Terres agricoles .
Les constructions dans le Delta et la vallée du Nil se sont
accélérées après les déclarations d’un candidat à la
présidentielle de les légaliser. Les spécialistes mettent en
garde contre une catastrophe environnementale.
Rongées par le béton
5 000
agressions contre les terres agricoles, sur lesquelles ont
été construites des habitations, ont été répertoriées par
les agronomes ces dernières semaines. Un chiffre
incomparable aux 8 000 cas des 3 premiers mois après la
révolution du 25 janvier 2011. Cette fièvre de la
construction sur les terrains agricoles a pour cause les
déclarations faites récemment par l’un des deux candidats au
second tour de l’élection présidentielle, le général Ahmad
Chafiq, selon lesquelles ceux
qui ont construit en violation à la loi sur des terrains
agricoles seront graciés et leur situation légalisée. Déjà
des notifications ont été soumises au procureur général
contre ces déclarations. Selon les rapports élaborés de
l’appareil de la protection des terres, relevant du
ministère de l’Agriculture et de la Bonification des terres,
si le pays a perdu 16 000 feddans
(1 feddan = 0,42 ha),
début de 2011, il est possible de perdre le double dans la
période qui vient, à cause des promesses faites lors de la
campagne électorale. « Il s’agit de déclarations
irresponsables qui suscitent la colère de tout spécialiste
de l’environnement et de tout Egyptien qui aime et respecte
ce pays. Le ministère de l’Agriculture avait déployé et il
continue à déployer des efforts énormes pour arrêter toute
agression contre les terrains agricoles. Il s’agit des
ressources naturelles des nouvelles générations. Le général
Chafiq n’a pas le droit de faire
ces déclarations. Un président n’a de compétence ni pour
promulguer des lois ni pour gracier ceux qui les violent et
détruisent les richesses du pays. Il devait être jugé pour
ces propos. C’est une menace contre le développement rural
et contre la sécurité d’Etat », proteste furieusement
Nader Noureddine, professeur à
la faculté d’agronomie de l’Université du Caire.
Selon lui, la sécurité alimentaire en Egypte est ainsi
menacée. Le pays occupe la première place parmi les pays les
plus désertiques au monde. 3,5
feddans sont perdus toutes les heures, à cause
des agressions contre les terrains agricoles. Ce taux s’est
accéléré ces dernières semaines. Selon les spécialistes du
désert et de l’agriculture en Egypte, les terrains perdus
sont les plus fertiles et se sont formés lors des
inondations avant la construction du Haut-Barrage. Or, la
fertilité diminue à cause du manque du limon. Par
conséquent, la productivité baisse également. Des voix
s’élèvent appelant à sauver les terrains du Delta de tout
abus, pour éviter le pire à l’avenir.
« Crime contre les citoyens »
Il
s’agit d’une dégradation intentionnelle des terres agricoles
dans la vallée du Nil. « L’Etat a commis une énorme faute en
négligeant les marges désertiques pour étendre les villes et
les villages d’Egypte. Celui qui pense se servir de son
droit pour construire une maison sur ses propres terres
agricoles commet un crime contre tous les citoyens, car il
les prive de nourriture. Je pense que les responsables
doivent non seulement démolir ces constructions, mais aussi
confisquer les terres agricoles. La confiscation dans ce cas
est une arme de dissuasion pour arrêter l’agression contre
le foncier agricole dans la vallée », insiste Samer
Al-Mufti, ancien secrétaire général du Centre de Recherches
sur le Désert (CRD), relevant du ministère de l’Agriculture.
Il pense que la lutte contre la désertification doit se
traduire par la lutte contre la construction sur les
terrains agricoles.
La vallée du Nil et les terres arables dans le Delta
égyptien constituent le berceau de la production alimentaire
en Egypte. Pourtant, ces dernières décennies, l’Egypte a
perdu une bonne partie de ces terres, au taux terrifiant de
30 000 feddans (12 600 ha) par an selon le ministère de
l’Agriculture. 8,4 millions de feddans constituent la
superficie cultivée en Egypte, selon la même source.
Les spécialistes de l’environnement appellent à conserver
les terres agricoles du Delta et de la vallée du Nil en
insérant un article dans la nouvelle Constitution du pays.
« L’agression contre les terres agricoles doit être vue
comme une violation de la Constitution et non seulement une
violation contre la loi. Celui qui a osé faire ces
déclarations ne comprend rien aux questions de
l’environnement ni des ressources naturelles, ni même des
ressources nationales du pays. Ce genre de déclarations lors
de campagnes électorales est un crime contre la patrie »,
assure Mohamad Al-Raei, président de l’Association des amis
de l’environnement à Alexandrie.
D’ici la rédaction de la Constitution, le ministère de
l’Agriculture continue de renvoyer les cas du foncier
agricole au Parquet général. Une question se pose alors :
pourquoi le ministère de l’Intérieur ne prend-il pas
aucune mesure contre ces
agressions ?
Rasha
Hanafy