Al-Ahram Hebdo, Afrique |  Issayas Afeworki, « Le partenariat doit reposer sur un échange commercial et des investissements »

  Président
Labib Al-Sebai
 
Rédacteur en chef
Hicham Mourad

Nos Archives

 Semaine du 1er au 7 juin 2011, numéro 873

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Livres

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Afrique

Erythrée . Le président Issayas Afeworki fait le point sur le nouvel ordre mondial, suite aux révolutions ayant secoué le monde arabe, et l’état déplorable du continent africain.

« Le partenariat doit reposer sur
un échange commercial et des investissements »

Al-Ahram Hebdo : Quelle lecture faites-vous des révolutions qui secouent le monde arabe pour instaurer la démocratie ?

Issayas Afeworki : Je ne les appelle pas révolutions, mais explosions pour certaines raisons. Cependant, nous ne pouvons pas généraliser. L’Egypte n’est pas la Tunisie, ni Bahreïn, ni la Libye ni les autres pays arabes. Chaque pays a sa propre réalité. Les événements de l’Egypte étaient un résultat accumulatif de 40 ans. L’Egypte était visée internationalement, et le pouvoir corrompu était une réalité. Il ne faut quand même pas ignorer le rôle régional et international qui a contribué à la création de cette réalité qui a entraîné en fin de compte l’explosion. La situation économique précaire qui s’est accumulée au fil des décennies a engendré un état que les gens ont appelé à tort une révolution, faute de programme clair et de dirigeants de ce mouvement. Ce qui est survenu est assimilé à une explosion spontanée à cause d’accumulations, manipulées par un nombre de pays qui ont joué un rôle non seulement tout au long des 30 ans de l’investiture de Moubarak, mais ceux qui étaient motivés par des objectifs qui se sont joués sur 40 ans au cours desquels l’Egypte s’est engagée dans des guerres et a dû affronter des problèmes qui ont fait d’elle une véritable force régionale. Les tentatives de détruire l’Egypte ne se faisaient pas uniquement de l’intérieur. Si le moment des comptes est venu, il faut les demander également aux forces régionales et internationales qui ont créé ces conjonctures.

— Voulez-vous éclaircir plus le rôle du facteur extérieur ?

— L’Egypte a pendant longtemps souffert d’une distribution inégale de ses richesses et d’un contrôle abusif d’une minorité aux dépens d’une large majorité. Les questions sont : qui soutenait cette force minoritaire et quel est ce gouvernement qui a engendré tout cela ? Il faut d’abord parler des origines de ces crises, de cette explosion et de ce chaos. Ce régime jouissait du parrainage de tous les pays qui le taxent aujourd’hui de dictature et de dilapideur de fonds. Où étaient ces forces, ces banques américaines, européennes et les investisseurs de ce qu’on appelle le secteur privé mondial, alors qu’ils sont eux-mêmes impliqués dans ces vols ? La privatisation et la destruction de l’économie et l’agriculture égyptiennes n’ont pas été accomplies par les Egyptiens uniquement. Il faut étudier ces données avec soin si le véritable objectif est de changer la réalité et pour que l’Egypte occupe la place qu’elle mérite loin du chaos qui règne actuellement. Ceux qui ont été surpris par l’explosion tentent de créer un chaos, afin d’avoir le temps de planifier et de réarranger les situations. Tout le monde doit en être conscient. L’Egypte n’est pas la propriété des Egyptiens uniquement, mais de toute la région.

— Ces forces sont-elles derrière la crise confessionnelle actuelle ?

— C’est clair et net. Il est complètement illogique de voir en Egypte des clivages ou des problèmes entre musulmans et coptes. Tout le monde doit se tenir sur ses gardes pour ne pas tomber dans ce piège.

— Qu’attendez-vous de la nouvelle Egypte après la révolution, que ce soit au niveau de son rôle régional ou international ?

— Il est inquiétant que cette explosion soit survenue sans organisation, objectif, stratégie ou commandement. Par conséquent, le fait de traiter avec ces phénomènes d’une manière spontanée n’est pas la solution. Nous guettons pour voir si cette spontanéité sera bridée et organisée et pourra dessiner les aspects de l’avenir ou non.

— Pour ce qui est des relations bilatérales entre nos deux pays, comment les voyez-vous après la révolution et les accusations qui se sont multipliées quant au recul du rôle de l’Egypte tournée vers l’Afrique ?

— Même les Egyptiens disaient que la boussole de l’Egypte avait dérivé vers le Nord, ignorant la situation au Soudan, dans le bassin du Nil et en mer Rouge. Maintenant, les Egyptiens sont en quête de la bonne orientation. D’ailleurs, nous portons notre jugement sur la réalité et non pas sur les espérances.

— Comment l’Erythrée s’apprête-t-elle aux vents de changement et qu’en est-il du pluralisme ?

— Nous sommes au cœur du Moyen-Orient mais nos potentiels sont limités. Une coopération entre nos deux pays sera certes fructueuse loin des ingérences et des séditions externes.

Quant au pluralisme, c’est un simple produit utilisé pour démanteler les sociétés, bien que ceci ne veuille pas dire que nous ne voulons pas de démocratie. Nous ne voulons certes pas de sédition à l’instar de celle entre les musulmans et les coptes. Les revirements internes concernent seulement les peuples et non pas les forces étrangères.

— Que pensez-vous de la réaction de la communauté internationale envers les soulèvements des peuples ?

— La communauté internationale était-elle uniquement formée de l’Amérique et de l’Europe ? Où sont la Chine, le Brésil, l’Allemagne et l’Inde ? Ces forces ne sont-elles pas celles qui mènent le nouvel ordre mondial ? Et où sont l’Afrique, l’Amérique Latine et l’Asie ?

— Vous aviez dit auparavant qu’il n’y a pas d’alternative à l’unité du Soudan. Comment allez-vous traiter avec le nouveau gouvernement ?

— Nous sommes toujours convaincus qu’une erreur humaine est intervenue, mais nous avons communiqué avec le mouvement populaire pendant plus de 20 ans. Nous avons sympathisé avec le droit à l’autodétermination du Sud et nous avons toujours espéré que la marginalisation du Sud prendrait fin.

— Puisque vous parlez d’un voisinage sûr, quelle est votre relation avec le voisin éthiopien ?

— Il n’y a aucun problème actuellement. Les litiges précédents étaient dus aux problèmes de frontières et du report injustifié d’un règlement suite à l’arbitrage. Il n’y a pas nécessité qu’un pays occupe les territoires d’un autre et qu’il compte sur des forces étrangères pour créer des problèmes. Il s’agit là d’une partie de jeu pour diviser la région et générer des séditions entre peuples et pays.

— 20 ans après l’indépendance, comment voyez-vous l’avenir de votre pays, à l’heure où les observateurs prévoient un essor économique ?

— L’avenir est prometteur. Les 20 dernières années, nous avons posé les fondements du développement économique durable : en agriculture, en infrastructures, en la distribution de la richesse et en opportunités pour les citoyens.

— Que pensez-vous des organisations internationales existantes ?

— La dépendance quant aux institutions mondiales représente un fardeau pour l’économie. Nous n’avons pas besoin de donations. Nous comptons sur notre propre potentiel. Le fait de compter sur les autres a marginalisé le continent quant à l’économie mondiale. Lorsque les organisations accroissent en nombre, les crises économiques et politiques ne font que se multiplier. La coopération est le pilier de notre économie à une étape donnée, ensuite vient celle d’investir pour bâtir un développement économique solide à l’avenir. En effet, notre région n’a pas besoin d’aides et les ressources et potentiels peuvent tout régler.

— A votre sens, les partenariats de l’Afrique avec le Japon, l’Europe et la Chine sont de pure forme ?

— Effectivement, il s’agit de partenariats de pure forme. Le partenariat doit reposer sur un échange commercial et des investissements. Mais, en réalité, ils se limitent à des aides humanitaires à un continent marginalisé. Un vrai partenariat signifie ventes et achats pour l’Afrique ainsi qu’un surplus commercial, autrement, on serait plutôt devant une relation inégale.

— Comment voyez-vous le monde après la mort de Bin Laden ?

— Ils ont fait d’Al-Qaëda une  organisation, un « épouvantail » pour se doter de prétextes pour l’ingérence. Al-Qaëda est devenue un problème mondial associé à la peur qu’elle véhiculait surtout au Moyen-Orient possédant plus de 60 % des ressources en énergie. La présence ou absence de Bin Laden n’est pas une cause fondamentale et les gens doivent regarder au-delà de ce niveau.

Propos recueillis par Marwa Tewfik

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah -Thérèse Joseph
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.