Al-Ahram Hebdo, Opinion | Hicham Mourad, Scission chez les Frères

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 Semaine du 29 juin au 5 juillet 2011, numéro 877

 

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Opinion

Scission chez les Frères
Hicham Mourad

Ce qui devait arriver est arrivé. Un groupe de quelque 150 jeunes des Frères musulmans ont annoncé la semaine dernière la fondation d’un nouveau parti, après avoir passé outre la décision de la confrérie interdisant à ses membres de former ou d’adhérer à un parti politique autre que celui créé par les Frères, la Liberté et la Justice.

Le nouveau parti, le Courant égyptien, dont les fondateurs sont aussi des membres de la Coalition des jeunes de la révolution (du 25 janvier), se veut un parti séculier en rupture avec le programme politique, l’organisation et la structure de commandement de la confrérie, même s’il s’en inspire d’une façon très générale. Ses fondateurs se réclament d’une vision moderne, plus tolérante et moins conservatrice que l’islam de la vieille garde des Frères musulmans. Sans mentionner la charia, ils se contentent de préciser que leur formation a des racines islamiques et arabes, mais qu’elle représente les Egyptiens appartenant à d’autres religions et cultures. Le parti soutient clairement l’établissement d’un Etat civil et cherche à devenir une formation plus inclusive des religions et cultures autres qu’islamiques. Cette plateforme politique les rapproche des nouveaux partis, créés ou en cours de formation, qui s’inspirent des idées et idéaux de la révolution. C’est ainsi que l’on trouve parmi les fondateurs du Courant égyptien des libéraux, des hommes de gauche et des indépendants.

La création du parti du Courant égyptien est l’aboutissement d’un long processus fait de désaccords entre la nouvelle et l’ancienne génération des Frères, dont le moment décisif fut la récente formation du parti de la confrérie, la Liberté et la Justice. Les dirigeants de celui-ci furent choisis par la direction des Frères, ce que contestent les jeunes qui veulent que la direction de la Liberté et la Justice soit élue par la base du parti. Les jeunes insistent en effet à séparer l’action de prosélytisme des Frères de l’action politique de leur parti. Ils reprochent ainsi à la vieille garde son échec, ou son refus, à lever toute confusion entre le religieux et le politique, ce qui nuit à l’image du groupe et l’empêche d’assimiler les idéaux de la révolution.

Ce fossé est la démonstration d’un conflit de générations, entre la vieille garde, formée à la culture du secret et de l’obéissance, dont la vision conservatrice de l’islam a peu évolué, et la nouvelle génération, davantage critique, plus tolérante et plus en contact, grâce à la révolution des technologies de l’information, avec les autres courants politiques de la société et le monde extérieur. Le décalage ou le conflit actuel entre les deux parties est tout simplement la manifestation de la volonté des jeunes de jouer un rôle plus important dans la définition des politiques à suivre. Une perspective qui se heurte à la vieille garde et à la structure rigide de la confrérie. Ces jeunes se sentent ainsi à l’étroit dans la confrérie. Ils croient que son programme politique, ses idées, ses structures internes et son mécanisme de prise de décision ont besoin d’être réformés, ce que rejette la direction. Ils estiment que sous sa forme actuelle, la confrérie n’est suffisamment pas large pour représenter l’ensemble des Egyptiens.

Ces deux visions devaient, à n’en plus douter, se traduire par des divergences croissantes de vue. Celles-ci ont commencé dès le déclenchement de la révolution le 25 janvier. Alors que la direction des Frères avait interdit à ses membres de participer aux premières manifestations, les jeunes de la confrérie l’ont fait. Ceux-ci ont par la suite bravé une autre interdiction décrétée par la direction, qui a prohibé à ses membres de participer au « deuxième vendredi de la colère », tenu le 27 mai à la place Tahrir. Les manifestants de cette journée partageaient grosso modo trois grandes revendications : la création d’un Conseil présidentiel civil pour diriger le pays pendant la période de transition, à la place du Conseil suprême des forces armées ; l’élaboration d’une nouvelle Constitution avant l’organisation des élections législatives, prévues en septembre et une meilleure lutte contre la corruption, c’est-à-dire l’accélération des procès des dignitaires de l’ancien régime et la purge des services de police, de sécurité, de l’appareil judiciaire, des autorités municipales, de la presse et de l’audiovisuel qui ont contribué au maintien du régime de Moubarak.

On retrouve les mêmes différences de vue dans le soutien apporté par des jeunes Frères à la candidature à l’élection présidentielle d’un ancien dirigeant de la confrérie, Abdel-Moneim Aboul-Fotouh, réformiste et plus libéral dans ses idées que les autres dirigeants de la confrérie. Ce n’est peut-être pas un hasard que l’annonce de la formation du Courant égyptien, le 21 juin, intervient trois jours à peine après l’exclusion de la confrérie d’Aboul-Fotouh, après avoir annoncé son intention de se porter candidat à la présidentielle, prévue en décembre. La direction des Frères avait décidé de ne pas présenter de candidat à la magistrature suprême et avait en conséquence interdit à ses membres de présenter leur candidature, sous peine d’exclusion. Aboul-Fotouh est soutenu par quelque 4 000 jeunes Frères, dont l’adhésion à la confrérie serait gelée par la direction en raison de ce soutien. La confrérie aurait même encouragé le soutien à un autre candidat islamique à la présidence, Mohamad Sélim Al-Awwa, pour barrer la route à Aboul-Fotouh.

La dissidence de jeunes Frères ne devrait, au moins pour l’instant, affecter l’influence et le poids social et politique de la confrérie, mais elle met en lumière sa rigidité et son incapacité à se réformer et à se moderniser pour se conformer à la nouvelle donne, née avec la révolution.

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