Exposition .
Situé sur le plateau d’Al-Guelf
Al-Kabir, dans le Désert
occidental, le site de Wadi
Soura renferme deux grottes préhistoriques dont les
peintures ont été dégradées par les facteurs naturels et le
comportement de certains touristes. Une mission italienne a
entrepris la tâche de les restaurer.
Un patrimoine en danger
« Wadi Soura est l’une des
vallées que renferme la réserve naturelle et archéologique
d’Al-Guelf Al-Kabir.
Cette vallée raconte, à travers les outils préhistoriques,
les grottes et leurs graffitis, l’histoire de l’occupation
des lieux par l’homme et ses activités variées », explique
Khaled Saad, directeur général du département de la
préhistoire au sein du ministère d’Etat pour les Affaires
des antiquités. Cette vallée comprend d’innombrables grottes
qui étaient exploitées comme des abris pour les premiers
hommes. Parmi celles-ci se distinguent trois couvertes de
graffitis, dont deux sont soumises aux études. Elles sont
situées à 300 mètres l’une de l’autre. C’est là où opère,
depuis deux ans, une mission italienne dirigée par la
préhistorienne Barbare Barich,
de l’Université de Rome La Sapienza
et financée par la Coopération italienne. Son objectif
essentiel est de restaurer les graffitis, ainsi que
préserver et conserver le site et tout son entourage.
Récit de peintures
Découverte en 1933 par le comte hongrois Laszlo
Almasy, la grotte de Soura I (la
grotte des images) est unique en Egypte, voire dans le monde
entier. Elle comprend plus de 2 000 graffitis qui couvrent
ses murs. Raison pour laquelle cette grotte attire
l’attention des spécialistes et touristes des quatre coins
de la planète. Ces peintures varient entre gravures
rocheuses et colorées. D’ailleurs, ces représentations
expriment plusieurs sujets : funéraires, danses rythmiques
dont certains sont rituels, à l’instar du rite de
l’autruche, le headless, la
présentation des offrandes tandis que d’autres sont
religieuses, à l’instar des scènes des nageurs et des
nageuses. A cause de cette
représentation, les premiers découvreurs ont appelé
cette grotte la « grotte des nageurs ». A côté des danses
rythmiques, rituelles et religieuses, se distinguent les
saisonnières qui étaient effectuées pendant les festivals, à
l’exemple de celui de la récolte et celui des porteurs des
offrandes et ce, sans oublier les danses quotidiennes qui
reflètent les jeux des enfants de cette époque lointaine.
Tous ces graffitis significatifs augmentent la valeur de la
grotte Soura I, en plus de leur datation variée. D’après les
anciens chercheurs, les plus anciens graffitis de cette
grotte remontent au néolithique (environ 7 000 ans av.
J.-C.), tandis que les plus récentes, elles, sont datées à
la période thinite (Ie
et IIe dynasties pharaoniques). En revanche, les plus
nouvelles études effectuées au sein du département de la
préhistoire suggèrent que cette datation est beaucoup plus
reculée que le néolithique. En outre, cette grotte et ses
images expliquent la présence de l’homme préhistorique dans
le Désert occidental et ses relations avec ses voisins en
Libye dans la région d’Akakus de
Tassili sur les frontières libyo-algériennes.
Aussi avait-il établi des liens avec ses homologues au
Soudan.
Un patrimoine à sauvegarder
Quant à la grotte II, dont les peintures traitent les mêmes
sujets abordés dans la première, elle a été découverte
quelques années plus tard par le voyageur italien
Foggini. Les deux grottes
attirent un nombre considérable de touristes et de
préhistoriens de toutes les nationalités. En effet, une
mission italienne y opère depuis deux ans. Son motif
essentiel est de restaurer les peintures des deux grottes,
les préserver et conserver tout leur entourage parsemé
d’outils préhistoriques datés du paléolithique. « D’après
nos comparaisons entre l’état des peintures aux temps de la
découverte et aujourd’hui, nous avons constaté de forts
dégâts », affirme Giulio Lucarini,
l’adjoint de la directrice de la mission. Pour lui, en gros,
il y a deux genres de causes. Le premier est naturel dont
les effets sont très modestes. Quant au second, il est
humain et son effet est destructif. Le tourisme est le
premier facteur. En effet, les touristes au nombre de 40 par
jour et leur mauvais comportement représente un grand danger
pour les graffitis. Ils les touchent et les arrosent avec de
l’eau pour obtenir de belles photos. Avis partagé par le
géologue Mohamad Hamdan, membre
de la mission et professeur à l’Université du Caire. Selon
lui, cette eau efface les peintures et affaiblit la roche de
la grotte. « Aussi, certains touristes y gravent leur nom et
la date de leur présence sur le site, déformant ainsi les
peintures préhistoriques », reprend Khaled Saad. En même
temps, Certains individus qui pénètrent illégalement à
partir des frontières tchadienne et soudanaise passent par
Wadi Soura et abîment avec leurs
véhicules les outils préhistoriques autour des grottes.
Tous ces comportements représentent un grand danger aux yeux
des préhistoriens et des archéologues. Selon
Lucarini, les restaurations
actuelles qui sont réalisées à l’aide de la plus récente
technologie, comme le microscope numérique qui analyse les
couleurs et les matériaux et les transmet à l’ordinateur, ne
suffiront pas pour préserver le site. Et, par conséquent,
l’humanité risque de perdre un trésor, voire un patrimoine
unique. Il faut sauver Wadi
Soura. Pour ce faire, il faut établir une coopération entre
les ministères d’Etat pour les Affaires des antiquités, de
l’Environnement, le ministère du Tourisme et les forces
armées. Il faut aussi fournir le financement nécessaire pour
maintenir les équipements comme les véhicules 4X4, les
cartes, les appareils GPS et des téléphones satellites qui
permettent de contrôler la réserve et de la sécuriser en cas
d’urgence. Il faut aussi installer des points de contrôle et
mettre en place un règlement pour les guides, les
conducteurs, les touristes et les rangers.
Doaa
Elhami