Constitution.
Les intellectuels ne cessent de multiplier leurs
protestations. Ils demeurent sceptiques tant que la
constituante « contestée » ne diffuse pas
d’informations sur la rédaction de la future loi
fondamentale égyptienne.
Liberté et transparence … exigences des intellectuels
« Il
s’agit juste d’infiltrations, mais personne ne sait rien de
ce qui se passe au sein de l’assemblée constituante ».
« Ce qui est rédigé jusque-là n’exprime ni l’Egypte ni
les Egyptiens ». « La Constitution égyptienne doit
protéger les pauvres contre tout abus et respecter toutes
les libertés, notamment celle de culte et d’expression,
ainsi que la recherche scientifique … quant à l’assemblée
constituante, il faut qu’elle soit élue et exprime la
volonté de tout le peuple ». Telles sont les
protestations de la grande majorité des intellectuels. Ils
refusent la Constitution dite « des Frères » que
l’assemblée constituante actuelle est en train de rédiger.
Ils ont organisé durant les dernières semaines quelques
protestations, dont deux à la place
Talaat Harb et la
dernière devant le Conseil consultatif (le Sénat) qui a eu
lieu dimanche dernier. Ils craignent une Constitution qui
n’exprime pas les aspirations du peuple égyptien après la
révolution du 25 janvier. Ils se disent concernés par tous
les articles de la nouvelle Constitution et non pas
uniquement par ceux relatifs aux libertés. Les nouveaux
articles sur la santé et la gratuité de l’enseignement ainsi
que sur l’économie les inquiètent.
Selon ces protestataires, le manque de transparence en ce
qui concerne le travail des différentes commissions,
notamment celle des libertés, suscite des craintes.
Récemment, on a assisté également à la création de nouvelles
entités indépendantes visant à protéger la liberté
d’expression, de la créativité et de la pensée. Citons à
titre d’exemple le Comité national pour la protection de la
liberté de créativité et le Comité de protection de la
culture. « Afin de mettre un terme à toute inquiétude, il
fallait que le porte-parole de la constituante publie un
communiqué quotidien portant sur le travail des différents
comités ainsi que sur les articles adoptés », explique
Helmi Al-Namnam,
écrivain et penseur. « Je dois dire qu’il n’y a ni
transparence, ni clarté en ce qui concerne la rédaction de
la Constitution. Des phrases comme : La suprématie est à
Dieu, au lieu de la suprématie est au peuple, les
différentes déclarations de plusieurs membres sur le
deuxième article, nous inquiètent », (L’article 2 de la
Constitution de 1971 présentait la loi islamique comme « source
principale » de la législation égyptienne). Selon Al-Namnam,
la constituante devrait enregistrer toutes les propositions
des articles concernant chaque catégorie sociale égyptienne
avant de commencer la rédaction. « Personne n’a entendu
les propositions des chrétiens, des habitants du Sinaï, des
pêcheurs, des minorités comme les
bahais, les chiites et les juifs. Le référendum aura
lieu sur toute la Constitution et non pas sur chaque
article. Jusqu’à maintenant, il n’y a aucun mot sur le
vice-président. Nous avons peur d’un régime semblable à
celui de Moubarak », indique furieusement Al-Namnam.
Une Constitution rédigée par les intellectuels
Les intellectuels ont tenté de rédiger leur Constitution.
Ils ont lancé une initiative intitulée « Vers une
Constitution culturelle égyptienne », qui vise à
défendre les objectifs de la révolution du 25 janvier dans
ses dimensions culturelles. Les axes principaux de cette
constitution sont : l’identité de l’Egypte, la liberté, le
rôle des intellectuels en tant que « vraie conscience du
peuple », et enfin l’indépendance des intellectuels afin
qu’ils puissent exprimer leurs avis concernant la société
égyptienne. « Toutes les propositions ont été soumises à
la première constituante. Nous protestons parce que le
simple citoyen ne participe pas à cette constituante. Tant
qu’il n’y aura pas de transparence, les rumeurs vont se
propager et l’inquiétude va s’amplifier puisqu’on ne sait
rien », assure Chérine
Aboul-Naga, professeur de
littérature anglaise à la faculté des lettres de
l’Université du Caire.
Les intellectuels ne sont pas seulement inquiets du manque
de transparence et d’informations, mais aussi de la
formation de la constituante elle-même. Certains écrivains
refusent de discuter les articles et les phrases floues,
inclues dans la nouvelle Constitution et qui existaient dans
l’ancienne comme « qui ne se contredit pas avec l’ordre
public ». Ils rejettent carrément cette assemblée.
Une
constituante nulle
C’est la deuxième assemblée créée après la suspension de la
première par la justice administrative égyptienne pour
raison de domination des islamistes. La deuxième a été
composée en vertu de la Déclaration constitutionnelle
complémentaire qui a été annulée par le président Mohamad
Morsi. Chose que les
intellectuels considèrent comme base pour annuler la
deuxième constituante. « Si la Déclaration
constitutionnelle est nulle, cette commission est nulle
automatiquement. La formation même est nulle. Je suis contre
cette constituante. Je rejette tous les articles rédigés par
les membres. Elle ne représente pas les différentes
tendances du pays. On doit connaître la différence entre le
fait de remporter des élections et la rédaction de la
Constitution d’un pays. Celle-ci ne se fait pas tous les 4
ans. Je suis contre cette Constitution parce que la base est
nulle », affirme Tareq
Noaman, président de
l’administration centrale des comités relevant du Conseil
suprême de la culture. Pour les intellectuels, l’élection
des membres de cette assemblée est une condition pour
réussir. « Je suis contre toute assemblée nommée. La
commission doit être élue par le peuple égyptien. Et nous
avons un exemple à suivre, celui des Tunisiens. Les
intellectuels vont continuer à exercer des pressions pour
avoir une assemblée qui représente le peuple égyptien et
pour la transparence dans la discussion », indique
fermement Bahaa
Taher, écrivain, penseur et
membre du Comité de défense de la culture.
La Constitution en général et la suprématie nationale sont
la préoccupation principale des intellectuels soucieux de
continuer leur combat jusqu’au bout. Ils luttent pour la
liberté, la dignité et l’indépendance nationale. Ils misent
sur le peuple qui n’a plus peur de parler politique et de
critiquer le président. Celui-ci avait annoncé qu’il allait
réformer cette assemblée. Mais il ne l’a pas fait jusqu’à
maintenant. Les hommes de culture s’attendent à ce que la
Constitution soit l’expression de la révolution. De l’Egypte
moderne.
Rasha
Hanafy