Niveau de vie .
Un quart de la population vit en dessous du seuil de
pauvreté. En 2000, ce taux ne dépassait pas 17 %. Le
gouvernement tarde à prendre des mesures pour inverser la
tendance.
Toujours plus de pauvres
25,2
% des Egyptiens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Cela
représente un total de plus de 20 millions de personnes,
selon les résultats d’une enquête réalisée par l’Organisme
central de mobilisation publique et des statistiques (CAPMAS),
rendue publique la semaine dernière. Le taux de pauvreté en
Egypte a augmenté de 3,6 % par rapport à 2008/2009, date de
la précédente enquête. La pauvreté touchait alors 21,6 % de
la population.
« C’est
une réalité effrayante », a déclaré Gouda Abdel-Khaleq,
ministre de l’Approvisionnement. La dernière décennie du
règne de Moubarak a vu la pauvreté dépasser tous les
records. En 2000, le taux de population vivant en dessous du
seuil de pauvreté n’était que 16,7 %. Les racines
économiques de la révolution du 25 janvier semblent être
aussi profondes que les raisons politiques.
« La
hausse des prix n’est pas allée de pair avec une hausse des
salaires. Les déséquilibres dans la distribution des revenus
persistent », constate Héba Al-Leissi, professeur d’économie
à l’Université du Caire, qui a participé à la réalisation de
l’enquête.
Les
politiques actuelles ne vont toujours pas dans la bonne
direction. Pour Héba Al-Leissi, comme pour de nombreux
économistes, les politiques adoptées par les gouvernements
de l’après-révolution ne sont pas en mesure de réduire la
pauvreté. « Les politiques qu’adopte le gouvernement actuel
sont loin de suffire aux besoins de la société. L’impôt sur
le revenu doit être progressif. Il faut aussi encourager
l’investissement, difficile dans les circonstances actuelles,
à travers l’injection de fonds publics. Et surtout, il faut
mettre en œuvre des mesures et des mécanismes pour aider les
plus pauvres », plaide Al-Leissi.
Elle
n’est pas la première à réclamer de telles actions de la
part du gouvernement. Des économistes de toutes tendances —
gauche, droite et même des noms affiliés à l’ancien régime —
se lassent de répéter le même discours. Mais le gouvernement
fait la sourde oreille. Ces revendications sont pourtant
loin d’être révolutionnaires et ne sont pas susceptibles de
mener à un changement radical du régime économique du pays.
Après la
révolution, le gouvernement a à peine relevé l’impôt sur le
revenu, le passant de 20 à 25 % pour les salaires dépassant
10 millions de L.E. par an. Une décision qui n’a pas
satisfait les économistes. « En Angleterre, l’impôt sur les
tranches de salaire les plus élevées atteint 90 %. Cela
permet d’augmenter les revenus publics, et donc les dépenses
sur les besoins sociaux, mais aussi de freiner l’inflation
», explique Al-Leissi.
Par
ailleurs, beaucoup d’économistes s’étonnent du plan de
rigueur imposé par le gouvernement Ganzouri. Le but est de
réduire le déficit alors que la croissance est en baisse.
Les dépenses publiques ont été coupées de 20 milliards de
L.E., soit l’équivalent des dépenses de santé sur un an. «
En temps de récession, la règle est l’accroissement des
investissements publics, afin d’encourager le secteur privé.
Couper les investissements publics alors que les
investissements privés sont en baisse est très négatif pour
la croissance », estime Samir Radwane, ancien ministre des
Finances. Le budget présenté par Radwane avait aussi été
critiqué pour ne pas être suffisamment orienté vers les
pauvres. Mais les modifications introduites à deux reprises
par le Conseil militaire ont finalement poussé les
économistes à le regretter.
Les
investissements gouvernementaux sont passés d’une prévision
de 60 milliards à 47,2 milliards de L.E., avant d’en
retrancher 1,5 milliard de L.E. suplémentaires sous Ganzouri.
En outre, plusieurs mesures sur une meilleure répartition
des revenus ne sont pas entrées en vigueur à l’échéance
prévue. Et ceci sans aucune explication officielle. Tout
comme l’application d’un salaire maximum dans
l’administration publique et l’introduction d’un système de
coupons pour subventionner les bonbonnes de gaz à usage
domestique. Les deux mesures devraient voir le jour début
2012.
« C’est
cela qui crée le manque de confiance dans le gouvernement :
il ne tient pas à ses promesses. Il faut une politique
claire et il faut donner des explications tout en rendant
les chiffres transparents », souhaite Al-Leissi .
Marwa
Hussein