Médias .
Dans un état des lieux d’avant la révolution égyptienne,
Noha Mellor
analyse l’information sur les chaînes arabes, entre
protocole, censure et autocensure. Un sujet qui reste
d’actualité.
Dans la cuisine arabe de l’information
La production de l’information dans les médias arabes dresse
le portrait des différents journaux dans le monde arabe,
d’avant les révolutions du printemps, en plus des
différentes chaînes de télévision d’information prospérant
dans la région. Le livre compte de nombreuses remarques
intéressantes qui décrivent le statut schizophrénique des
médias arabes dans différents pays. Il note par exemple le
décalage existant en Syrie entre le bon niveau technique
développé dans la représentation de la fiction des
feuilletons de télévision et le style retenu archaïque et
complaisant dans la présentation de l’information des
médias. Ce décalage semble être un témoin de l’autocratie
régnante et du manque de démocratie en Syrie.
Un autre décalage peut être constaté sur un autre niveau,
même dans les pays arabes où la production de l’information
journalistique semble être de la même qualité que dans les
pays développés, avec le problème de la censure et de
l’autocensure. Ainsi critiquer l’émirat de Qatar ou son
émir, malgré l’avancée considérable que représente la chaîne
d’information Al-Jazeera, est
inexistant. Dans cet émirat, où l’Etat joue un rôle
important dans la délivrance des permis de travail, la
critique des autres régimes arabes est monnaie courante,
tandis que cette soif pour la démocratie, affichée par les
présentateurs et animateurs de la chaîne, s’arrête aux
portes de l’émirat. Dans l’inventaire, inclus dans le livre,
de la classification des libertés dans le monde arabe, le
Koweït s’avère le seul pays arabe où les médias profitaient
d’une relative liberté.
Hégémonie de l’Etat
L’Egypte est placée dans le livre dans une classification
qui a prédit le changement. La presse et les médias d’Egypte
ont ainsi été au seuil du déclenchement d’une révolution.
Elle traversait une étape provisoire
provenant de la logique de l’hégémonie de l’Etat, très
efficace à l’époque de Nasser à travers la radio du Caire,
porte-parole du panarabisme, traversant les époques jusqu’à
se retrouver dans un contexte de « laisser-faire médiatique
» dans quelques médias de propriété privée, combinés avec la
censure et l’autocensure dans les médias d’Etat ou sous
contrôle de ce dernier. Pendant des décennies, la presse
égyptienne a été, reste peut-être encore partiellement, sous
l’emprise d’informations protocolaires où figurent les
rencontres du chef de l’Etat et des dirigeants politiques
avec leurs homologues et les visiteurs étrangers. Avec une
forte importance donnée à la photo de la rencontre sans
vraiment creuser dans le sens de la visite, l’objectif et
les enjeux des rencontres. Et sans vraiment situer non plus
les rencontres du chef d’Etat ou des responsables politiques
dans leurs contextes politiques ou socioculturels. Ainsi,
les lecteurs égyptiens sont habitués à la photo de leur
président avec les leaders ou les dirigeants étrangers, sans
vraiment savoir quoi que ce soit de précis sur l’entretien
lui-même ou les conséquences et motifs de la visite. Comme
si les lecteurs étaient en manque de maturité politique ou
d’intérêt pour connaître l’essence de l’événement. Les
médias couvraient les activités de la présidence de la
république comme si ce qui se passait dans les entretiens
tombait dans le domaine du privé et de la vie personnelle.
Le livre s’intéresse à la question de la langue et du
langage, précisant qu’on ne peut pas considérer que le monde
arabe parle la même langue. Noha
Mellor explique que les
dialectes dans le monde arabe sont les véritables langues
maternelles. Ainsi considéré, l’idée des journaux de langue
arabe diffusés dans le monde entier comme des titres
internationaux n’est qu’un mythe, puisqu’ils ne sont que des
parutions pour la diaspora et les arabophones et non des
journaux d’influence internationale.
Le livre peut être considéré comme référence en sciences de
l’information et de la communication, malgré les quelques
erreurs comme celles de dire que lord Cromer était un
Français.
Amr
Zoheiri