Al-Ahram Hebdo, Egypte | La culture massacrée

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 Semaine du 12 au 18 septembre 2012, numéro 939

 

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Egypte

Alexandrie. La colère règne dans la cité portuaire après la démolition par des policiers de plusieurs kiosques dans la célèbre rue Al-Nabi Daniel, connue pour ses « librairies à ciel ouvert ».  

La culture massacrée 

La campagne visant les kiosques de la rue Al-Nabi Daniel, qui s’est soldée vendredi au petit matin par la destruction d’une quinzaine de kiosques et l’endommagement d’innombrables volumes, a suscité une vague de critiques contre les responsables de ce gouvernorat et ceux de la police locale accusés d’avoir un problème à définir les priorités et de ne pas apprécier la caractéristique de cette rue fréquentée par les étudiants, les bouquinistes et les intellectuels, et qui fait partie du patrimoine culturel de la ville.

Les libraires de cette rue se sont réveillés vendredi sur les rumeurs d’une campagne de la police municipale ciblant leurs kiosques et leurs livres. Ils sont accusés d’occuper les trottoirs et de bloquer la circulation. L’opération de « débarrassage » a laissé des quantités de planches de bois et de débris ainsi que des centaines de livres traîner en pleine rue offrant un spectacle désormais qualifié de « massacre culturel ».

« Les policiers ont commencé à démolir nos kiosques sans avertissement préalable, ils étaient à l’œuvre très tôt le matin alors que nous n’étions pas encore sur les lieux. A notre arrivée, plus de 15 kiosques et beaucoup de livres rares ont été déjà détruits. Je ne crois pas qu’ils connaissent la valeur de ces livres », raconte Mohamad Al-Fouli, l’un des anciens libraires de la rue.

Il dit avoir un permis du gouvernorat qu’il a obtenu en 2004, du temps de l’ancien gouverneur Abdel-Salam Al-Mahgoub. « On paye chacun 1 200 L.E. par an au gouvernorat pour nous permettre d’occuper une partie du trottoir », poursuit Al-Fouli. C’est ce que réclament également la cinquantaine de libraires propriétaires des kiosques voisins.

« Je travaillais ici avec mon père il y a plus de 30 ans, on étalait les livres à même le trottoir, puis on s’est doté de charrettes en bois … aucun responsable n’est venu nous interpeller pour une contravention. Aujourd’hui, alors que nous avons légalisé notre activité, les forces de police viennent démolir nos kiosques. J’ai envie de savoir qui peut profiter d’un tel acte et qui va m’indemniser pour les milliers de livres que j’ai perdus ? », se demande le même libraire. 

Mahfouz, un « habitué des lieux »

Depuis près d’un demi-siècle, la rue, célèbre d’ailleurs pour ses sites archéologiques gréco-romains, a constitué un ajout au patrimoine culturel de la ville d’Alexandrie, notamment grâce à ses librairies qui s’étalent sur ses deux côtés. A ce niveau-là, elle est la rue jumelle de celle d’Ezbekieh au Caire. Les libraires se souviennent encore de la visite annuelle que leur rendait le prix Nobel de littérature, Naguib Mahfouz, un « habitué des lieux » parmi tant d’autres écrivains et célébrités.

« Est-ce que la police en a fini avec le problème des bâtiments en passe de s’effondrer sur la tête de leurs habitants ? Est-ce que les responsables ont trouvé des solutions pour les problèmes des ordures entassées dans les rues, de la pollution, de la circulation et des égouts qui débordent sur les artères principales de la ville ? Est-ce que tout ce qui les dérange ce sont les livres ? Et même s’il y a des contraventions de la part de certains libraires, n’y a-t-il pas une manière plus civilisée pour résoudre leur problème ? », s’indigne Hussein Salman, président de l’association des libraires de la rue Al-Nabi Daniel. Selon lui, seuls trois ou quatre kiosques parmi ceux détruits n’avaient pas de permis.

« Nous ne laisserons ni notre droit, ni celui des chercheurs et des intellectuels qui viennent ici chercher les livres qu’ils ne trouvent pas ailleurs. On défendra aussi le droit des jeunes et des étudiants, ces fidèles clients qui n’ont pas le budget de fréquenter les grandes librairies et qui profitent des réductions qu’on offre ici. S’il le faut, on ira jusqu’à poursuivre en justice le ministère de l’Intérieur », promet-il.

L’association des intellectuels d’Alexandrie s’est donné rendez-vous avec certaines formations politiques comme Al-Dostour et Al-Karama, pour organiser un sit-in en solidarité avec les libraires après la prière du vendredi. Khaled Farouq, chef de l’association, assure : « Ce genre de marchés de livres, on le trouve dans la plupart des capitales européennes à Rome comme à Lisbonne, ils sont considérés comme des réserves culturelles intouchables. Cet incident est tout semblable à la mise à feu de l’ancienne Bibliothèque d’Alexandrie. Tout ce que je peux dire c’est que nous défendrons ces libraires de toutes nos forces à travers les moyens légitimes. Cet acte ne doit pas rester impuni ».

Côté officiel, le directeur de la direction de la sécurité d’Alexandrie, Khaled Ghoraba, a déclaré aux médias avoir reçu de nombreuses plaintes de la part des habitants de la rue à cause de l’occupation des trottoirs par les vendeurs de livres. Il dit avoir accordé aux libraires un délai de 48 heures pour évacuer l’espace public. Contrairement aux témoignages de ces derniers, le responsable assure que « seuls les neuf kiosques qui ne disposaient pas de permis ont été démolis ». Et d’ajouter : « Des représentants du quartier ont accompagné la force de la police pour s’assurer du statut des kiosques avant de les démanteler. Les livres n’ont pas été endommagés ». Alors qu’un autre responsable de la même direction a reconnu, sous le couvert de l’anonymat, que plusieurs kiosques officiellement permis avaient été démolis « par erreur ». Pour sa part, le nouveau gouverneur d’Alexandrie, Atta Abbass, a nié toute implication du gouvernorat dans cette descente, assurant qu’il n’était pas à son bureau lors de l’incident et qu’il n’avait donné aucun ordre à cet égard.

Samar Zarée

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