Maroc . Des manifestations animent toujours le
pays, réunissant des milliers de partisans et d’opposants au projet de révision
constitutionnelle soumis à référendum le 1er juillet.
Divisions
autour du projet de Constitution
A
quelques jours du référendum sur un projet de révision constitutionnelle, des
milliers de manifestants ont défilé dimanche au Maroc pour contester ou
soutenir les réformes démocratiques proposées par le roi Mohammed VI, qui
doivent être soumises à référendum le 1er juillet. Répondant à l’appel de
partis politiques et notamment de la confrérie religieuse soufie Zaouia Boudchichia (qui prône une
approche mystique et ascétique, faite de contemplation), les manifestants
satisfaits des réformes faites par le roi ont décidé de soutenir le projet de
Constitution en se rassemblant en très grand nombre. Favorable au pouvoir,
cette confrérie dirigée par le cheikh Hamza a pour la première fois mobilisé en masse ses disciples. « On n’est pas un parti
politique, mais il y a une dynamique politique régionale et notre jeunesse veut
l’accompagner pacifiquement pour soutenir le projet royal », explique Lahcen Sbao Idrissi,
porte-parole de la confrérie.
Pour
exprimer leur avis et affaiblir l’opposition au projet, les manifestants ont
appelé à des rassemblements massifs dans plusieurs villes chaque jour jusqu’au
30 juin pour soutenir le projet constitutionnel.
Le
taux de participation au référendum est un enjeu important pour les autorités
marocaines qui multiplient les annonces et les débats dans les médias et
distribuent le texte de la nouvelle Constitution jusque dans les avions.
En
première réaction à ces appels, le ministre de la Communication, Khaled Naciri,
également porte-parole du gouvernement, a déclaré : « Nous sommes tellement
confiants dans l’appui de la majorité de la population au projet de
Constitution (que) ce ne sont pas quelques voix dissonantes qui nous
déstabiliseront ».
Déjà,
il existe un autre camp qui soutient ces changements. La reconnaissance prévue
du berbère comme langue officielle du Maroc avec
l’arabe a été saluée par les membres de cette communauté, mais certains d’entre
eux craignent que sa mise en œuvre soit entravée par les conservateurs et les
islamistes. Le projet de Constitution qui sera soumis à référendum fait de la
langue amazighe une langue officielle au même titre que l’arabe, un événement
historique au Maghreb. Une loi qui devra être adoptée par le Parlement marocain
définira « le processus de mise en œuvre du caractère officiel de cette langue,
ainsi que les modalités de son intégration dans la vie publique », stipule
l’article 5 du projet de Constitution, dont l’adoption est considérée comme
probable.
Quant
aux adversaires du projet, ils estiment qu’il ne limite pas suffisamment les
pouvoirs du souverain de la plus ancienne dynastie du monde arabe, bien qu’il
renforce le Parlement et le gouvernement. « Nous rejetons les propositions
faites (par le roi). Elles laissent l’essentiel de l’autorité dans les mains
d’une personne non élue qui ne sera soumise à aucune forme de contrôle », a
déclaré Aziz Yaakoubi, membre du mouvement
pro-démocratie du 20 Février, dont le nom réfère à sa date de création. Avis
partagé par plusieurs protestataires. « Il s’agit de manifestations pacifiques
nationales, les cinquièmes, pour montrer que nous utiliserons la rue jusqu’à la
réalisation de notre objectif : une véritable monarchie parlementaire », a
déclaré Ahmed Mediany, un militant de gauche et
membre de la section de Casablanca du Mouvement du 20 Février.
Pouvoirs exécutifs
Essayant
de répondre aux revendications des protestataires, le roi a exposé les réformes
ce mois-ci à la suite d’une série de manifestations sans précédent depuis des
décennies. La nouvelle Constitution dote explicitement le gouvernement de
pouvoirs exécutifs. Elle permet toujours au monarque de nommer le premier
ministre, mais celui-ci doit être issu de la formation arrivée en tête aux
élections législatives. Le premier ministre pourra proposer et démettre les
membres du gouvernement et dissoudre la chambre basse après avoir consulté le
roi, le président de la chambre et celui du Conseil constitutionnel. L’autorité
du souverain continue néanmoins de s’exercer sur l’armée, les institutions
religieuses et l’appareil judiciaire. Des modifications jugées insuffisantes
par les protestataires. Mais, le mouvement de contestation marocain n’a pas
rallié un soutien massif et ne milite pas pour la fin de la monarchie. Il
concentre ses critiques sur ce qu’il perçoit comme une influence croissante du
roi sur les milieux d’affaires et son emprise sur le système politique.
Cependant,
la plupart des partis politiques ont appelé à approuver le projet
constitutionnel, alors que trois partis de gauche, le Parti socialiste unifié,
le Parti d’avant-garde démocratique et socialiste et la Voie démocratique, ont
pour leur part appelé à boycotter le scrutin. Soutenant le même avis, le
mouvement islamiste Justice et bienfaisance, l’un des plus importants au Maroc,
a également appelé à boycotter le scrutin et déclaré qu’il participera aux
manifestations aux côtés des jeunes du 20 Février jusqu’à ce qu’ils atteignent
leurs objectifs. Pour renforcer leur pression, le mouvement des jeunes du 20
Février, qui revendique des changements politiques, a appelé non seulement à
boycotter le référendum sur le projet de Constitution présenté par le roi
Mohammed VI, mais aussi à manifester massivement quotidiennement dans les
grandes villes.
« Nous
appelons au boycott de ce projet de Constitution que nous rejetons sur le fond
et sur la forme », indique un communiqué publié sur la page Facebook
du mouvement, qui compte plus de 60 000 membres. « Nous sommes attachés à nos
revendications justes pour la dignité, la démocratie et la justice sociale, par
des moyens pacifiques. Nous appelons les citoyennes et les citoyens à
manifester pacifiquement dans tout le Maroc pour protester contre ce projet qui
ne remplit pas les conditions d’une Constitution démocratique », affirme le
mouvement.
Maha Salem