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 Semaine du 7 au 13 septembre 2011, numéro 887

 

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Littérature

Un an après sa mort, l’on se souvient des vers de Mohamad Afifi Matar qui ont déploré « le train de cendres qui combat les coups de fouets » dans un royaume de désespoir et n’ont pas pu atteindre le printemps. Voici quelques vers de son recueil Rossoum ala qechrat al-layl (dessins sur l’écorce de la nuit).

Dessins sur l’écorce de la nuit

Royaume du désespoir

Patrie du séjour éternel 

-1- 

Sur la terre du cœur tremblant et nu

Je marche tremblant à travers les champs de sang

Et un sombre parfum vient se poser sur moi et me fait suffoquer. 

Ces arbres noirs

M’ont donné pour nourriture les fruits de la douleur

Et la corbeille de mon âme s’est remplie de fruits amers.

 

Quand j’ai dansé seul et que le rythme fut régulier

Le cliquetis des arbres noirs s’est déchaîné

Sur la pluie des désirs et des corps

Et des arcs-en-ciel s’ouvraient

Le jaune est un soleil sauvage

Et le vert est une lune qui monte dans les nuages rougeoyants.

 

Les arbres font tressaillir les fleurs

Des yeux barbares s’ouvrent

Ils me dévorent, ils me crachent,

Et les corps de cristal

M’ouvrent une fenêtre sous le ciel du monde.

 

A travers les champs du cœur las

Je suis bercé par la lumière qui tourne à la source de l’astre

Et la mort jaillissant avec des rêves et des secrets

Des nuages noirs se répandent de ses seins empoisonnés.

 -2- 

Je suis le mendiant de la nuit, son gueux nu,

Sur ma face les chemins du monde se croisent au milieu de la nuit

La porte s’ouvre et un être humain me lapide

Elle se referme et les ténèbres et les lumières déchirent mon cœur

Alors je cherche ma voix folle …

 -3- 

Une cloche d’argent sur l’esplanade,

Le rossignol est dans la cage de la nuit

Les voix égorgées se rencontrent

Sur le pont enchanté les chevaux des échos se rencontrent

Ils livrent une bataille et enfoncent leur poignard dans le cœur.

 

Entre le mouvement et la cadence

Le désespoir m’a fait tomber un masque, puis un autre masque,

Et la danse qui monte des soupirs du cœur

S’effondre dans le séisme de l’harmonie.

Entre les ténèbres et les lumières

Mon épi vert s’est brûlé, et la lampe des secrets s’est éteinte

Et mon cœur a pris pour patrie la terre de la désespérance.

20-10-1967

 

Train de la fournaise et des cendres

Le train des cendres qui lèche la chaleur brûlante fait ployer la voie du jour

Et passe avec le tourbillon de la terre abreuvé par l’été des champs

D’un feu attisé combattant des coups de fouets.

Le vacarme monte

Et la cravache du feu vibre dans les vitres

Et les poids de mon corps s’exténuent, les deux bras et les flancs meurent,

Le scalpel de la neige et de la mort le fait avancer, il décline, chaque membre suivant chaque organe,

Et dans la vigueur du feu de l’enfer un spectre tremble, venu de toi,

Les fouets du vacarme terrestre s’éloignent

Je me réfugie dans l’ombre de tes yeux, entre les champs,

Je vois à travers tes yeux la naissance d’un cosmos

Et la fontaine de l’abondance l’arrose de vin et de sérénité

Ô toi, limon de mon cœur, j’ai effleuré tes yeux pour que je voie

La naissance de la terre, alors j’ai pâli,

J’ai senti la neige pénétrant à travers mes os

Et le feu … le feu dévastant ma tête.

Et le train des cendres court toujours, il lèche la chaleur brûlante

Sous le jour …

Le cheval et la montagne
Premier poème

Le cheval du vent, à travers le désert du commencement et de la création,

A appris la danse de l’éclair

Et le roulement des tempêtes et des soleils verts d’une racine à l’autre

Et l’explosion des lignes muettes dans le cahier du tonnerre divin …

Une course dans les déserts brûlants

Et les jarres de la première boue se sont déversées

Sur ses flux des villes et des coupoles se sont dressées

Et les sources ont jailli avec l’huile et le vin

Son hennissement a tiré la corde sacrée dans les nuages blancs au-dessus de la terre.

 

Le cheval du vent a pénétré dans les flots de la mer

Et les soleils des herbes, du soufre et de l’azur se sont embrasés

Les mâts bleus ont donné des fleurs

Les fioles ont été remplies de l’huile

Et mille ports se sont ouverts et les fontaines ont jailli de la lumière.

 

Le cheval du vent est passé par là et s’est attardé un moment parmi les arbres des jardins

Une grappe de fruits n’a pas assouvi sa faim

La coupe du pollen spirituel ne l’a pas enivré

— C’était une des saisons de la faim —

Il s’est roulé un moment dans la boue et ses pieds tressaillaient dans la bourbe de la terreur,

Il a fait un cercle autour des herbes sèches parasites.

 

Le cheval du vent est passé à travers les portes de la défaite

Vers la terre du silence des steppes fabuleuses de l’égarement

Le cheval du vent s’est enfoncé, au fond des gouffres de la montagne,

Et les rochers l’ont emprisonné,

Il a écouté les cantiques éthérés.

Il cherche les lueurs des éclairs de son ciel de chants

Il a henni, pourrait-il retrouver les choses oubliées dans les cahiers du tonnerre ?

Et danser la danse divine de l’éclair …

Second poème

Dans les champs de pierres

La nuit a planté des racines bohémiennes

Et des légendes de chants nomades

Et les vignes éternelles au cœur du rocher se sont irriguées.

 

Dans les champs de pierres

Les jardins sont le poumon de la terre

Et des veines ont été plantées dans les villes du silence

Pour faire couler dans leurs ténèbres le vin des feux.

 

Qu’entend maintenant le cheval de l’éternité ?

Qu’a-t-il à courir entre les veines des montagnes

Provoquant des étincelles au nerf de la terre

Les veines ont frissonné, tantôt tendues, tantôt détendues,

Leur frisson a fait tressaillir les édifices de la terre mur après mur

Et les restes des ruines du temps muet et de la terreur ont tremblé

Ils ont penché, dans une longue attente, ils ont perçu le premier tremblement de terre.

 

Ô cheval de l’éternité

Enfonce les veines de la terre pour que brûle la terre

Et que le sang verdisse

Enfonce-toi dans le nerf du monde et galope sur les racines.

Troisième poème

Je suis venu, comme en portant une charge d’héritage, comme étant régenté par la loi dans mon sang,

La vieillesse de l’époque a attisé son feu sidéral

Les mots de la nature se sont embrasés

Et le silence m’a nourri du pain du malheur.

 

Je suis venu comme étant chassé par des volontés

De la mer et des voies de l’abîme

La naissance du tonnerre, entre les veines profondes, m’a arrêté.

Traduction de Suzanne El Lackany

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Mohamad Afifi Matar

Est né au village de Ramlet Al-Amgad (gouvernorat de Ménoufiya) en 1935 et mort après une longue maladie hépatique en 2010. Il commença sa carrière comme enseignant dans une école primaire à Kafr Al-Cheikh, en 1956. En 1966, il obtint une licence en philosophie de l’Université de Aïn-Chams.

En 1968, il publia son premier recueil de poèmes, Malameh min al-wajh al-ampezoghrici (inspirations d’Empédocle). Il devient une figure du poème contemporain et crée sa propre poésie et sa propre métrique. Afifi Matar est également le père spirituel de toute une génération de poètes, notamment celle des années 1970. Il paye cher ses positions politiques, même s’il n’adhère à aucun parti. Au début des années 1990, il est emprisonné pendant un an car opposé à la guerre en Iraq. Une expérience houleuse qui a laissé des traces sur son âme aussi bien que sur sa poésie comme dans son recueil Al-Momiaa al-motawahécha (la momie sauvage).

Son œuvre complète a été publiée en 1998 aux éditions Dar Al-Shorouk, puis à l’Organisme général des palais de la culture en 2009, en trois tomes. Il a obtenu en 1999 le prix de l’Université d’Arkansas, aux Etats-Unis, récompensant la poésie étrangère.

 




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