Yémen .
Soutenue par les protestataires, l’opposition revendique un
conseil de transition, tandis que l’entourage du président
Saleh, contesté et hospitalisé en Arabie saoudite, entrave
son élaboration.
Sous l’ombre de Saleh
Comme prévu, le vide politique a plongé le pays dans le
chaos et paralysé la vie quotidienne des Yéménites. Essayant
de trouver une issue à la crise, le chef de l’opposition
parlementaire a estimé que le président Ali Abdallah Saleh
était fini mais pas son régime. Tout en affirmant que le
chef de l’Etat est « sorti du jeu politique du Yémen en tant
que personne mais pas en tant que régime, je crois qu’il est
toujours là », a déclaré Yassine Saïd Noomane. La pierre
d’achoppement entre les camps yéménites demeure toujours
l’incertitude sur l’état de santé de M. Saleh, hospitalisé à
Riyad ; alors que contesté par la rue depuis cinq mois, il
refusait de parapher un accord de transition, proposé par
les monarchies du Golfe. Selon Noomane, un transfert du
pouvoir au vice-président Abd-Rabbo Mansour Hadi, qui assure
l’intérim de M. Saleh selon la Constitution, est le meilleur
moyen pour une transition sur la base d’une entente
nationale. Autrement, « il sera difficile d’ignorer l’option
du conseil intérimaire, proposé par le peuple », a-t-il
averti en référence aux jeunes protestataires qui, observant
des sit-in de protestations depuis février, exigent la mise
en place d’un conseil intérimaire pour barrer la route à un
retour de M. Saleh. « Le Forum commun s’en tient à un
transfert du pouvoir au vice-président, puis à la formation
d’un gouvernement d’union nationale qui appellera à un
dialogue national global sur les problèmes du pays », a
affirmé le chef de l’opposition.
En revanche, les autorités yéménites insistent sur le retour
prochain du président Ali Saleh. Le vice-ministre yéménite
de l’Information, Abdo Al-Janadi, a exclu une transition du
pouvoir, réclamée par l’opposition, tant que le président
Saleh est hospitalisé à Riyad. « Nos valeurs morales ne nous
permettent pas de discuter d’une transition du pouvoir alors
que le président est alité », a déclaré M. Janadi. Depuis
son admission le 4 juin à l’hôpital militaire de Riyad, M.
Saleh n’a fait aucune apparition publique et aucun bulletin
de santé n’a été publié. « Le président est en bonne santé.
Il se remet. Mais sa sortie de l’hôpital sera décidée par
ses médecins », a ajouté le vice-ministre.
L’absence prolongée du président donne lieu à diverses
spéculations sur son état de santé aussi bien dans les
milieux officiels que dans ceux de l’opposition qui veut une
transition rapide du pouvoir afin de barrer la route à son
retour. Selon M. Janadi, le vice-président Abd-Rabbo Mansour
Hadi, qui assure l’intérim du chef de l’Etat selon la
Constitution, déploie d’énormes efforts pour
normaliser la situation puis pour réunir toutes les parties
autour de la table du dialogue, sur les problèmes du pays
profondément affecté par cinq mois de protestations
populaires.
Pour soutenir les protestataires, un chef militaire de la
puissante tribu des Hached, cheikh Hachem Aballah Al-Ahmar,
a annoncé son soutien aux jeunes protestataires qui
réclament un conseil intérimaire pour empêcher le retour du
président Ali Abdallah Saleh. « Nous nous tenons aux côtés
de la révolution et des révolutionnaires quels que soient
les sacrifices à consentir », a déclaré cheikh Hachem, qui a
participé à une manifestation des jeunes protestataires à
Sanaa. L’absence de M. Saleh a déjà permis à la révolution
de « réaliser l’un de ses objectifs », a précisé cheikh
Hachem, un ancien membre de la garde rapprochée du président
yéménite qui a fait défection au début du soulèvement
populaire au Yémen en janvier. « Nous travaillons désormais
à un transfert pacifique et ordonné du pouvoir, une mission
qui incombera au vice-président Abd-Rabbo Mansour Hadi, une
personnalité nationale appréciée de tous », a affirmé cheikh
Hachem. Frère du puissant chef tribal des Hached, cheikh
Sadek Al-Ahmar, rallié à la contestation populaire, cheikh
Hachem avait dirigé les combattants de sa tribu contre les
forces gouvernementales dans Sanaa ce mois.
Le chef de l’Etat, au pouvoir depuis près de 33 ans, a été
blessé le 3 juin lors d’une explosion dans la mosquée du
palais présidentiel où il participait à la prière du
vendredi. Il a été évacué le lendemain à bord d’un avion
médical saoudien à Riyad. Onze de ses gardes du corps ont
été tués et 124 personnes blessées, dont un grand nombre de
dignitaires, parmi lesquels le premier ministre, Ali
Mohammed Moujawar, et le président du Conseil consultatif,
Abdelaziz Abdelghani, également soignés en Arabie saoudite.
Pour renforcer la pression sur l’entourage de Saleh, le
sous-secrétaire d’Etat américain pour le Proche-Orient,
Jeffrey Feltman, a appelé à une « transition immédiate » du
pouvoir au Yémen. « Nous estimons qu’une transition
immédiate, pacifique et ordonnée est dans l’intérêt du
peuple yéménite et nous appelons toutes les parties à
engager le dialogue », a déclaré Feltman qui visite ce pays
pour mettre fin au vide politique. Il a assisté à des
pourparlers avec le vice-président Abd-Rabbo Mansour Hadi,
qui assure de facto l’intérim, ainsi qu’avec les
représentants de l’opposition parlementaire, des étudiants
contestataires qui tiennent la rue, des hommes d’affaires et
des délégués de la société civile. « Les Américains
soutiennent que le pouvoir soit cédé immédiatement au
vice-président conformément à l’initiative des monarchies du
Golfe, pour entamer ensuite la formation d’un gouvernement.
Nous sommes totalement d’accord avec cette approche. Mais le
vice-président est en butte à des difficultés et des
entraves », a déclaré le porte-parole de l’opposition,
Mohamed Qahtane.
Maha
Salem