Médias étatiques .
Le président de l’Union de la Radiotélévision, Sami
Al-Chérif, a présenté cette semaine sa démission, trois mois
seulement après sa nomination. Une décision saluée par les
journalistes de Maspero qui réclament une réforme en
profondeur de leur institution.
En quête de changement
Ouvrir
le dossier des médias officiels en demandant aux experts de
présenter des projets et des suggestions sur les moyens de
les réformer. Telle a été la décision du Conseil suprême des
forces armées suite à la démission la semaine dernière du
professeur Sami Al-Chérif de la présidence de l’Union de la
Radiotélévision.
C’est avec un grand plaisir que les journalistes ont
accueilli la démission d’Al-Chérif, nommé il y a 3 mois
comme président de l’Union de la Radiotélévision et
considéré par ses nombreux détracteurs comme un homme de
l’ancien régime. Son départ a donc été considéré comme un
premier pas sur le chemin d’une véritable réforme de Maspero
(siège de la Radiotélévision). Les journalistes sont
déterminés à aller jusqu’au bout de leur combat, jusqu’à ce
que toutes leurs revendications soient satisfaites. Parmi
celles-ci : la destitution des chefs des secteurs impliqués
dans des actes de corruption, la mise en œuvre d’une grille
salariale équitable, la création d’un syndicat pour les
journalistes audiovisuels (qui n’a jamais existé en Egypte),
et surtout la mise en place d’une nouvelle politique
rédactionnelle indépendante des orientations politiques de
l’Etat. « Au cours des trois mois qu’il a passés comme
patron, Al-Chérif n’était pas à la hauteur de la
responsabilité et n’a pas pu répondre aux attentes des
travailleurs en ce qui concerne les salaires équitables et
l’indépendance rédactionnelle, ce qui n’était pas étonnant.
Personne ne s’attendait à ce que l’un des partisans du PND
puisse changer les choses véritablement. Ce dont nous avons
besoin c’est un patron venu du cœur de la place
Tahrir », affirme
Entissar
Gharib, réalisatrice et membre du mouvement des «
Révolutionnaires de Maspero ». Sami Al-Chérif a, quant à
lui, exprimé son soulagement après sa démission, estimant
que la tâche de réformer Maspero tient du miracle. « Même un
ange n’aurait pas pu satisfaire les attentes des employés de
Maspero, dont les contestations
et les revendications ont dépassé toutes les limites »,
s’indigne-t-il. « Avec 45 000 salariés, des dettes qui ont
atteint les 13 milliards de L.E., des ressources médiocres
et des conflits incessants entre les employés et les
journalistes, la tâche devient impossible », estime-t-il. «
L’amélioration des conditions actuelles ne pourra se faire
qu’à long terme et nécessite la collaboration de tout le
monde, et c’est ce que les employés n’arrivent pas à
réaliser ».
C’est pourtant le défi que le Conseil militaire s’est fixé.
Le général Tareq Al-Mahdi a été
chargé de présider l’Union de la radiotélévision
provisoirement, jusqu’à la nomination d’une personnalité
consensuelle qui pourrait être acceptée par la majorité des
journalistes et responsables de l’Union. Un choix qui se
révèle difficile. Mais d’ici là, le général Al-Mahdi se
penchera sur la restructuration administrative et financière
de l’Union. Sur ce plan, une révision des budgets consacrés
à la production des feuilletons et téléfilms est en cours,
pour diminuer les sommes astronomiques autrefois payées aux
vedettes, dont certaines touchaient plus de 15 millions de
L.E. par feuilleton.
Sékina
Fouad est écrivaine et membre du Conseil d’experts
nouvellement formé, pour le développement de la
Radiotélévision de l’Etat. Elle estime que la révision des
politiques rédactionnelles vers plus d’indépendance et
d’objectivité doit être à la base de la réforme des médias
officiels qui ne bénéficient quasiment d’aucune crédibilité
auprès du public. « Assurer des salaires équitables aux
journalistes et s’intéresser à leur formation
professionnelle sont également deux piliers de la réforme
escomptée », affirme-t-elle.
Avis partagé par Hassan Hamed, ancien président de l’Union
de la Radiotélévision. « Immunisés contre la concurrence du
marché et placés uniquement au service du régime, les médias
officiels ne se sont jamais intéressés à la formation des
cadres professionnels ou au développement de leur message,
que ce soit au niveau de la forme ou celui du fond »,
affirme Hamed, qui rejette la logique de ceux qui expliquent
ces défaillances en termes de moyens financiers.
Hamed trouve que le nouveau président de l’union doit être,
avant tout, un journaliste professionnel qui possède une
stratégie et une vision claires pour le développement de ce
secteur, et être en mesure concurrencer les médias privés.
« L’hypocrisie, les pistons et la loyauté au pouvoir ont été
les bases de recrutement et de promotion. Ceci a contribué à
la décadence des médias étatiques », explique en outre
Yasser Abdel-Aziz, professeur de
journalisme et expert en développement des médias. Selon
lui, la réforme doit être basée sur trois axes : développer
une atmosphère politique, mettre en place des législations
propices à la liberté d’expression et modifier le statut des
médias officiels, permettant une indépendance totale du
pouvoir. « Les médias ne peuvent plus être confiés à l’Etat,
puisque ce dernier aura sûrement du mal à garantir leur
liberté », conclut Abdel-Aziz
.
May Al-Maghrabi