Hôpitaux.
Suite à des attaques contre certainsde ces établissements
publics, ayant provoqué une panique chez les patients, les
Forces armées vont désormais prendre en charge leur sécurité
en attendant que la police revienne en force.
L’armée en renfort
« On va tirer sur n’importe quel baltagui qui oserait
s’attaquer à un hôpital public », avertit le ministre de la
Santé, Dr Achraf Hatem, lors d’un séminaire organisé cette
semaine à Alexandrie. « On va aussi mettre à la disposition
des citoyens un numéro spécial, le 123, pour recueillir les
plaintes émanant des hôpitaux. On va, en outre, cerner les
grands hôpitaux dans les différents gouvernorats, dont 54 se
trouvent au Caire, et quadrupler le nombre des agents de
police et de soldats pour les protéger contre toute attaque
», poursuit Dr Achraf Hatem.
Un nombre important d’hôpitaux publics au Caire, dont ceux
de Qasr Al-Aïni, de Aïn-Chams, d’Al-Hussein, d’Ahmad Maher,
d’Oum Al-Masriyine, d’Al-Mounira, d’Al-Sahel et l’hôpital
général de Ras Sedr, ont été attaqués par des personnes
armées. Beaucoup d’autres, dans différents gouvernorats, ont
connu le même sort, à l’exemple de l’hôpital d’Al-Ahrar à
Charqiya et celui de Port-Fouad dans le gouvernorat de
Port-Saïd. Ces attaques à main armée ont provoqué une vague
de frayeur et mis en danger la vie des patients, médecins et
infirmières. Ces agressions ont causé au moins trois morts
et une centaine de blessés dont des médecins et des
infirmières.
La même scène se répète depuis la révolution du 25 janvier.
Il était tout juste 13h30 quand une bande de voyous a
assailli l’hôpital de Matariya al-taalimi, situé dans un
quartier populaire au nord-est de la capitale. Ils étaient
20 au départ et peu de temps après, le nombre a augmenté
pour atteindre les 200. Certains ont pénétré l’hôpital en
motos et microbus, d’autres en tok-toks. Les baltaguis ont
ensuite escaladé les murs en prenant appui sur les
canalisations d’eau, provoquant ainsi un état de frayeur
dans tout l’hôpital. Munis de couteaux, de fusils de chasse,
de matraques, ces voyous ont commencé à briser les vitres,
casser les portes, à jeter par terre tous les équipements
médicaux estimés à 100 000 L.E. Certains n’ont pas hésité à
voler des médicaments. D’autres, tenant des épées,
n’hésitaient pas à menacer les médecins, leur ordonnant de
continuer leur travail.
Affolées, les infirmières couraient dans tous les sens pour
leur échapper et sortir de l’hôpital. Une infirmière a été
poignardée dans le dos. Une autre a reçu un coup de crosse à
la nuque. Un médecin a été frappé à mort par un baltagui.
Ces voyous n’ont pas hésité à mettre sens dessus dessous le
service des soins intensifs. « On s’est caché sous les lits.
D’autres collègues se sont enfermés dans les placards ou
dans les vestiaires. Personne ne pouvait se défendre ni même
crier au secours », se souvient Amal, jeune maman, agressée
par les baltaguis dans le service de gynécologie.
En général, c’est à la suite d’une querelle entre deux
familles que tout se déclenche. Les uns disent qu’une
dispute a éclaté à la place Matariya entre les membres de
deux familles. D’autres racontent que c’est à la suite d’un
vol de vélo, tandis que quelques-uns affirment que c’est une
petite dispute entre deux garçons pour un jeu de cartes qui
a provoqué cette grande bagarre. D’autres confient que c’est
à cause d’un jeune homme qui courtisait une fille de l’autre
famille. Et même si les personnes âgées tentent souvent de
jouer les intermédiaires entre les belligérants, la bagarre
continue et le sang coule la plupart du temps.
L’hôpital pour régler les comptes
Ici, les membres de la première famille se sont dirigés vers
l’hôpital de Matariya, transportant leur fils qui saignait
abondamment. L’autre famille a fait irruption dans le même
hôpital, cherchant à tout prix à se venger. Ce qui explique
pourquoi l’hôpital se transforme dans ces quartiers en champ
de bataille. Cette bagarre a causé un mort des deux côtés.
Le corps-à-corps a continué à l’hôpital et les baltaguis ne
se sont pas gênés pour rentrer dans la salle d’opération,
causant encore une fois la terreur. L’un d’entre eux a lancé
au médecin : « Est-ce que ce patient va être sauvé ? ». Si
le docteur dit « Oui », l’autre lui répond : « Moi, je ne
veux pas qu’il reste en vie ». Et sans hésitation, l’homme
porte un coup d’épée au ventre de l’homme anesthésié.
Ce genre de bagarre est devenu très courant dans les
quartiers populaires. Dans le cas de Matariya, la direction
de l’hôpital a appelé les Forces armées, mais quand les
soldats sont arrivés, il était déjà trop tard.
Et l’hôpital qui est censé soigner les malades et où l’on
effectue des interventions chirurgicales très réussies
devient ainsi un endroit pour le meurtre.
La bagarre qui s’est déclenchée à l’hôpital Samaane Al-Kharraz
au Moqattam a causé la mort de 10 personnes et provoqué 100
blessés. Dans l’hôpital d’Oum Al-Masriyine, situé à Guiza,
il y a eu 4 médecins et des citoyens blessés. Tout cela se
passe à cause de l’absence des agents de sécurité des
hôpitaux. « La vie des patients et la nôtre sont en danger
et on ne peut pas exercer notre travail sous la menace des
armes », note Dr Mahamad Taha, médecin anesthésiste à
l’hôpital d’Oum Al-Masriyine.
Un médecin présent dans le service a demandé à ce qu’on lui
apporte une poche de sang du service de chirurgie, un
baltagui qui était là lui pose la question suivante : «
Ce sang est pour cet imbécile ? C’est pour sauver sa vie ?
Et comme le médecin ne répond pas, l’homme lui a donné un
coup de couteau au pied gauche », affirme Zeinhom,
hospitalisé dans le service de neurochirurgie et qui a
décidé de quitter l’hôpital juste après cet incident grave.
« J’ai vécu les quatre heures les plus dures de ma vie.
C’était la terreur », commente un patient.
Généralement, le personnel médical téléphone aux Forces
armées pour la protection, mais dès que les baltaguis s’en
rendent compte, ils s’enfuient. « Les médecins, les
infirmières et les parents des malades n’étaient pas
tranquilles. Ils ont préféré contacter les membres du comité
populaire de leur quartier de peur que ces gens ne
reviennent », raconte un autre malade, témoin de la scène à
l’hôpital d’Al-Ahrar à Charqiya.
Et comme le phénomène s’est répété dans plusieurs quartiers,
certains hôpitaux ont préféré fermer le service des
urgences. Certains ont décidé d’ouvrir deux jours par
semaine et durant 5 ou 6 heures seulement. D’autres hôpitaux
ont préféré monter la garde à l’entrée pour protéger le
personnel médical et les malades. L’hôpital public de Ras
Sedr a carrément fermé ses portes sine die après avoir été
attaqué par les bédouins. A noter qu’un hôpital comme Qasr
Al-Aïni reçoit plus de 2 000 personnes par jour et un autre
comme celui de Matariya accueille 5 000 par jour. Quant à
Oum Al-Masriyine, il reçoit 1 500 malades par jour et 3 000
cas dans les départements médicaux spécialisés. « S’il y
avait un nombre suffisant d’agents de sécurité, ces brigands
n’oseraient même pas assaillir ces hôpitaux », confie Dr
Magued Moustapha, directeur de l’hôpital d’Ahmad Maher
al-taalimi.
La police absente
Ce genre d’attaque s’est multiplié après la révolution à
cause de l’absence de la police. « Certaines ont même eu
lieu en présence de cette dernière. Au sein de chaque
hôpital, il y avait seulement 5 agents de police et la
majorité faisait appel à des compagnies privées de sécurité
pour recruter des agents de sécurité qui utilisent toutes
sortes d’armes pour protéger les hôpitaux. Un nombre qui
s’avère insuffisant surtout en comparaison avec celui des
baltaguis qui ont attaqué ces derniers temps plusieurs
hôpitaux. Par exemple, dans un quartier comme Matariya, qui
a connu un tas d’incidents lors du soulèvement populaire,
les malfaiteurs continuent d’exploiter ce manque
d’insécurité pour attaquer les dispensaires du quartier »,
précise Dr Safwat Hanna, vice-directeur de l’hôpital de
Matariya al-taalimi.
Dr Riham Ghallab, qui travaille dans le service des soins
intensifs à l’hôpital public de Suez et membre de la
Coalition officielle pour les droits des médecins, a créé
une page sur Facebook intitulée « le Parlement des médecins
». Cette initiative a pour objectif de dénoncer toute
agression qui a lieu contre n’importe quel médecin durant
l’exercice de ses fonctions. Les médecins ont publié sur
Facebook des photos choquantes qui en disent long sur l’état
de panique comme s’il s’agissait de films d’horreur. En
effet, de nombreux internautes ont eu accès à la page
d’accueil de ce groupe pour apporter leurs témoignages et
leurs expériences dans les hôpitaux publics, surtout les
trois derniers mois qui ont succédé la chute de Moubarak.
Il ont aussi appelé le premier ministre, Essam Charaf, ainsi
que le ministre de l’Intérieur, Mansour Al-Essawi, et les
Forces armées pour intervenir rapidement afin de protéger
les médecins, les infirmières et les patients.
Aujourd’hui, tout le monde se pose la question suivante
d’Oum Aymane, mère d’un patient hospitalisé à Matariya : «
L’armée doit-elle être partout et palier l’absence des
agents de police ou doit-on faire appel de nouveau aux
comités populaires pour protéger les hôpitaux comme ce fut
le cas durant la révolution ? ».
Manar
Attiya