Al-Ahram Hebdo, Littérature | Sobhi Mechreqi , La poupée

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Abdel-Fattah El Gibali
 
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 Semaine du 4 au 10 janvier 2012, numéro 903

 

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Littérature

Sobhi Mechreqi est un maître du non-dit. Dans son 2e recueil de nouvelles Massälet charaf (une question d’honneur), il parvient à saisir les questions existentielles dans un langage poétique et sous un nouveau jour. En voici deux extraits.

La poupée

Elle trouve le bonheur avec son grand-père alors qu’ils sont assis sur le gazon sous la statue de la Renaissance d’Egypte. Elle refuse et il rit. Il boit le café et elle mange les crêpes de sa grand-mère.

Elle regarde le kiosque d’à côté et contemple la poupée.

— Grand-père, ce jouet …

— Oui, ma chérie.

— Je veux qu’elle se couche à mes côtés.

Ils reviennent vers la vieille maison en déambulant sous les arcades. La grand-mère pose les grains de musc sur le charbon en braise et les contemple.

 Sous le rideau du lit, elle entend des voix précipitées et rapides, puis une voix forte et surprenante, puis la poupée disparaît.

— N’aie aucune crainte … C’est le jeu dans la salle de la gare.

Elle pose sa tête sur l’oreiller. Elle entend les roues du train.

— Grand-mère, le train d’Alexandrie est arrivé.

— Non, c’est le train de Louqsor.

Des années et des nuits, la grand-mère attend le retour de son mari. Elle se tient debout à côté du kiosque et elle contemple les poupées. Le train de son grand-père arrive de loin. La fumée blanche emplit le ciel de la gare. Elle regarde le plafond. Le train s’arrête. Son grand-père descend avec l’allumeur. Elle danse. Il s’essuie les mains et la prend dans ses bras. Ils marchent sous les arcades. La grand-mère allume le charbon et l’odeur de l’encens qu’elle surveille.

Avec son grand-père, au musée de la gare, elle regarde les anciens trains. Il lui explique ce qui est écrit sur les plaques en fer. Elle contemple les grandes cheminées aux larges ouvertures.

— Grand-père, tu peux conduire ce train ?

— Je peux.

Elle rit d’un rire innocent et fort. Elle attire le regard des visiteurs. Elle danse et il la prend dans ses bras. Elle se tient à côté du kiosque des poupées. L’horloge de la gare sonne les onze heures.

Le gardien de la gare sonne trois coups puis un seul coup. Le train s’ébranle. Ils marchent sous les arcades jusqu’à la maison.

Son grand-père lui a beaucoup raconté à propos des wagons de légumes, d’animaux et de farine. Il y a eu une panne après la venue du train. Ce jour-là était fatigant. Il avait dormi sur un banc en bois près d’une ligne de train sans utilisation.

L’allumeur l’avait appelé, mais il n’avait pas entendu.

Il partit et la grand-mère ne l’avait pas cru. Elle l’attendait tous les soirs. Elle allumait le charbon et l’encens.

Elle lui demande :

— Où est grand-père ?

— Il est parmi nous. Il viendra un jour avec le train. Il lancera douze sifflets.

Elle part tous les jours à la gare en attendant le sifflet du train. Elle demande aux conducteurs des trains.

— Mon grand-père n’est pas venu avec vous ?

Dans la vieille maison, sa grand-mère déclare qu’il va revenir. Elle est partie à la gare. Elle regarde sa montre, 11h. Elle marche sur les rails avec sa poupée dans les bras. Elle voit les signes rouges et verts avec difficulté.

La buée est dense. Il y avait un ouvrier et des signaux rouges et verts.

Elle pose ses oreilles sur la route et entend le bruit du train qui arrive de loin. Le train passe très rapidement. La poupée tombe sur les rails. La fillette avance pour prendre la poupée. Sa mère la gronde et la pousse au loin.

 

Une question d’honneur

La rue se remplit de chaises et de personnes venues du sud avec leurs fusils. La musique emplit tout le quartier avec les microphones des DJ qui arrivent des bâtiments proches.

Tout le monde accueille chaleureusement les amis et les parents. Le père se met debout pour saluer ses cousins et pour leur présenter les boissons glacées. Il leur a demandé d’attendre pour leur annoncer l’honneur de la fille puis les inviter à dîner.

L’annonce de l’honneur de la fille tarde. La mère s’assoit avec son grand voile noir en mettant toute sa force sur ses jambes. Elle fredonne : « La triste a voulu être heureuse, mais elle n’a pas trouvé de place ». Le père s’installe la tête baissée en ne quittant pas la fenêtre de la mariée.

La coiffeuse Fathiya Al-Amcha dit au mari de se calmer et que tout ira bien. Fathiya la coiffeuse est au fait des secrets des maisons, et des corps des femmes. Elle connaît la vérité. Elle sait qu’un homme a trahi une mariée, qu’il a émigré au Golfe et que ses nouvelles ont été coupées.

Le marié dit : J’ai longtemps essayé mais il n’y a pas une seule goutte de sang. Quelle est la solution, oncle ?

La coiffeuse sort un mouchoir parsemé de gouttes de sang. Elle avait égorgé un pigeon et prit de son sang sur son mouchoir.

La coiffeuse accourt vers la fenêtre de la chambre et elle le bouge en l’air pour le montrer aux présents en bas.

Le DJ s’élève et la chanson que tous les jeunes du quartier connaissent retentit. Ils chantent en chœur. Les youyous retentissent également. Les personnes venant du sud tirent des coups de feu en l’air.

La mère enlève son voile noir et se met à danser, des danses hystériques au rythme du mezmar.

Traduction de Soheir Fahmi

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Sobhi Mechreqi

Membre de l’Union des écrivains égyptiens, Sobhi Mechreqi, 67 ans, a été enseignant de langue anglaise au ministère de l’Education, de même que traducteur de nombre d’ouvrages comme par exemple Les dirigeants de la guerre du Golfe, et L’histoire politique du fondamentalisme islamique. Ses nouvelles sont publiées dans nombre de périodiques et revues littéraires depuis les années 1970 comme la revue japonaise Wi dans un dossier sur les écrivains égyptiens. La revue a également publié sa nouvelle Al-Darb al-moudie (la voie lumineuse) en langue flamande aux Pays-Bas.

 




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