Yémen .
Le président Ali Abdallah Saleh s’agrippe encore au pouvoir
malgré les pressions incessantes de la communauté
internationale pour une transition politique.
La fuite en avant de Saleh
La
situation est de plus en plus grave. Le Yémen est ébranlé
par une rébellion au nord, des demandes séparatistes au sud
et la menace d’Al-Qaëda à l’est. Les généraux opposés à Ali
Abdallah Saleh accusent le président yéménite d’avoir livré
une province du sud aux groupes armés afin d’agiter
l’épouvantail d’Al-Qaëda et de continuer à bénéficier d’un
soutien international. Ils accusent Saleh de vouloir «
scinder l’armée yéménite » et appellent les unités encore
fidèles au chef de l’Etat à rallier la contestation. Des
éléments armés qui seraient liés à Al-Qaëda ont pris le
contrôle de Zinjibar, principale ville de la province
sudiste d’Abyane, à l’issue de combats avec les forces
gouvernementales ayant fait 18 morts. Dans un communiqué,
ces officiers, dont le général Ali Mohsen Al-Ahmar, rallié à
la contestation de mars dernier, accusent le chef de l’Etat
d’avoir livré la province d’Abyane aux groupes terroristes
armés.
Avis partagé par l’opposition parlementaire. Dans un
communiqué, le Forum commun, coalition de l’opposition, a
accusé le président Saleh d’avoir « livré Zinjibar aux
groupes armés qu’il a formés et armés, afin de continuer à
utiliser l’épouvantail d’Al-Qaëda pour effrayer la
communauté internationale. C’est un complot criminel
de Ali Abdallah Saleh qui doit partir immédiatement »,
assure le communiqué.
Faisant la sourde oreille, M. Saleh, qui refuse de
démissionner malgré une vague de contestation populaire
contre son régime, avait affirmé, la semaine dernière, que
le réseau d’Al-Qaëda, bien implanté dans le sud du Yémen,
gagnerait en puissance après son départ. Une déclaration qui
inquiète la communauté internationale. Cette dernière
renforce sa pression sur le président Saleh pour accepter le
plan des monarchies du Golfe après 33 ans à la tête du
Yémen. Quant aux pays du G8, ils ont au terme de leur
sommet, pressé le président yéménite à « respecter ses
engagements » en faveur d’une transition démocratique, selon
la déclaration finale du sommet. Selon ce dernier, le G8 a
apporté son soutien aux efforts des monarchies du Golfe et à
un processus inclusif qui doit permettre des réformes
politiques et sociales au Yémen et conduire à une transition
pacifique et ordonnée. De son côté, le haut commissariat des
Nations-Unies pour les droits de l’homme a dit craindre que
les autorités yéménites ne plongent le pays dans « une
guerre civile en réprimant dans le sang des manifestations
pacifiques ».
D’un autre côté, la contestation populaire à M. Saleh a pris
un nouveau tournant avec les premiers combats armés dans la
capitale yéménite entre troupes fidèles au chef d’Etat et
partisans d’un des plus puissants chefs tribaux du pays,
Sadek Al-Ahmar, chef de la tribu des Hached. Ces
affrontements ont fait en trois jours au moins 44 morts,
selon des sources des deux camps. Selon des sources
tribales, les combats opposent la Garde nationale à des
membres de la tribu d’Arhab, dirigée par l’influent chef
islamiste, cheikh Abdel-Majid Zendani, accusé par Washington
de soutenir le terrorisme. Les partisans du cheikh Ahmar,
devenu la bête noire du régime depuis qu’il s’est rallié à
la contestation de mars dernier, ont pu prendre le contrôle
du siège de l’agence de presse officielle qui a toutefois
continué à diffuser des informations officielles. Ils ont
aussi pris le contrôle de la compagnie aérienne nationale
Yemenia, selon un haut responsable. Les tribus avaient
commencé à basculer dans l’opposition en février dernier.
Face à la recrudescence des violences, de nombreux habitants
ont fui la capitale où se multiplient les coupures
d’électricité et d’eau.
Sauver l’économie
Sur la place de l’Université, épicentre de la contestation
lancée fin janvier dernier, des manifestants qui campaient
en permanence depuis des mois ont voulu se joindre aux
partisans du cheikh Ahmar. Les combats ont été provoqués par
les partisans de M. Saleh, qui a choisi la fuite en avant,
après avoir refusé de signer un plan de sortie de crise
proposé par les monarchies arabes du Golfe. « Le président
yéménite s’accroche bec et ongles au pouvoir. Il ne veut pas
céder et il tente de gagner du temps en laissant le chaos et
la violence planer sur le pays. Il croit que les monarchies
arabes vont changer le plan pour qu’il reste en poste »,
explique Ibrahim Abdel-Qader, analyste au Centre des Etudes
Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Le plan du CCG
prévoit la formation par les opposants d’un cabinet de
réconciliation et la démission un mois plus tard de Saleh en
échange de l’immunité pour lui et ses proches, puis la tenue
d’une élection présidentielle dans les 60 jours.
Les pays du Golfe voulaient sauver l’économie du pays
paralysée complètement après trois mois de manifestations
contre le régime et une crise politique, sans espoir d’issue
rapide. Certains analystes prévoient un effondrement de
l’économie du Yémen si la situation perdure.
Les protestations à travers le pays paralysent l’activité
économique, creusent le déficit budgétaire et empêchent une
aide extérieure. L’effet est visible avec la diminution de
l’approvisionnement en produits pétroliers après le
sabotage, en avril dernier, par des hommes armés des tribus
du sud d’un oléoduc, causant selon les spécialistes des
pertes de 300 à 400 millions de dollars par mois. Déjà, la
crise économique était l’une des raisons qui ont poussé les
Yéménites à descendre dans la rue. Quelque 40 % des 23
millions de Yéménites vivent avec moins de 2 dollars par
jour et le tiers souffre de malnutrition, selon les
organismes économiques internationaux.
Maha
Salem