vie, peut-être la période qui l’a liée à François Mitterrand ». Il semble que les rêves de Janine sont sans fin, car elle pense déjà à une coproduction d’une trilogie d’un film américain … Inch Allah dans le futur très proche ...

Mireille Bridi

 

 

 

Jalons

 

14 novembre … : Naissance à Beyrouth.

2005 : Etudes de théâtre musical au Conservatoire national Herbert Berghof à New York.

2007 : Fondation de la maison de production Rockworld, et lancement de l’album Salam (salut).

Fin 2008 : Sortie de son deuxième clip Ya sareq omri.

2009 : Lancement de son troisième clip Enta ya.

2010-2011 : Chorégraphie musicale Gebran, lawhet omr, opéra ballet joué en Europe, aux Etats-Unis et au Moyen-Orient, notamment au Liban, au Festival international de Batroun.

2012 : Clip Regard sur le Printemps arabe, écrit, produit et dirigé par Janine D. et le film Cloclo, une coproduction cinématographique française.

2012 : Production du second album Raksa et du film Khloé.