A 30 ans,
le jeune auteur, compositeur, interprète, pianiste et
comédien
Mike Massy,
à la voix douce et romantique, se fait remarquer par sa
rigueur, sa technicité, son style musical et la qualité de
ses compositions et de ses prestations. Il fait vibrer les
instruments, mais aussi nos émotions.
Jeune
artiste, grand talent
Dérrière
un look jeune et désinvolte se cache le regard triste et
perçant d’un artiste au talent inné et bien forgé. En lui se
dévoilent aussi à la fois ce côté innocent des enfants et
toute la profondeur des adultes. « C’est vrai, dit-il, parce
qu’il y a une partie spontanée en moi, qui se reflète
d’ailleurs sur ma musique. En contrepartie, vous avez le
vécu qu’on prend de la société et sans lequel vous ne pouvez
pas écrire des chansons comme celles-là qui ne sont pas
superficielles ». Des chansons comme celles-là, Mike les a
bien travaillées, compilées pendant neuf longues années de
dur labeur, et diffusées dans son premier CD « Ya Zaman »,
son premier grand succès. L’album a eu un succès
extraordinaire, notamment au dernier Salon du livre
francophone à Beyrouth, en novembre 2011, où l’artiste a
signé son ouvrage devant une longue file d’attente formée de
jeunes et d’adultes, avec en toile de fond la projection du
documentaire relatant la réalisation de l’album entre
Beyrouth et Bruxelles. Le succès, il le connaît aussi avec
les ventes de son album dans les librairies musicales
libanaises. Il est le numéro 1 des ventes pendant cinq mois
consécutifs. « Le fruit de mon parcours, poursuit-il, se
retrouve dans cette boîte de souvenirs qui s’appelle
justement Ya Zaman qui est en moi, tout simplement ».
Puisant
dans ses origines libanaises et orientales mélangées à la
culture générale occidentale, Mike raconte dans son album,
« l’amour, la vie, les souvenirs et la patrie et douze
chansons simples qui me ressemblent », dit-il.
Et
d’ajouter : « L’album a été fait entre le Liban et la
Belgique, avec la collaboration de 39 musiciens et
techniciens des deux pays. C’était pour moi un hasard et un
rêve de rencontrer le compositeur belgo-iraqien Osama
Abdel-Rasul. Bien qu’en arabe, l’album est international,
transparent, libre, une réflexion de moi, avec une musique
live, fraîche et non pas élitiste, accessible à tous ceux
qui veulent écouter quelque chose de différent,
d’authentique ». Eloges de soi, authenticité caractéristique
des gens du Nord, ou message transmis ? L’artiste a réussi à
tracer sa voie pour atteindre un grand public, son public,
au Liban et ailleurs. « Message, me dites-vous ?, reprend-il.
Moi, je ne sais pas dire des messages. Je sais chanter,
m’exprimer, dire les choses qui me ressemblent à travers
l’art. Il y a dans chaque texte quelque chose à dire, qui
dénote une maturité bien placée. C’est ça le message ».Né le
31 mars 1982 à Anfeh, une ville du Nord-Liban, Michael Al-Massih,
de son vrai nom, n’a grandi ni dans une famille de musiciens,
ni parmi des enfants de son âge passant leur temps libre à
jouer au football ou autres. « Mon enfance a été totalement
différente des autres enfances, remarque-t-il. Ce n’était
pas du tout facile de se priver d’une partie de foot par
exemple, pour jouer tous les jours uniquement au piano.
C’était une obligation et j’avoue que j’enviais les enfants
qui s’amusaient et jouaient pendant que j’étais préoccupé
par le piano et la musique classique ». A neuf ans, il
commence donc à jouer au piano et écoute Brel, Aznavour,
Faïrouz. Sa soeur aînée était, elle, très littéraire et Mike
essayait d’imiter sa belle écriture. Comment est né son nom
de scène ? Il l’a tout simplement puisé au naturel, tout
d’abord de son entourage et de sa famille qui l’appelaient
Mike tout court. Et ensuite de la Belgique, où le « h »
d’Al-Massih ne pouvait être facilement prononcé. II
simplifie donc les choses et choisit de devenir Mike Massy
sur scène. Commence alors tôt pour Mike un long parcours
prometteur et diversifié. En 1996, il entre au Conservatoire
national de musique, puis en 2001, à 19 ans, il se
spécialise en opéra en langue arabe, approfondissant les
mouwachahate et les chansons orientales et occidentales. Sa
passion pour l’art l’attire sur scène, au théâtre, à la
faculté des beaux-arts où il décroche un diplôme d’études
supérieures en art dramatique. Bien plus, pendant dix ans,
il suit des études de danse-ballet à l’école « Arabesque »
et devient membre de sa fameuse troupe. Attirant l’attention,
il débute en tant que choriste, pianiste, puis
accompagnateur choriste avec de grands noms tels Marcel
Khalifé et Ziad Multaka. En 2003, il lance un album de
cantiques religieux « Ila as samaa atbaouka », un petit
essai expérimental, un vœu spirituel. Plus tard, il tient
plusieurs rôles dans des feuilletons télé, des courts
métrages et des pièces musicales. Il compose des musiques de
documentaires et rencontre des musiciens de tous bords dans
des tournées et concerts effectués dans les pays arabes, du
Liban à l’Egypte, de la Syrie à Abou-Dhabi, de l’Algérie au
Maroc, et en Europe, des Pays-Bas à l’Italie, en passant par
la Belgique où il a participé à de grands festivals avec des
musiciens et artistes de renom, accompagnant des noms aussi
célèbres que la Libanaise Jahida Wehbé, l’Egyptien Fathi
Salama et la Tunisienne Lobna Noomen qui chante avec lui en
duo dans son nouvel album.
« Nous
n’avons ni d’auteurs ni de compositeurs en Orient, à
l’instar de Brel ou de Barbara », lance-t-il. Ces derniers
sont des personnages, nous avons uniquement des icônes comme
Faïrouz ou Zaki Nassif. L’exemple le plus proche des
personnages en Orient c’est Marcel Khalifé et dans une
certaine mesure, Ziad Rahbani. Tout en ajoutant : « L’art,
c’est la liberté. Si l’art ne se rebelle pas, il n’a plus de
sens. D’ailleurs les grands artistes, comme John Lennon, ont
toujours été rebelles. Il ne faut pas oublier que la liberté
aussi est un art ». En 2006, alors qu’Israël s’acharne
cruellement sur le Liban, Mike va « se ressourcer », comme
il le dit fièrement, en Egypte. Il se rend au Caire, une
ville intrigante et authentique, à ses yeux, et choisit la
« bensione Roma » (la pension Roma) où il séjourne pendant
« deux belles années » dont il garde les meilleurs
souvenirs. Et comme des artistes du monde entier se
côtoyaient dans cette pension, il en profite pour écrire,
rêver, échanger et s’épanouir. C’est en Egypte qu’il va
rencontrer la Tunisienne Lobna Noomen et celle-ci va prêter
ses mots et sa voix à la chanson « Soti hareb menni » (ma
voix me fuit), interprétée en duo avec une grande
sensibilité et maturité artistique.Où se retrouve-t-il
davantage, dans les albums, dans les feuilletons ou dans les
pièces ? « Je me retrouve davantage sur scène parce qu’il y
a les deux facettes en moi », répond-il. C’est dans cet
album que je me retrouve le plus parce que je suis quelqu’un
qui écoute tout. Quand on écoute beaucoup, on est capable de
créer et j’espère être toujours capable de créer ». Sur la
pochette de l’album, une tasse de café est mise en relief.
Un café bien libanais qui évoque des souvenirs et la musique
libanaise avec d’autres dimensions, baroque, jazz et
orientale.
« J’ai
choisi le baroque et le classique, justifie-t-il, parce que
j’ai fait des études académiques en musique classique. Le
jazz, parce que j’ai été inspiré par le jazz des années
1950. Et enfin l’oriental, parce que, à un moment donné, la
chanson française et la musique classique ne m’ont plus
suffi. J’ai senti le besoin de revenir aux sources pour
pouvoir rajouter un plus à la musique, qu’elle soit
orientale ou occidentale. Voilà pourquoi ce mélange est né ».Dans son premier grand succès « Ya Zaman », Mike Massy a donc réussi à
faire cette fusion subtile entre l’oriental, la « World
Music », le baroque et le jazz, avec des violons qui se
mêlent à l'oud, une flûte, un accordéon, une clarinette, un
qanoun et un nay, pour faire vibrer tous ces instruments
mais aussi toutes nos émotions et toucher le plus de
personnes possibles. Entre légèreté et mélancolie, il a
réussi à redonner à cette musique « de chez nous »
l’élégance qui lui manquait. Après les albums, les
feuilletons, les musiques de films et de documentaires, quoi
de neuf ? « Pour le moment, rétorque-t-il, j’attends de
faire encore quelque chose qui me ressemble. Je travaille
pour l’année prochaine sur une adaptation d’une pièce de
théâtre d’un auteur contemporain avec de la musique et des
chansons interprétées par des comédiens qui chantent, et je
rêve de cinéma avant les feuilletons », conclut-il, avec la
ferme intention, qui se lit dans ses yeux perçants, de
revenir avec un produit différent, de standard
international, et voir ses rêves réalisés avec tout le
succès escompté l
Mireille Breidi