Syrie.
Le médiateur international, Lakhdar
Brahimi, a entamé au Caire sa
première mission depuis sa prise de fonction officielle
comme émissaire de l’Onu et de la Ligue arabe, alors que,
sur le terrain, la violence se poursuit sans répit.
Brahimi
tente l’impossible
«
je
réalise que c’est une mission très difficile,
mais je pense que je
n’ai pas le droit de
refuser d’apporter de l’aide au peuple syrien ».
Telle est la déclaration qu’a faite le médiateur
international, Lakhdar
Brahimi, à son arrivée au Caire
lundi dernier pour entamer sa délicate mission de paix. En
effet, près de 18 mois après le début des violences qui ne
connaissent aucun répit, rien ne permet de croire à une
solution proche, tant sont grandes la haine entre la
rébellion et le régime de Bachar
Al-Assad et les divergences
entre les grandes puissances sur les moyens de régler le
conflit.
La mission de M. Brahimi
commence donc sans grand enthousiasme. Après une rencontre
avec le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil Al-Arabi,
une autre avec le président égyptien, Mohamad
Morsi, et son ministre des
Affaires étrangères, Kamel Amr, aucun résultat tangible
n’est à noter. Seules des déclarations générales, voire
pessimistes en sont sorties. Nabil Al-Arabi
a ainsi affirmé que la mission de M.
Brahimi, mandaté par l’Onu et la Ligue arabe pour
tenter de rétablir la paix en Syrie, était « presque
impossible ». Mais, pour mettre un peu d’eau dans son
vin, il s’est dit confiant dans la capacité du diplomate
algérien à la mener.
Dans le cadre d’autres efforts diplomatiques, l’Egypte a
confirmé la tenue d’une première réunion lundi au Caire d’un
« groupe de contact » sur la Syrie dont M.
Morsi a proposé la mise sur
pied, mais dont la création n’a jamais été annoncée
officiellement. Ce groupe doit comprendre outre l’Egypte et
l’Iran, l’Arabie saoudite et la Turquie. L’Iran a dépêché
son vice-ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir
Abdollahian, pour participer à
cette réunion. « La participation de l’Iran à cette
rencontre s’inscrit dans le cadre des efforts pour régler la
crise syrienne et va permettre d’écouter les propositions
égyptiennes », a précisé le porte-parole du ministère
des Affaires étrangères, Ramin
Mehmanparast, cité par la chaîne iranienne en arabe
Al-Alam. « L’Iran va saisir cette occasion pour
expliquer ses positions, y compris son souhait d’élargir ce
groupe à d’autres pays », a-t-il ajouté. Damas avait
pourtant affirmé vendredi que M. Morsi
avait « signé l’arrêt de mort » de ce groupe par ses
appels à un changement de régime.
Or, rien ne peut se faire sans l’implication des parties
syriennes elles-mêmes. M. Brahimi
compte se rendre en Syrie « dans les prochains jours »
pour « y rencontrer des responsables et des gens de la
société civile », a-t-il dit. Tout en ajoutant « espérer »
rencontrer M. Assad, déclarant
cependant qu’à ce stade, il « ne savait pas » si cela
serait possible.
Depuis sa nomination, M. Brahimi
n’a cessé de répéter que l’avenir de la Syrie serait « déterminé
par son peuple et par personne d’autre ». Il a tenu à ne
pas soulever trop d’espoirs et a demandé le « soutien de
la communauté internationale ». Or, si tous les pays
soutiennent ses efforts, ils ne s’accordent pas sur les
moyens de parvenir à un règlement. Et les divergences
russo-américaines bloquent les efforts internationaux pour
un règlement du conflit.
Nouvelle proposition russe
Dans une nouvelle tentative, Moscou a proposé l’organisation
d’une conférence réunissant « tous les acteurs du conflit »
syrien, représentants de l’opposition, du régime et des
différentes communautés, a déclaré le vice-ministre russe
des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, dans une
interview parue mardi au Figaro.
« Compte tenu des divisions de l’opposition et des armes
qui parviennent aux rebelles, le risque d’une
somalisation de la Syrie existe,
si jamais le régime tombait brutalement demain. Il faut tout
faire pour éviter cette désagrégation d’un Etat centralisé,
et son éclatement entre communautés », a ajouté M.
Bogdanov. « La conférence devra garantir une sortie de
crise non violente et permettre de dessiner les contours de
la Syrie de demain », a ajouté le responsable russe.
Russes et Américains ont donc étalé de nouveau au grand jour
leurs divergences sur la Syrie. Une nouvelle résolution à
l’Onu sur la Syrie qui ne comporterait pas de « conséquence »
pour Damas n’a pas de raison d’être, car le président syrien
Bachar Al-Assad
l’ignorerait, a ainsi déclaré dimanche la secrétaire d’Etat
américaine, Hillary Clinton. En visite en Russie, Mme
Clinton s’est dit prête à travailler avec Moscou sur une
nouvelle résolution sur la Syrie, mais elle a averti que les
Etats-Unis augmenteraient la pression pour mettre fin au
régime de M. Assad si cette
résolution était inoffensive pour Damas. « Cela n’a pas
de sens de passer une résolution sans conséquence parce que
nous avons déjà vu plusieurs fois qu’Assad
passait outre et continuait d’attaquer son propre peuple »,
a déclaré Mme Clinton à des journalistes, au
dernier jour du sommet annuel du Forum de coopération
économique Asie-Pacifique (Apec),
à Vladivostok, dans l’Extrême-Orient russe.
Mme Clinton s’était entretenue la veille avec le
chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, au cours d’une
rencontre bilatérale, en marge du sommet. Lors de cet
entretien, M. Lavrov lui a dit que Moscou pousserait, fin
septembre, le Conseil de sécurité de l’Onu à approuver
l’accord de Genève sur la Syrie, trouvé le 30 juin. Ce
document fixe les principes pour une transition politique
dans le pays ravagé par la guerre civile, sans toutefois
appeler au départ du président Bachar
Al-Assad. « Je continuerai à
travailler avec le ministre des Affaires étrangères Lavrov
pour voir si nous pouvons réexaminer l’idée de mettre le
plan de transition syrien, sur lequel nous nous sommes mis
d’accord plus tôt cet été, dans une résolution soumise au
Conseil de sécurité », a dit Mme Clinton. « Mais
comme je l’ai souligné hier au ministre des Affaires
étrangères Lavrov, cela ne sera efficace que si ça inclut
des conséquences en cas de non-respect », a-t-elle
ajouté. Mme Clinton a dit qu’elle espérait voir
des progrès, mais qu’elle était tout à fait consciente des
différences de points de vue entre les Etats-Unis et la
Russie sur la Syrie. Si ces différends persistent, « alors
nous œuvrerons avec des Etats partageant le même point de
vue pour soutenir une opposition syrienne, afin de hâter le
jour où Assad tombera et pour
aider la Syrie à se préparer un avenir démocratique et à se
remettre sur pied », a-t-elle averti.
Et pendant ces initiatives tous azimuts, les violences
continuent de plus belle sur de nombreux fronts faisant de
nouveaux morts et occasionnant de nouveaux dégâts, le régime
restant décidé à en finir avec une rébellion qu’il assimile
à du « terrorisme ».
Les combats entre soldats et rebelles et les bombardements
des troupes faisaient rage tout au long de cette semaine à
Alep (nord), Deraa (sud), Idleb
(nord-ouest), Deir Ezzor (est)
et dans la province de Damas, selon des militants. Depuis le
début du conflit le 15 mars 2011, plus de 27 000 personnes
ont été tuées selon l’Observatoire syrien des droits de
l'homme, et des centaines de milliers ont été poussés à
l’exil. En outre, 1,2 million de Syriens à l’intérieur du
pays dévasté ont besoin d’aide.
Abir
Taleb