Palestine. Avec l'échec de la
réconciliation et les protestations grandissantes contre le gouvernement de Sallam Fayyad, la situation
interne est extrêmement critique.
Crise politique et grogne sociale
Signé en avril 2011 entre le Fatah
et le Hamas, l’accord de réconciliation nationale est resté lettre
morte. En vertu de cet accord, les deux gouvernements rivaux devaient céder la
place à un exécutif transitoire non partisan chargé d’organiser des élections
générales. Mais depuis, les échéances ont été constamment repoussées et l’on
est toujours en présence de deux gouvernements palestiniens : l’un du Fatah,
basé en Cisjordanie et dirigé par Sallam Fayyad, l’autre du Hamas, basé à
Gaza — dont il a le contrôle — et dirigé par Ismaïl Haniyeh. Avec évidemment l’impossibilité d’organiser des
élections.
Cette semaine, une fois de plus, le
président palestinien Mahmoud Abbas et le Hamas se sont rejeté la
responsabilité de l’échec de la réconciliation. « La réconciliation, ce
sont les élections, et vouloir établir un émirat indépendant à Gaza ne marchera
pas », a déclaré samedi dernier M. Abbas lors d’une allocution
télévisée, visant le Hamas. Et d’ajouter : « La
réconciliation ne se réalisera pas tant que la commission électorale n’aura pas
entamé l’enregistrement (des électeurs) à Gaza pour que les élections aient
lieu trois mois après ».
Riposte du porte-parole du
gouvernement du Hamas, Taher Al-Nounou :
« Abbas a achevé son mandat en vertu de la loi et il n’est président
que dans le contexte du consensus national (palestinien), qu’il a détruit dans
son discours. Abbas tente de faire monter la tension contre le Hamas
pour faire diversion de la crise intérieure ».
Le conflit palestinien interne a ainsi éclaté au
grand jour. Ces derniers mois laissaient présager une telle issue. En effet, le
2 juillet dernier, à la veille de l’enregistrement des électeurs, étape-clé de
l’accord de réconciliation nationale entre le Fatah de M. Abbas et le Hamas,
le mouvement islamiste avait annoncé la suspension des travaux de la commission
électorale à Gaza. L’Autorité palestinienne avait pris acte de ce nouvel
enlisement en convoquant le 10 juillet dernier des élections municipales pour
le 20 octobre prochain, qui devraient donc se tenir dans la seule Cisjordanie.
Ce cas de figure, s’il avait lieu, porterait un coup
mortel aux efforts de réconciliation. De même, la tenue d’élections en
Cisjordanie pourrait affaiblir M. Abbas. En effet, la situation est
actuellement très tendue, suite aux manifestations qui se sont récemment
déroulées dans plusieurs villes de Cisjordanie contre l’augmentation récente
des prix de l’essence et des produits alimentaires.
Samedi dernier, M. Fayyad
a été vivement pris à partie à l’issue d’une interview dans une station de
radio locale à Ramallah (Cisjordanie) par des manifestants qui ont brièvement
encerclé son cortège en scandant « Fayyad,
dégage ! », selon des témoins.
Malgré la contestation, le premier ministre
palestinien, très apprécié de la communauté internationale et reconduit en mai
par M. Abbas à la tête d’un gouvernement remanié, a affirmé cette semaine qu’il
resterait à son poste. « Si j’arrive à la conclusion que je ne peux pas
faire face à la situation pour des raisons objectives et non pas en raison de
plaintes, je veux assurer à ceux qui souhaitent mon départ que je ne serai pas
un obstacle et que je ne resterai pas un jour de plus », a toutefois
précisé M. Fayyad. Ce dernier a tout de même reconnu
que son gouvernement n’avait pas la capacité de prendre des mesures décisives
« pour mettre fin aux plaintes qui existent ». Pour l’heure,
M. Fayyad semble compter uniquement sur le soutien du
président palestinien. « Il n’y a pas de dissension entre le
gouvernement et moi, et ce qu’il (le premier ministre) fait obéit à mes ordres
et ce qu’ils (les ministres) étudient ou proposent m’engage et mes ordres les
engagent », a assuré Mahmoud Abbas.
Mais les analystes jugent très
faible la marge de manœuvre du gouvernement, confronté à une crise budgétaire
aiguë. L’Autorité palestinienne subit, en effet, une baisse de l’aide
extérieure venue des pays occidentaux et du Golfe. Elle est surtout soumise à
des restrictions imposées par Israël. A ce sujet, pour tenter de contenir la
grogne sociale, l’Autorité a officiellement demandé dimanche dernier à Israël
de renégocier le protocole de Paris de 1994 sur les relations économiques entre
Israël et l’Organisation de libération de la Palestine, « incompatible
avec la situation économique actuelle », selon les propos du ministre
palestinien des Affaires civiles, Hussein Al-Cheikh. Une requête dont l’issue
est incertaine. Certains analystes parlent déjà d’un « printemps
palestinien ». Le politologue Khalil Chahine, cité par l’AFP,
prévoit en effet une poursuite et une extension de la contestation « parce
que les citoyens ont commencé à sentir qu’ils payent le prix du maintien de
l’Autorité palestinienne, bien que celui-ci n’implique pas une avancée vers un
Etat palestinien indépendant, compte tenu des conditions israéliennes ».
Abir Taleb