Cinéma .
Sandra Gysi et Ahmad Abdel-Mohsen,
un couple suisse, ont présenté à l’Institut Goethe deux films sur l’Egypte. Le
premier évoque la vie et l’œuvre d’un maître conteur de la Geste hilalienne, et
le second les parcours de trois créatrices durant la révolution.
Deux épopées, deux films suisses
Tout au long des 77 minutes, les
époux suisses Sandra Gysi et Ahmad Abdel-Mohsen nous invitent à partager leur
fascination quant à un conteur mythique de la Geste hilalienne. Car il
constitue, lui-même, une épopée à part.
Aux rythmes de la flûte orientale,
les téléspectateurs suivent alors l’une des plus belles épopées arabes, avec
notamment les exploits d’Abou-Zeid Al-Hilali et la tragédie de Aziza et Younès.
Le maître-conteur Sayed Al-Dawwy vit dans cette lointaine atmosphère féerique
de la Haute-Egypte. Cet octogénaire est l’un des plus vieux conteurs de la Sira
(geste). Dans ses tournées notamment au Caire et à Suez, et lors des soirées
ramadanesques, il captive son public, avec son rare talent de raconter les
anciens textes épiques, sans interruption. Et les gens fascinés réclament au
conteur encore plus d’histoires.
Al-Dawwy est heureux de rencontrer
un public passionné. Et parfois, des jeunes musiciens-interprètes participent
avec lui à une danse du bâton.
Le film mêle en effet le goût
européen aux traditions de la Haute-Egypte. Car Ahmad Abdel-Mohsen est
originaire du sud de l’Egypte. Il est parti en Suisse pour poursuivre des
études de cinéma, faisant des retours fréquents dans son pays natal.
Le couple de cinéastes plonge le
public dans l’univers de la Sira, filmant une soirée ramadanesque qui a eu lieu
dans la maison Al-Séheimy, réunissant le conteur Sayed Al-Dawwy et son ami, le
poète Abdel-Rahman Al-Abnoudi.
Ce dernier a déployé un effort
monstre afin de collecter la Geste hilalienne, commençant par l’immigration de
la tribu de Béni Hilal de la péninsule arabique à cause de la sécheresse et de
la misère. Elle se dirige ensuite au Yémen puis traverse la mer Rouge jusqu’en
Somalie pour enfin arriver en Haute-Egypte et plus précisément dans la ville de
Koos. Certains membres de la tribu se sont alors dirigés vers Le Caire et
d’autres vers la Tunisie.
Le film nous apprend aussi que la
Tunisie est la scène d’une autre épopée,
Dans le film, Al-Dawwy établit un
lien entre les épopées d’Al-Hilali et celle de Gamal Abdel-Nasser, qu’il cite
toujours avec beaucoup d’estime. D’ailleurs, le film diffuse des séquences
extraites d’une biographie de Nasser. Le téléspectateur voit ainsi le comédien
Magdi Kamel, dans les coulisses, se préparant à interpréter le rôle de Nasser
pour le grand écran.
Le petit-fils d’Al-Dawwy inscrit
la tradition orale comme elle a été narrée par son ancêtre. Il prend note sur
un petit carnet, comptant devenir un vrai narrateur de la Sira, lui aussi.
Cependant, il incarne la jeune génération, influencée par la musique moderne.
Nous le voyons donc à l’Institut Oum Kalthoum, chantant des poèmes érotiques et
dansant même sur une musique pop avec des amis. Ce qui a poussé les
spectateurs, lors d’une projection organisée à l’Institut Goethe au
centre-ville, à accuser le petit-fils de mollesse : preuve d’une rupture ou
d’un fossé séparant les générations. Le film produit par la télévision suisse
vise surtout à présenter au public européen un art arabe authentique.
Laïla, Hala et Karima
Le même couple de cinéastes, Ahmad
Abdel-Mohsen et Sandra Gysi, a présenté aussi à l’Institut Goethe le film
Laïla, Hala et Karima avec la participation d’Eduard Erny à la réalisation et
de la télévision allemande à la production. Le film expose les activités de 3
jeunes filles égyptiennes depuis janvier 2011 jusqu’en janvier 2012. Celles-ci
s’appellent Laïla Soliman (metteur en scène), Hala Al-Koussy (plasticienne) et
Karima Mansour (danseuse et chorégraphe).
A travers leur monde et leur
participation à la révolution, le film évoque leur rapport à l’art et à la
révolution. La caméra descend à la place Tahrir pour rencontrer des jeunes, des
femmes voilées et non voilées avec lesquelles nous suivons le cours des
événements et leurs répercussions sur l’art des trois jeunes femmes.
Chacune s’exprime par le biais de
son art, pour dire à sa manière que « la barrière de la peur s’est brisée »,
avec de nombreux discours sur les revendications révolutionnaires. Beaucoup
reste à faire, disent-elles. Mais il faut garder espoir.
Fazwi Soliman