Alliances. Le politologue Amr Hachem Rabie, chercheur au
Centre des études politiques et stratégiques d’Al-Ahram,
estime que l’opposition actuelle va engendrer une majorité islamiste aux
prochaines élections.
« L’opposition doit assumer la responsabilité de
sa faiblesse »
Al-Ahram Hebdo : Que pensez-vous des
nouveaux mouvements d’opposition ? sont-ils
différents de ceux existant du temps de Moubarak ?
Amr Hachem : Le système et la structure
politique en Egypte ont certes changé après la révolution, puisque la loi
relative à la création des partis politiques n’est plus la même. Ainsi, de
nouvelles entités politiques ont fait leur apparition après 30 ans de parti
unique et une opposition formelle. Aucune comparaison n’est à faire avec ces
nouveaux partis ou entités, qui sont très compétitifs. Cette opposition était
complètement loin de la rue égyptienne et des problèmes des Egyptiens et
n’avait dans le fond qu’un seul rôle : servir et coopérer avec la Sûreté
d’Etat. Aujourd’hui, les choses changent.
— Est-ce que ces
nouveaux partis représentent une opposition d’idéologie ou sont-ils simplement
créés pour contrecarrer le courant islamiste ?
— Il est vrai que concurrencer le mouvement
islamiste vient en tête des principaux buts de ces partis et coalitions, mais
on ne peut pas nier qu’ils cherchent aussi à avoir un rôle actif dans la vie
politique.
Je doute de la réussite de ces
partis qui cherchent à combattre leur rival islamiste. Ils auront beaucoup de
difficultés à gagner en divisant la société entre islamistes et non-islamistes
et en s’éloignant des vrais problèmes des citoyens.
— Le parti salafiste Al-Nour peut-il être considéré comme une opposition malgré
son idéologie islamiste qui va de pair avec celle du parti des Frères, Liberté
et justice ?
— Al-Nour joue de temps à autre le
rôle de l’opposition, mais dans le fond, il est d’accord avec la politique du
Parti Liberté et justice. C’est d’ailleurs à ce niveau que ce dernier déploie
tous ses efforts pour créer un front avec les salafistes,
surtout que les Frères connaissent bien leur poids et popularité dans la rue.
Le parti Al-Nour représente une opposition
apprivoisée.
— Pensez-vous que les coalitions politiques qui ne cessent pas de
faire leur apparition aillent renforcer cette opposition ou reflètent-elles une
division ?
— Bien sûr, ces coalitions vont mener à soutenir l’opposition, mais à
condition que leurs initiateurs s’organisent bien, dévoilent les sources de
leur financement et abandonnent un peu les projecteurs des médias. Pourront-ils
ainsi réussir ? De même, ils doivent à mon avis s’efforcer d’attirer des
figures islamistes modérées, afin de pouvoir affronter les Frères musulmans et
gagner la confiance du simple citoyen qui est par nature proche de la religion.
— Ces coalitions auront-elles, selon vous, une chance lors des
prochaines législatives qui devraient avoir lieu dans quelques mois ?
— Non, je pense que les résultats des élections seront les mêmes que
ceux du dernier scrutin : une majorité pour le mouvement islamiste. Il ne
faut pas oublier que cette opposition n’a pas encore de vraie base dans la rue.
Elle s’est occupée plus des conflits internes, et ses moyens financiers sont
assez limités.
Sa mission est difficile mais non
pas impossible, surtout si ces partis comptent sur des figures acceptées et
connues par le simple citoyen. La crédibilité et l’influence de ces personnes
pourraient changer les résultats.
— A votre avis, qui des deux a plus de chance de réussir, les
libéraux ou les gauchistes ?
— Je pense que les deux sont rejetés. Les gens dans la rue ne savent
pas ce que veut dire gauche ou libéral. De plus, tous les deux ne s’intéressent
pas à s’approcher des citoyens en leur expliquant les buts et les principes de
leurs coalitions. Ils se sont contentés de l’élite qui représente une minorité.
De plus, ils se sont préoccupés plus des questions politiques que sociales.
Même en ce qui concerne la Constitution, ils se sont contentés de critiquer
certains articles sur les chaînes de télévision sans tenter d’expliquer au
simple électeur ses droits dans cette nouvelle Constitution.
— La diffamation qui a souvent touché ces mouvements par les
islamistes les accusant parfois d’être apostats ou de recevoir des financements
étrangers n’a-t-elle pas contribuer à cette
impopularité ?
— Je ne pense pas, car les mêmes accusations sont aussi lancées contre
les mouvements islamistes, salafistes surtout. C’est plutôt cette opposition qui doit
assumer la responsabilité de sa faiblesse.
Propos recueillis par Chérine Abdel-Azim