Syrie.
Le Baas, au pouvoir en Syrie, a renoncé suite aux coups
d’Etat qui ont amené la dynastie Al-Assad aux notions de
démocratie et s’est érigé en parti unique.
Un parti qui a trahi ses principes
Le
Parti-nation, et le Parti-Etat. C’est le paradoxe dans
lequel a vécu le parti Baas pendant cinq décennies à la tête
du pouvoir en Syrie. Ce parti a traversé un long parcours
commençant par préconiser l’idée du nationalisme pour s’en
tenir à consolider un régime autoritaire à Damas.
Il s’agit du plus ancien parti politique dans tout le
Machreq. C’est dans un café à Damas, le 7 avril 1947, que
Michel Aflak, un chrétien orthodoxe, et Salaheddine Bitardu,
un musulman sunnite, avec une équipe de jeunes nationalistes
arabes, qu’ils ont déclaré officiellement la création du
parti Baas arabe socialiste. Le mot Baas veut dire
renaissance, d’où le lien avec la notion de progrès. Dans sa
charte, on parle d’« une seule nation arabe avec une mission
éternelle ». Autrement dit, l’idéologie du parti Baas est
donc la réalisation de l’unité arabe, à travers la
suppression des frontières tout en permettant la mise en
commun des ressources de chaque pays.
En 1953, le Baas fusionne avec le Parti socialiste arabe
d’Akram Houarani et se rebaptise Parti Baas arabe
socialiste. Il crée des sections en Transjordanie, au Liban
et en Iraq. En 1958, la Syrie et l’Egypte décident de s’unir
en un seul Etat, en créant ainsi la République Arabe Unie
(RAU). Cette République, connaissant un grand échec, est
dissoute en 1961, et par la suite, le parti Baas vit dans
une longue crise interne. Il entre ensuite dans une phase de
clandestinité et prend ses distances avec Nasser, mais aussi
avec le dogme de l’unité arabe.
Mais il accède au pouvoir en Iraq et en Syrie respectivement
en février et en mars 1963. Arrivé au pouvoir dans ces deux
grands Etats arabes, le baasisme a entamé son déclin comme
idéologie.
Le parti Baas multiplie en Syrie ses critiques contre la
démocratie libérale. En parallèle, il épargne les militaires
qui imposent leur domination d’appareil. Hafez Al-Assad,
Noureddine Al-Atassi et Salah Jdid forment un coup d’Etat en
février 1966 et éliminent leurs rivaux. Et les fondateurs du
parti, à commencer par Michel Aflak, prennent le chemin de
l’exil. En 1970, Hafez Al-Assad devient président après un
coup d’Etat et consacre le monopole du pouvoir par les
militaires et de la minorité alaouite, qui est de confession
chiite.
A l’image du PND égyptien
Depuis son accession au pouvoir en Syrie, le parti Baas
domine incontestablement la scène politique du pays. C’est,
en fait, une véritable confusion entre appareil d’Etat et
parti politique. Sa suprématie est inscrite dans la
Constitution de 1973, qui l’a consacré comme « le parti
dirigeant de l’Etat et de la société ». La Constitution
donne explicitement au parti Baas la fonction de parti
dominant, avec la majorité simple des sièges au Parlement et
offre au président de très larges pouvoirs. En effet, le
parti Baas détient la majorité des 2/3 dans le Parlement
syrien qui compte 250 membres, le reste des sièges, 83, est
occupé par des députés indépendants.
Ici, les choses ont changé. L’unité, la liberté, le
socialisme, les trois composantes de son idéologie
n’existent plus dans son dictionnaire. Durant les 30 ans du
règne de Hafez Al-Assad et les 10 ans de son fils Bachar, le
pluralisme politique et le principe d’alternance au pouvoir
sont toujours absents.
Officiellement parlementaire et laïque, la République
syrienne est censée être ouverte au multipartisme. Mais
seuls sont tolérés les partis qui composent le « Front
national progressiste », une coalition de plusieurs
formations autorisées par le parti Baas. Les véritables
partis d’opposition prônant la démocratie sont réduits au
silence. Des répressions, des intimidations, des
arrestations arbitraires et de longues peines de prison sont
toujours exercées contre ces partis.
Dans le pays, les décisions sont prises dans le cercle
baasisto-alaouite du président et des services de sécurité,
la population a un pouvoir électoral très restreint.
Ce n’est pas tout. L’adhésion au parti est fortement
conseillée aux Syriens qui veulent accéder à un certain
niveau de responsabilité dans la fonction publique. Ce qui
explique le grand nombre de ses membres qui comptent environ
un million et un demi-million de personnes, dont un
demi-million sont des membres actifs. Pourtant, les
responsables au pouvoir sont pour la plupart issus parmi les
Alaouites. Ils détiennent notamment l’essentiel des
postes-clès de l’armée et des services de sécurité tels que
les commandants des renseignements militaires, des services
de la sécurité spéciale, de la sécurité politique, de la
sécurité intérieure et des forces spéciales.
Bachar Al-Assad, qui a hérité le pouvoir en 2000 suite à la
mort de son père, a peu à peu vidé ce parti de son
idéologie. Il suffit de rappeler que la conférence nationale
de juin 2005 a adopté des politiques économiques qui sont en
contradiction avec les principes du parti. En effet, le
slogan du socialisme adopté par le parti Baas a chuté en
adoptant l’abandon progressif du socialisme au profit d’une
ouverture économique. Les aides publiques sont réduites en
vue d’arriver à la libéralisation. Par conséquent, la
corruption et le chômage ont régné.
Aujourd’hui, le parti Baas, qui a pris l’habitude en ce mois
d’avril de fêter l’anniversaire de sa fondation, se trouve
obligé de changer de plan. Pour son 64e anniversaire qu’il
devait célébrer cette année, les choses sont différentes et
les célébrations ne se font plus entendre face à ces fortes
vagues de protestations.
Chaïmaa Abdel-Hamid
Aliaa Al-Korachi