La Constitution et les procès de publication
Wahid Aldel-Méguid
Politologue
Si
les amendements dernièrement apportés à certains articles
relatifs à la liberté de la presse et des médias dans le
projet de la Constitution demeurent tels quels, et si ce
projet est adopté lors d’un référendum, la peine de prison
dans les procès relatifs à la publication sera abolie. Le
législateur se devra également d’amender tous les articles
concernant cette peine dans le code pénal. Ces évolutions
positives s’avèrent les plus importantes dans la rédaction
du chapitre des droits, des libertés et des devoirs dans le
projet de la nouvelle Constitution à la lumière des
discussions au sein ou en dehors de l’assemblée. La
proposition que j’ai rejetée avait été écartée car elle
rendait les peines privatives de liberté plus proches d’une
règle générale au lieu de devenir une exception. La
proposition qui avait été écartée stipulait : « Il n’est
possible d’adresser des accusations dans les crimes de
publication que par une charge directe. Les peines
privatives de liberté ne sont pas appliquées contre ces
crimes, à l’exception des crimes de publication portant
atteinte à la réputation des personnes, à leur honneur, ou
aux crimes de diffamation ou d’incitation à la violence ou à
la discrimination ».
Ce texte a été remplacé par une proposition qui représente
une victoire pour la liberté de la presse, d’opinion et
d’expression ainsi qu’un changement important dans la
philosophie pénale en vigueur en Egypte. Cette proposition
stipule : « Il n’est possible d’adresser des accusations
dans les crimes de publication que par les charges directes,
les peines privatives de liberté ne peuvent être appliquées
à ces crimes ». En cas de promulgation de la nouvelle
Constitution comprenant ce texte proposé, il incombera au
président de la République (qui assume temporairement le
pouvoir législatif) de prendre l’initiative de remédier aux
articles relatifs aux questions de publication dans le code
pénal. Et ce, afin d’abolir la peine de prison pour la
remplacer par des amendes sans attendre l’élection d’un
nouveau Parlement. S’il tarde, le syndicat des Journalistes
pourra intervenir dans tout procès intenté contre l’un de
ses membres et de réclamer sa soumission à la Haute Cour
constitutionnelle car les articles sur lesquels il se base
deviendront inconstitutionnels dès la promulgation de la
nouvelle Constitution.
Egalement, il serait préférable d’ajouter les conditions
appliquées dans les pays démocratiques en cas de procès
intenté dans les affaires de publication.
Un autre changement important est survenu dans la dernière
mouture, concernant les droits, les libertés et les devoirs
dans le projet de la nouvelle Constitution. Le texte relatif
au droit de la promulgation de journaux par des
personnalités physiques en plus des personnes morales, omis
dans le premier brouillon, a été rajouté. Cependant, deux
problématiques demeurent dans le second brouillon de la
première lecture du chapitre des droits, des libertés et des
devoirs. La première porte sur la non-résolution de l’erreur
figurant dans le premier brouillon relatif aux procédures de
suspension ou d’interdiction de journaux. Le texte figurant
dans le second brouillon ouvre toujours la porte aux
procédures qui avaient été abolies au niveau législatif
selon la loi n°147 pour l’année 2006 amendant certaines
dispositions du code pénal. Actuellement, il n’est possible
d’interdire un journal que par décision administrative ou
procès.
L’abolition de cette peine représentait une évolution
positive car elle s’inscrit dans le cadre des peines
collectives qui touchent des centaines ou des milliers de
personnes travaillant dans le journal pour la seule raison
que l’un d’eux a commis une erreur.
L’un des articles introduit dans le dernier brouillon de la
première lecture du chapitre des droits, des libertés et des
devoirs ouvre la porte au rétablissement de cette peine
collective dangereuse. Selon ce texte, « la liberté de la
presse, de l’impression, de la diffusion est garantie, et le
contrôle est interdit. L’avertissement des journaux, leur
suspension ou leur interdiction selon les procédés
administratifs sont interdits ». Si la suspension ou
l’interdiction est interdite selon les procédés
administratifs seulement, ceci signifie qu’elles sont
permises selon les autres procédés juridiques. Ceci figurait
d’ailleurs dans le code pénal et en a été supprimé en 2006
selon l’amendement apporté par la loi n°147 pour la même
année.
L’autre problématique de ce brouillon, qui pourrait être
amendé, est qu’il ne comprend pas un article relativement
important déjà approuvé par le comité des droits, des
libertés et des devoirs de l’assemblée constituante afin de
garantir l’indépendance des journaux et des médias publics
loin des divers pouvoirs.
Si ces deux problématiques sont résolues dans la seconde
lecture de l’assemblée constituante pour la rédaction de la
Constitution, le projet de la nouvelle Constitution sera un
énorme pas vers l’avant dans le domaine de la liberté de la
presse et des médias. Cependant, les défenseurs de la
liberté doivent rester sur leurs gardes pour contrer toute
nouvelle tentative de porter atteinte
aux libertés, notamment dans cette atmosphère d’hostilité à
cause des dépassements survenus dans certains médias et qui
ont été généralisés. Ce qui a poussé le ministre de la
Justice, qui représentait l’une des figures de proue du
courant de l’indépendance de la justice, à adopter une
position négative à ce sujet. Il a insisté sur la détention
dans les affaires de la publication, contrairement à sa
longue histoire de défenseur des libertés. Un long chemin a
été parcouru sur la voie de la libération de la presse et
des médias. Cependant, le danger persiste et les différentes
tentatives de nous faire revenir en arrière se poursuivent,
soit au sein de l’assemblée constituante, soit à
l’extérieur.