Al-Ahram Hebdo, Visages | Ahmed Mourad

  Président
Abdel-Fattah El Gibali
 
Rédacteur en chef
Hicham Mourad

Nos Archives

 Semaine du 18 au 24 juillet 2012, numéro 931

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Visages

Le photographe Ahmed Mourad s’est lancé dans l’écriture en publiant le thriller Vertigo, un best-seller depuis 2007. Adaptée au petit écran et bientôt diffusée lors du Ramadan, son œuvre surprend par sa façon de dépeindre la corruption et les pratiques obscures de l’ancien régime.

 

L’œil du romancier

 

Ahmed kamal, héros principal de Vertigo, roman classé dans la catégorie best-seller durant les cinq dernières années, et son auteur Ahmed Mourad se ressemblent. Les deux sont des photographes qui découvrent le monde de la nuit, à travers leur caméra. Ils se plaisent dans le rôle d’observateur et gardent le même patronyme. Il ne s’agit cependant pas d’une œuvre autobiographique. Mourad profite de son expérience de photographe pour nous mener dans une aventure fictive où il dévoile les gangs de la société des nouveaux riches et dénonce la corruption. Ce mélange entre fiction et allusions au réel crée un thriller haletant. Le héros et l’auteur se complètent. Kamal et son aventure dans le bar Vertigo constitue le tout premier texte d’Ahmed Mourad. Ce dernier n’avait jamais tenté d’écrire auparavant. En fait, il n’avait même jamais écrit quelques lignes dans un journal personnel. Et il l’admet : « Je ne savais pas écrire ; je ne cherchais même pas à le faire. Pendant mes études, je n’aimais pas rédiger de dissertations ».

Mourad parle sur un ton calme, doux et sincère. C’est un homme d’une trentaine d’années à l'air tranquille et comblé. Pourquoi pas ? Le jeune écrivain occupe un poste officiel important : photographe professionnel du président de la République. Pendant dix ans, il a photographié l’ex-président ainsi que sa famille, lors des occasions officielles ou médiatiques. « Tout au long de ces années, je n’ai subi aucune offense ; personne ne m’a porté atteinte ». Pourtant, dans sa première œuvre, Ahmed Mourad insiste sur la corruption, la violence et l’injustice. « La parution de l’œuvre n’a pas influencé mon travail. Pendant la révolution, à la place Tahrir, j’ai dû cacher ma carte de fonctionnaire à la présidence. J’ai rejoint les révolutionnaires en tant que photographe libre, avec le désir de mémoriser les événements et garder les souvenirs de la victoire du peuple ». Pendant plus d’un an et demi, Mourad, comme tous les Egyptiens, était en attente d’un nouveau président pour en prendre des photos. Et depuis une dizaine de jours, son nom s’affiche de nouveau sur les photos prises de Mohamad Morsi, le nouveau président.

Loin de ses activités officielles, Mourad est un photographe libre qui capte ce qu’il aime et dirige avec son père le Studio Mourad en plein centre-ville cairote ... C’est là qu’il travaille aussi dans le design. Une fois dans la rue, il capte tout ce qui bouge, tout ce qui est humain … Il entame parfois des sessions de photos privées dans des locaux spéciaux. Il accumule les photos dans l’espoir de tenir un jour sa propre exposition.

Mourad menait une vie calme, avec sa femme et ses deux petites filles Fatma et Roqaya. Mais au fond de son âme, il voulait crier fort, dénoncer et remuer les eaux stagnantes. « Un jour, j’ai pris un stylo et un papier et j’ai commencé à écrire … je ne savais pas ce que je faisais, une sorte de griffonnage. J’ai inscrit quelques lignes et petit à petit j’ai accouché des premières pages de Vertigo », raconte-t-il. Et d’ajouter : « J’étais juste content de créer quelque chose sur une feuille vierge ». Mourad ne pensait pas publier son texte. Il ne le voyait pas comme un roman au vrai sens du terme. C’était juste une expérience pour assouvir son appétit de parler, de dénoncer ... Il aurait pu garder ces centaines de pages dans le tiroir de son bureau, à jamais, mais Chérine, sa femme, a lu le manuscrit et en a décidé autrement. « Elle m’a fortement encouragé à les publier. Ensemble, nous sommes allés voir Mohamad Hachem, directeur de la maison d’édition Merit ». En sortant, Mourad se disait qu’il fallait absolument oublier cette histoire de publication et que l’expérience de l’écriture devrait s’arrêter là. Quelques jours après, Hachem le rappelle en disant : « C’est nouveau, c’est différent et ça m’a plu. Je publie le roman ». Le thriller n’est pas un genre très en vogue dans la littérature égyptienne, plutôt habituée à voir des polars dans le cinéma. Mohamad Hachem qualifie Vertigo d'« un roman cinématographique ».

Passer d’une œuvre simple pour un auteur encore anonyme à un best-seller est une histoire qu’Ahmed Mourad aime raconter. « Après la parution du livre, je fréquentais les librairies, pour voir si mon roman était bien placé sur les étagères et si les lecteurs s’y intéressaient. A Diwan à Zamalek, je trouvais en fin de rangée, à l’extrême gauche, trois copies du roman … Vertigo passait presque inaperçu. Deux mois après sa parution, j’ai eu un coup de fil bizarre. L’écrivain de renom, Sonallah Ibrahim, m’appelle. Au départ, je ne l’ai pas pris au sérieux. J’ai cru que c’était un canular. Mais mon interlocuteur parlait sérieusement : ton texte m’intéresse et je veux t’inviter à mon salon culturel pour en discuter avec d’autres personnes. Alors, j’aurais besoin de quelques copies ». Sonallah Ibrahim se fait fournir 200 copies par la librairie Diwan. Le lendemain, elle réserve à Vertigo une place de choix ... et un tournant dans la vie de Mourad.

Vertigo en est à sa septième édition ; le roman a été traduit en anglais par Bloombsbury Qatar, de quoi garantir sa diffusion en Europe. La version italienne vient de paraître et la traduction française est en cours.

Mais ce Vertigo annonce-t-il vraiment la naissance d’un nouveau romancier ? Ou est-ce un jeu de hasard qui a permis à Mourad de se placer sous les feux de la rampe ? La réponse arrive trois ans plus tard, avec la parution de son deuxième roman, Torab al-mass (poudre de diamant, Ed. Dar Al-Shorouk). Là, Mourad assure son talent comme auteur de thriller. Son style se rapproche de ceux de Dan Brown et John Grisham. « Ce sont de vrais maîtres à suivre », lance-t-il. Et d’ajouter : « On a l’impression que le thriller n’est pas lié à la réalité, à notre vie. Or, si on regarde bien la société et on lit bien les journaux, on remarquera que les faits divers nous dévoilent chaque jour un enchaînement de violence et de suspense ». Mourad ouvre les yeux, il fait attention aux détails et mémorise les scènes du quotidien. Son héros est souvent un homme ordinaire, inspiré de son entourage. « En écrivant, je vis le contexte et la vie de mon héros … j’aime adhérer à lui », lance le romancier.

Mais Mourad le photographe ne s’efface jamais. Il est toujours omniprésent. « C’est moi-même, c’est mon identité, je ne peux m’éloigner ni de la photographie, ni de mon appareil photo ».

Depuis sa tendre enfance, il adorait la photographie, grâce à son père qui a toujours géré son studio du centre-ville. « Mon père ne m’a pas forcé à travailler avec lui. Je voulais juste prendre des photos pour mes amis et ma famille. Ma première caméra Fuji était assez limitée, mais pour moi elle était mon cadeau préféré, longtemps attendu ». Pendant les vacances d’été et au bord de la mer, le père Mourad prenait des photos pour sa famille. Un jour, à l’heure du coucher du soleil, il a posé son appareil sur la table. « Le paysage était beau, j’ai voulu capter l’instant. J’ai pris rapidement son appareil et appuyé sur l’obturateur deux fois. Puis j’ai remis l’appareil à sa place sans dire un mot. Après le développement du film, mon père m’a demandé : Qui a pris ces deux photos ? Elles sont belles ».

Le Studio Mourad accueille alors le jeune Ahmed. L’image l’enchante et le pousse vers les horizons du septième art : le cinéma. Une fois le bac en poche, il s’inscrit à l’Institut supérieur du cinéma. « A l’école, je n’étais jamais studieux. J’ai à peine réussi à passer d’une année à l’autre. J’ai dû même redoubler », dit-il en souriant. Mais à l’Institut du cinéma, Ahmed était le premier de sa promotion. Sa créativité et son amour pour la caméra lui garantissaient un avenir prometteur. « Le monde des cinéastes et le processus de production sont pleins de fausses promesses. C’est un univers manipulé par les propres intérêts des producteurs et leurs capitaux. De plus, l’ambiance de rivalité ronge les gens. Mes tentatives de réaliser un film ou même de lancer une société de production ont été avortées », explique Mourad qui a déjà assisté le directeur de photographie dans le film Mowaten wa mokhber wa harami (citoyen, indic et voleur), où il a rencontré la comédienne Hind Sabri pour la première fois. Malgré sa décision de s’éloigner de l’univers cinématographique pendant plus de dix ans, il s’y retrouve aujourd’hui comme par hasard.

« Après la réussite de Vertigo, la star Hend Sabri m’a contacté. Elle s’est intéressée au roman et au personnage principal. Pour moi, c’était difficile de le transformer en une femme. Mais finalement c’est le travail du scénariste Mohamad Nayer. J’ai passé avec elle des séances de préparation pour lui expliquer le rôle d’Ahmed Kamel, qui deviendra Farida au petit écran. De temps à autre, je passe au studio pour suivre le tournage et passer quelque temps avec mes anciens copains, ceux de ma promotion à l’Institut du cinéma ».

Son deuxième roman Poudre de diamant a été sollicité par les stars Ahmad Helmi et Mona Zaki qui veulent absolument en faire un film. Discrètement, Ahmed Mourad écrit son troisième roman. Encore un thriller ? Sans doute oui. Mais impossible d’en donner les grandes lignes. L’auteur se contente de lancer : « Je ne dors pas ». C’est que son œil affûté le pousse à aller toujours plus loin.

May Sélim

Retour au sommaire

Jalons

1978 : Naissance au Caire.

2001 : Diplôme de l’Institut supérieur de cinéma. Photographe professionnel et codirecteur du Studio Mourad, avec son père.

2002 : Photographe à la présidence.

2005 : Mariage.

2006 : Naissance de sa fille Fatma.

2007 : Publication de Vertigo, Editions Merit.

2010 : Deuxième roman Torab al-mass (poudre de diamant), Ed. Dar Al-Shorouk et accord avec Bloomsbury Qatar pour la traduction.

2012 : Parution de la version italienne de Vertigo, adapté aussi pour un téléfeuilleton.

 

 

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Howaïda Salah -Thérèse Joseph
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.