Le bras de fer
La Cour de cassation a rejeté cette semaine la demande
que lui avait soumise l’Assemblée du peuple et qui lui
demandait de se prononcer sur l’application du verdict
de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC), relatif à la
dissolution du Parlement. Les magistrats de la Cour ont
affirmé qu’ils « ne comprenaient pas » la
décision de l’Assemblée de leur déférer le verdict de la
HCC. « Il n’est pas dans les compétences de la Cour
de cassation de se prononcer sur les verdicts de la Cour
constitutionnelle », a déclaré l’un des juges. Cette
décision de la Cour de cassation est un nouveau revers
pour le président de la République, Mohamad
Morsi, et la confrérie des
Frères musulmans, qui domine le Parlement. La HCC avait
décidé le mois dernier de dissoudre le Parlement en
raison d’un vice dans la loi électorale. Or, quelques
jours après son investiture, le président
Morsi avait décidé de
maintenir l’Assemblée du peuple dans ses fonctions
jusqu’à la rédaction de la nouvelle Constitution et la
tenue d’élections législatives anticipées, arguant d’un
« vide » dans le pouvoir législatif et affirmant
que la Déclaration constitutionnelle annexe établie par
l’armée lui en donnait le droit. La décision a toutefois
déclenché une polémique, et le chef de l’Etat s’est
retrouvé sur la sellette avec des accusations de porter
atteinte à la justice. La décision de l’Assemblée du
peuple de soumettre le verdict de la HCC à la Cour de
cassation a paru comme une manœuvre visant à contourner
cette dernière. La décision de la Cour de cassation
semble naturelle. Il n’était pas question pour les juges
de la Cour de contrecarrer une juridiction supérieure.
En réalité, c’est sous l’angle de la lutte entre les
trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire,
qu’il faut voir ces incidents. Les Frères sont engagés
depuis quelques semaines dans un bras de fer avec le
pouvoir judiciaire. Ils veulent introduire des
changements au sein des institutions de l’Etat, dont la
justice. Mais les juges voient d’un mauvais œil un tel
changement. D’ailleurs, le fait que le pouvoir
législatif reste aux mains de l’armée irrite la
confrérie. Les trois pouvoirs, exécutif, législatif et
judiciaire, sont engagés dans un véritable bras de fer.