Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Tel endroit ... Telle Manifestion

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 Semaine du 8 au 14 juin 2011, numéro 874

 

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Nulle part ailleurs

Société . De la place Tahrir à la place Moustapha Mahmoud en passant par Maspero. Depuis la révolution du 25 janvier, les Egyptiens choisissent leurs lieux de manifestation en fonction de leurs revendications. C’est une véritable carte des lieux de protestation qui prend forme. Tel endroit …

Tel endroit ... Telle manifestion

« Notre regard sur certains endroits a changé tout comme bien de choses ont changé depuis le 25 janvier », dit Nadia, une jeune révolutionnaire présente à toutes les manifestations dont les slogans conviennent à ses convictions politiques ou religieuses. Depuis le 11 février, date de la chute du régime de Moubarak, cette dernière, comme beaucoup de milliers de citoyens égyptiens, se dirige selon l’actualité vers un endroit connu pour manifester. Le lieu change d’une manifestation à une autre et chacun est libre de choisir l’endroit où il veut se rendre. En fait, une carte des lieux de manifestation a été élaborée durant les premiers mois de la révolution et que tout le monde respecte jusqu’à maintenant. Il suffit de prononcer le nom de l’endroit pour connaître le slogan de la manif et c’est aux contestataires de se diriger vers le lieu qui convient à leurs revendications.

La place Tahrir est devenue le haut lieu de la résistance, l’esplanade la plus fameuse et dont la réputation a dépassé les frontières durant la révolution. C’est là où les manifestants ont passé 18 jours à exprimer à haute voix leurs revendications jusqu’à les voir se réaliser devant leurs yeux avec la chute du régime de Moubarak. Depuis, la place Tahrir continue de connaître chaque vendredi une nouvelle manifestation. Vendredi de la colère, vendredi du départ, de la fête de la victoire, de la loyauté, chaque rassemblement porte une appellation différente mais le message est le même puisqu’il sort de Tahrir. C’est l’endroit qui reflète tout ce qui est en opposition avec l’ancien régime et ses hommes. Ce fut d’abord l’appel à Moubarak de quitter le pouvoir ; par la suite, c’était la fête de la victoire, et depuis, chaque semaine c’est selon l’actualité que se précise le but de la manifestation. Mais la place continue à porter les mêmes slogans : contre le gouvernement, le Conseil militaire ou la police, bref, contre tout ce qui représente le pouvoir. « Les manifestations à la place Tahrir font partie intégrante de ma vie », commente Farès, étudiant de 21 ans. Et d’ajouter : « Avant d’y prendre part, je dois connaître le but de la manifestation et ses organisateurs. Par exemple, la seule fois où j’étais absent, c’est quand j’ai senti que les Frères musulmans allaient voler la vedette aux révolutionnaires et j’avais raison car ils avaient détourné le slogan en faveur de la cause palestinienne ». Farès, tout comme beaucoup d’autres, est devenu un habitué de la place Tahrir. Il refuse de quitter le lieu tant que le but n’est pas atteint.

Au fil des vendredis, si la scène paraît la même, quelques détails diffèrent d’une manifestation à l’autre, de par les slogans, les tables rondes et parfois les débats. Les premiers jours, on voyait des volontaires arrivés avec des couvertures, des médicaments et de la nourriture aux contestataires. Connaissant la date de chaque manifestation, des marchands ambulants viennent écouler leurs marchandises. Ils arrivent avant la foule pour s’installer dans des coins stratégiques et vendre du pois chiche, des galettes de pain, des boissons et même des drapeaux et autres pacotilles portant les photos des martyrs. Les voleurs aussi se sont infiltrés parmi la foule. Là, on diffuse les chansons patriotiques les plus anciennes, celles de Abdel-Halim et de Mohamad Abdou, et on voit des artistes qui viennent exposer leurs arts. C’est réellement tout un Etat, comme on l’a surnommé « l’Etat de la place Tahrir ».

« Nous sommes sortis de nos maisons pour mourir ici », « Nos poitrines sont prêtes à recevoir les balles jusqu’à ce que justice soit faite », et d’autres slogans révolutionnaires parfois forts et parfois pleins de dérision comme celui de « Pardon monsieur le président, on a tardé à te dire dégage ».

Devant la mosquée Moustapha Mahmoud située au quartier de Mohandessine à Guiza, les manifestants ne portent pas les mêmes slogans. Cet édifice, qui porte le nom d’un grand savant qui l’a construit en 1979, a été l’un des endroits stratégiques de rassemblement le 25 janvier. Après le 11 février, cette mosquée a été le point de rencontre de ceux qui ont voulu rendre hommage à l’ex-président et tous ceux qui s’opposent aux revendications de la place Tahrir. Ces manifestants arrivent par petits nombres, réclamant la dignité pour Moubarak, n’acceptent pas son départ et rejettent toutes les accusations dont il est victime et font tout pour qu’il ne soit pas jugé. Ces manifs n’entraînent pas des foules. « Ce sont les hommes du Parti national (celui de l’ex-président) et quelques individus payés par les hommes d’affaires à qui profitait l’ancien régime », commente Ali qui vit à Mohandessine et fait ses prières à la mosquée de Moustapha Mahmoud, mais qui préfère aller à la place Tahrir pour manifester.

« Tu es avec ceux de Tahrir ou de Moustapha Mahmoud ? », une question qui revient souvent sur la bouche des gens et qui résume la tendance de chacun selon l’endroit où il va manifester.

Devant cette même mosquée, les Libyens résidant en Egypte et soutenant le régime de Kadhafi se rassemblent aussi. « Il paraît que ce lieu est devenu l’endroit de rencontre de ceux qui soutiennent des dictateurs et sont contre les révolutions menées par les peuples », confie Chadi, un manifestant de la place Tahrir.

Au lieu de répéter des slogans révolutionnaires pour qu’on accélère les procès de ceux qui sont impliqués dans des affaires de corruption ou demander à modifier des lois, il suffit de dire « Al-Tahrir ».

Et lorsqu’on veut parler de compassion à l’égard de l’ancien régime, il suffit de prononcer « Moustapha Mahmoud ». Deux endroits qui représentent deux mondes tout à fait contradictoires. Une situation qui n’a pas empêché certains de changer de veste.

C’est le cas de Chérine, poussée par son amour pour Moubarak et qui était présente à toutes les manifestations qui ont eu lieu devant la mosquée Moustapha Mahmoud. « A mes yeux, il était comme un père et je n’ai jamais cru qu’il pouvait être responsable de tous ces problèmes que connaît l’Egypte », dit Chérine en se rappelant le jour de son départ. D’ailleurs, elle a même versé des larmes pour ce père déchu de ses fonctions de président. Mais cette même personne a changé d’avis en lisant la suite des enquêtes qui ont dévoilé l’importance de la corruption durant son régime, et même si elle ne parvient pas à le détester, elle a décidé dernièrement de participer aux manifestations de la place Tahrir pour réclamer un vrai changement.

Un autre endroit star, c’est Maspero, et c’est là où les coptes ont choisi de se rendre pour se faire entendre et protester. En fait, quelques semaines après la chute du régime, plusieurs incidents ont eu lieu entre musulmans et coptes. Ces derniers, qui ont senti une certaine lenteur face aux procédures d’enquête, ont décidé de protester.

Beaucoup participent aussi aux manifestations qui ont lieu à la place Tahrir étant donné que l’objectif est le même, seulement Tahrir c’est pour les revendications politiques et Maspero pour tout ce qui concerne la religion. « Je participe aux manifs devant Maspero pour réclamer plus de justice pour les coptes, mais le vendredi, je me dirige vers Tahrir car c’est là où on revendique nos droits politiques en tant que citoyens », explique Chahir.

« Al-Gueich wel chaab eid wahda » (l’armée et le peuple, une seule main) est le slogan porté par les manifestants rassemblés devant Al-Manassa, dans le quartier de Madinet Nasr. Tous les messages adressés au Conseil militaire sont véhiculés à partir de cet endroit où se retrouvent des citoyens que l’on rencontre aussi à la place Tahrir, Maspero et parfois à Moustapha Mahmoud selon le message à transmettre. Que les militaires accèdent au pouvoir ou pas, que l’on demande à reporter la date des élections parlementaires ou à faire pression sur les médias pour ne pas divulguer certaines informations, tous les regards suivent attentivement ce qui se passe dans ces quatre points stratégiques du Caire. Il ne faut pas oublier un autre endroit, loin du Caire et précisément à Charm Al-Cheikh. C’est là où l’ex-président est hospitalisé. Rares sont les jours où le terrain qui cerne l’établissement hospitalier connaît le calme. Des commerçants, des fonctionnaires ou des citoyens y arrivent des quatre coins de l’Egypte pour manifester, et dernièrement même, les bédouins se sont lancés dans ce genre de protestation même s’ils sont en petit nombre. « Dégage » est le slogan porté haut et fort par les habitants de Charm Al-Cheikh qui ne veulent plus que Moubarak séjourne dans cet hôpital. Ils demandent à ce qu’il aille en prison tout comme n’importe quel citoyen condamné pour des fautes graves. En fait, si tous ces endroits sont des points vers lesquels se dirigent les manifestants depuis le 25 janvier, il y en a d’autres dans tous les gouvernorats et qui sont devenus des points de rassemblement : la mosquée d’Al-Qaïd Ibrahim à Alexandrie, Midane Al-Arbéine à Suez, les bâtiments du gouvernorat à Mansoura et Gharbiya, la rue Talatini à Ismaïliya et la place Port-Saïd à Kafr Al-Cheikh.

En fait, personne ne sait quelle est la raison du choix de ces endroits. Pour la place Tahrir, il est normal de voir des gens s’y rendre, cela ne semble pas nouveau. Cette place, fondée par le khédive Ismaïl sous le nom de Ismaïliya, a connu au fil des années les plus importants soulèvements populaires. L’événement le plus fameux, c’est la révolution de 1919, c’est à partir de ce moment-là que la place a porté son nom actuel et qui veut dire « libération ». Alors, ce n’est pas bizarre de voir des millions d’Egyptiens y venir pour déclencher leur révolution en 2011. Et probablement le choix d’Al-Manassa est dû à la relation qu’a l’armée avec cet endroit où se trouve le tombeau du soldat inconnu et où a eu lieu l’assassinat de Sadate. Quant à Maspero, c’est un choix intelligent comme affirme Chahir, car c’est un point très sensible de la capitale devant le bâtiment de la Radiotélévision et sur la corniche. Les manifestants là-bas savent qu’ils vont attirer l’attention des médias. Et ce n’est pas tout, chaque jour, selon l’actualité on voit de nouveaux endroits s’ajouter aux précédents. La mosquée d’Al-Hussein au quartier d’Al-Azhar a connu pour la première fois une manifestation la semaine dernière organisée par les Frères musulmans qui voulaient exprimer leur refus quant à la manifestation organisée à Tahrir le même jour. Et chaque vendredi les gens se sont habitués à suivre le flot de manifestants, ce qu’ils vont dire de nouveau et à quel endroit.

Hanaa Al-Mekkawi

 




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