La reconnaissance envers la révolution
Abdel-Azim
Hammad
Nombreux
en Egypte comme à l’étranger qui sont d’accord sur le fait
que le plus beau dans la révolution de janvier 2011 est le
fait qu’elle n’a été commandée par personne, que ce soit une
organisation ou une idéologie. Dans ce sens, elle a été la
révolution de tout un peuple, y compris les forces armées.
Les spécialistes en politique et en sociologie la
définissent comme la révolution du postmodernisme. Mais il
faut cependant reconnaître que ce point fort de la
révolution peut se transformer en un point faible très
dangereux pour l’avenir de notre pays.
Le problème n’est pas celui des révolutionnaires qui
représentent en fin de compte le peuple égyptien, toutes
tendances confondues. Il ne réside pas non plus dans les
revendications des forces populaires adoptées par les forces
armées et le gouvernement, ayant composé plus tard le projet
politique de la révolution et que l’on peut résumer dans la
mise en place d’un Etat démocrate, moderne et développé
économiquement. Le véritable problème est la manipulation
par certaines forces de cette faiblesse et les prémices se
sont déjà fait sentir. Nous voyons de nos propres yeux les
tentatives d’épuiser l’énergie de la révolution ainsi que
les ressources économiques et politiques de l’Etat. Ainsi,
c’est l’harmonie de la société qui est compromise par des
causes secondaires d’ordre confessionnel, criminel ou encore
par les revendications de certaines tranches sociales. En
effet, le danger imminent menaçant l’avenir du pays est la
chute économique qui se profile à l’horizon.
Les récents événements au gouvernorat de
Qéna confirment mes propos et
entraînent le pays sur une voie épuisant ses ressources et
avortant le projet authentique de la révolution. Il y a
également les événements d’Abou-Qorqas
à Minya, qui sont un phénomène
parmi tant d’autres d’ordre confessionnel, lorsque les
salafistes ont encerclé la
cathédrale de Saint-Marc suite à
des conversions religieuses. Cela est intervenu à un moment
où le projet civil et démocratique de la révolution est le
véritable remède à long terme de ces problèmes, à condition
de lui donner la chance
d’aboutir.
L’autre imminent danger émane de ceux qui étaient silencieux
avant la révolution. Maintenant, ils saisissent la balle au
bond et veulent imposer un projet, allant totalement à
l’encontre de celui figurant sur l’agenda du 25 janvier,
c’est la mise en place d’un Etat religieux. Les adeptes de
cette tendance sont même allés jusqu’à menacer d’imposer cet
Etat par la force, bien que la révolution ait ancré le
principe réfutant l’évincement d’un quelconque courant,
organisation ou même individu.
Un état de fait qui est accompagné d’un vide politique
complet et d’un vide sécuritaire relatif sur lequel nous
n’avons plus besoin maintenant de nous attarder.
Mais le problème réside véritablement dans le vide politique
qui nécessite un intérêt particulier et de vraies solutions.
Il faut dire que l’élite politique reste désorganisée et
fait du bruit dans l’espace médiatique en l’absence de toute
action influente. Si nous avons pu remarquer l’absence de
cette élite à Qéna, nous voyons
qu’elle reflète un modèle stéréotypé d’absences à tous les
niveaux, laissant le champ libre à d’autres organisations
non convaincues par le projet civil et démocratique de la
révolution du 25 janvier. Un modèle qui se répétera tant que
l’élite continuera sur cette voie et tant qu’elle ne
rassemblera pas symboles, partis et organisations syndicales
et civiles sous une même ombrelle par le biais d’une
conférence. Celle-ci poserait les fondements d’une charte
populaire dans la période transitoire et prendrait soin de
se focaliser d’une manière claire et sans équivoque sur les
engagements de la société avant même ceux du gouvernement.
La charte devrait également définir les lignes rouges dans
la concurrence et les débats politiques. Un rassemblement
qui donnerait lieu à un mécanisme de travail susceptible de
relever toutes les infractions et de garantir la couverture
juridique nécessaire pour mener à bien ce projet.
Si nous voulons parler du spectre de la chute économique, il
suffit de le résumer à quelques indices. Tout d’abord, pour
satisfaire les besoins du pays, il faut puiser 3 milliards
de dollars mensuellement dans les réserves monétaires, à
l’heure où les ressources en devises reculent en raison de
la stagnation du secteur touristique et la régression des
transferts des Egyptiens résidant à l’étranger. N’oublions
pas que le retour de milliers, voire de millions d’Egyptiens
de Libye et d’autres pays arabes en révolte complique la
situation sur le marché du travail, que ces gens essayeront
d’intégrer. Bien entendu, le déficit de la balance des
paiements ira en s’aggravant, et en réaction, le déficit
budgétaire ne fera que s’élargir et le taux de croissance
diminuera à moins de 3 %.
Il faut noter aussi que ce qui est publié sur les aspects
négatifs de la conjoncture économique et l’instabilité
politique en Egypte aura des répercussions négatives sur les
investissements étrangers. Le maigre espoir réside en effet
dans l’amélioration de la situation interne, politique,
économique et sécuritaire avant la tenue de la conférence de
Londres prévue dans trois semaines, pour soutenir l’économie
égyptienne et dynamiser les investissements étrangers
directs.
Si nous menons une relecture attentive de ce qui a été
mentionné, nous constaterons que les dangers guettant la
révolution et la patrie ne sont pas le fruit de la
révolution mais l’œuvre de forces bien déterminées ou encore
d’erreurs que l’on peut facilement contourner.
Il nous incombe donc d’éprouver de la gratitude tant envers
la révolution qu’envers ceux qui l’ont déclenchée. Non
seulement en cessant ces pratiques nocives mais en faisant
en sorte de ne pas basculer dans l’impasse du déchirement et
de la faillite économique et morale.