Banques . Plusieurs établissements ont augmenté leurs taux
d’intérêts, ce qui est une bonne nouvelle pour les dépositaires. Mais cela
pourrait aussi se retourner contre eux. Explications.
La loi de l’intérêt
Augmenter
les dépôts ou relancer l’investissement ? Ce sont deux objectifs difficiles à
atteindre en ce moment avec le recours de la moitié des banques sur le marché à
la hausse de leurs intérêts entre 0,5 et 1 %, pour dépasser les 10 %. La liste
comprend de grandes banques, telles que banque Misr, NSGB, CIB, Crédit Agricole
Egypt et la banque Audi.
Cette
hausse a pris des formes différentes. La banque Audi a augmenté directement les
intérêts sur ses dépôts à long terme de 5 ans avec des rendements annuels de 10
à 10,3 % et de 3 ans de 9,7 à 10,2 %. Ces taux sont les plus élevés sur le
marché. Quant à la banque Misr, elle a lancé un nouveau certificat bancaire
remboursable sur 10 ans avec un taux d’intérêt de 10 %. Ces chiffres sont
supérieurs à la moyenne des intérêts dans le secteur bancaire variant entre 8
et 9,5 %.
Les
banques visent à attirer le plus de clients en vue d’augmenter le niveau des
dépôts bancaires qui ont stagné après la révolution du 25 janvier. « Notre
objectif principal est d’augmenter la base de notre clientèle en lui offrant
des intérêts avantageux. Les clients sont ainsi récompensés par la fixation des
intérêts pour plus d’un an et demi », explique Helmi
Al-Sayed, président du département d’investissement au sein de la banque Misr. Il
ajoute que les intérêts bancaires sont restés faibles pendant longtemps pour
les investisseurs. Cependant, il s’abstient de dévoiler les chiffres des dépôts
bancaires dans son établissement après la révolution.
Investi dans un appartement
La
majorité des clients ont dû retirer leurs fonds après la fermeture des banques
pendant plus d’un mois. C’est l’exemple de Nahed Zaki, une cliente de l’une des grandes banques. Elle
raconte à Al-Ahram Hebdo qu’elle a retiré 300 000
L.E. après la réouverture des banques pendant la révolution. « J’étais inquiète
du manque de stabilité politique dans le pays », explique-t-elle. De plus, elle
a investi dans l’achat d’un appartement, car c’est plus sûr, « d’autant plus
que le taux d’intérêt était trop bas ». Nahed ne fait
pas exception. Des milliers de dépositaires ont souffert de la chute des
rendements de leurs dépôts en monnaie locale suite à la hausse du taux
d’inflation et la baisse des intérêts bancaires. Plusieurs ont eu recours aux
dépôts en devises pour ne pas subir les répercussions de l’instabilité.
Selon
les chiffres du dernier rapport de la Banque Centrale d’Egypte publié la
semaine dernière, les dépôts du secteur familial en devises étrangères ont
augmenté de 96 millions de L.E. en janvier à 102 millions de L.E. en février. Ce
montant s’élève à 105 millions de L.E. en mars. Cette augmentation nuit aux
dépôts en monnaie nationale qui sont passés de 514 millions de L.E. en janvier
à 508 millions de L.E. en mars.
Les
bilans des banques dévoilent une stagnation ou une faible hausse des dépôts
pendant le premier trimestre de l’année en cours. A titre d’exemple, les dépôts
bancaires sont restés sans changement au sein de la banque française Crédit
Agricole Egypt, soit à 21 millions de L.E., au cours
du premier trimestre de cette année. Le Crédit Agricole, dont l’ex-président
est pris dans une affaire de corruption, a nommé un nouveau président de
nationalité française afin de fuir les poursuites que subissent les
responsables de l’ancien régime, réussissant ainsi à échapper à un retrait
massif des clients.
Concernant
la NSGB, les dépôts ont légèrement augmenté pour atteindre 53 millions de L.E.
lors du premier trimestre, contre 50 millions de L.E. au cours du 4e trimestre
de l’année dernière. C’est le même cas de la CIB où les dépôts ont relativement
augmenté à 63,7 millions de L.E. au cours du premier trimestre de 2011 contre
63,3 millions de L.E. pendant le quatrième trimestre de 2010. « A cause de la
situation politique, nous avons révisé à la baisse le taux de croissance des
dépôts de 11,3 % en 2011 à 5,5 % seulement », souligne le rapport de la maison
de courtage CI Capital, publié depuis 3 mois.
Pas une raison suffisante
Toutefois,
la Banque nationale, numéro un sur le marché, refuse d’augmenter ses intérêts
sur les dépôts. Un responsable au sein de la banque, qui a requis l’anonymat,
ne considère pas la stagnation des dépôts comme étant une raison suffisante
pour augmenter les intérêts, car les banques ne souffrent pas d’un manque de
liquidités. « C’est une simple campagne de publicité à travers
laquelle les banques estiment augmenter leurs parts de marché pendant les mois
d’été. C’est vrai que les clients ont préféré après la révolution mettre leurs
économies dans des dépôts en monnaies étrangères plutôt qu’en monnaie
nationale, ce qui a freiné la croissance de cette dernière. Mais il faut
préciser que la hausse des intérêts sur les dépôts entraînera la hausse des
coûts d’emprunt et les frais bancaires. Bref, cela rongera les profits »,
souligne-t-il, en ajoutant que sa banque reste prudente à l’égard de
l’augmentation des intérêts bancaires à l’avenir. « Nous observons le marché de
près mais nous serons sans doute obligés d’augmenter nos intérêts dans l’avenir
pour garder notre part du marché », renchérit-il. Mais « l’augmentation des
intérêts ne représente pas un fardeau pour les banques car elles vont
bénéficier de la différence entre ces intérêts qu’elles payent aux clients et
ceux qu’elles reçoivent de l’investissement des dépôts dans les bons de Trésor
(soit 12,8 %) », estime Amr Al-Alfy,
vice-président du département de recherches au sein de la maison de courtage CI
Capital.
Gilane Magdi
Prendre plus de risques est indispensable
Le recours des banques à augmenter leurs intérêts sur les dépôts vient à contre-courant de l’objectif de la politique monétaire de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), visant à encourager les banques pour le financement de l’investissement. La BCE vient de fixer pour la 14e fois au début du mois en cours ses taux indicatifs tels que le taux d’emprunt pour une nuit à 9,75 % et le taux d’escompte à 8,5 %. « Notre objectif principal actuellement est d’encourager les investissements locaux et étrangers », déclare à Al-Ahram Hebdo Tareq Al-Kholy, sous-gouverneur adjoint de la BCE, qui ajoute : « Chaque banque est libre de fixer ses taux d’intérêts selon ses propres coûts ». Il nie l’existence d’un problème de manque de liquidités dans les banques. « Le ratio crédits/dépôts qui mesure la liquidité au sein des banques est de 53 %, ce qui signifie que les banques possèdent les liquidités nécessaires à l’octroi de crédits aux différents projets », souligne-t-il.
Ainsi, il semble que les banques commerciales s’engageront à ne plus augmenter les coûts d’emprunt pour qu’elles puissent réaliser leurs propres objectifs et celui de la BCE, car le niveau d’investissement étranger direct sera de 2,5 milliards de dollars cette année. Ce qui signifie que le pays a besoin de promotion pour inciter à l’investissement local. Sinon, les banques risquent de voir leurs profits fléchir avec la hausse des intérêts sur les dépôts et la stagnation des intérêts sur les crédits bancaires l
Gilane Magdi