Al-Ahram Hebdo, Enquête | L’armée en renfort

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 Semaine du 4 au 10 mai 2011, numéro 869

 

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Enquête

Hôpitaux. Suite à des attaques contre certainsde ces établissements publics, ayant provoqué une panique chez les patients, les Forces armées vont désormais prendre en charge leur sécurité en attendant que la police revienne en force.

L’armée en renfort

« On va tirer sur n’importe quel baltagui qui oserait s’attaquer à un hôpital public », avertit le ministre de la Santé, Dr Achraf Hatem, lors d’un séminaire organisé cette semaine à Alexandrie. « On va aussi mettre à la disposition des citoyens un numéro spécial, le 123, pour recueillir les plaintes émanant des hôpitaux. On va, en outre, cerner les grands hôpitaux dans les différents gouvernorats, dont 54 se trouvent au Caire, et quadrupler le nombre des agents de police et de soldats pour les protéger contre toute attaque », poursuit Dr Achraf Hatem.

Un nombre important d’hôpitaux publics au Caire, dont ceux de Qasr Al-Aïni, de Aïn-Chams, d’Al-Hussein, d’Ahmad Maher, d’Oum Al-Masriyine, d’Al-Mounira, d’Al-Sahel et l’hôpital général de Ras Sedr, ont été attaqués par des personnes armées. Beaucoup d’autres, dans différents gouvernorats, ont connu le même sort, à l’exemple de l’hôpital d’Al-Ahrar à Charqiya et celui de Port-Fouad dans le gouvernorat de Port-Saïd. Ces attaques à main armée ont provoqué une vague de frayeur et mis en danger la vie des patients, médecins et infirmières. Ces agressions ont causé au moins trois morts et une centaine de blessés dont des médecins et des infirmières.

La même scène se répète depuis la révolution du 25 janvier.

Il était tout juste 13h30 quand une bande de voyous a assailli l’hôpital de Matariya al-taalimi, situé dans un quartier populaire au nord-est de la capitale. Ils étaient 20 au départ et peu de temps après, le nombre a augmenté pour atteindre les 200. Certains ont pénétré l’hôpital en motos et microbus, d’autres en tok-toks. Les baltaguis ont ensuite escaladé les murs en prenant appui sur les canalisations d’eau, provoquant ainsi un état de frayeur dans tout l’hôpital. Munis de couteaux, de fusils de chasse, de matraques, ces voyous ont commencé à briser les vitres, casser les portes, à jeter par terre tous les équipements médicaux estimés à 100 000 L.E. Certains n’ont pas hésité à voler des médicaments. D’autres, tenant des épées, n’hésitaient pas à menacer les médecins, leur ordonnant de continuer leur travail.

Affolées, les infirmières couraient dans tous les sens pour leur échapper et sortir de l’hôpital. Une infirmière a été poignardée dans le dos. Une autre a reçu un coup de crosse à la nuque. Un médecin a été frappé à mort par un baltagui. Ces voyous n’ont pas hésité à mettre sens dessus dessous le service des soins intensifs. « On s’est caché sous les lits. D’autres collègues se sont enfermés dans les placards ou dans les vestiaires. Personne ne pouvait se défendre ni même crier au secours », se souvient Amal, jeune maman, agressée par les baltaguis dans le service de gynécologie.

En général, c’est à la suite d’une querelle entre deux familles que tout se déclenche. Les uns disent qu’une dispute a éclaté à la place Matariya entre les membres de deux familles. D’autres racontent que c’est à la suite d’un vol de vélo, tandis que quelques-uns affirment que c’est une petite dispute entre deux garçons pour un jeu de cartes qui a provoqué cette grande bagarre. D’autres confient que c’est à cause d’un jeune homme qui courtisait une fille de l’autre famille. Et même si les personnes âgées tentent souvent de jouer les intermédiaires entre les belligérants, la bagarre continue et le sang coule la plupart du temps.

L’hôpital pour régler les comptes

Ici, les membres de la première famille se sont dirigés vers l’hôpital de Matariya, transportant leur fils qui saignait abondamment. L’autre famille a fait irruption dans le même hôpital, cherchant à tout prix à se venger. Ce qui explique pourquoi l’hôpital se transforme dans ces quartiers en champ de bataille. Cette bagarre a causé un mort des deux côtés. Le corps-à-corps a continué à l’hôpital et les baltaguis ne se sont pas gênés pour rentrer dans la salle d’opération, causant encore une fois la terreur. L’un d’entre eux a lancé au médecin : « Est-ce que ce patient va être sauvé ? ». Si le docteur dit « Oui », l’autre lui répond : « Moi, je ne veux pas qu’il reste en vie ». Et sans hésitation, l’homme porte un coup d’épée au ventre de l’homme anesthésié.

Ce genre de bagarre est devenu très courant dans les quartiers populaires. Dans le cas de Matariya, la direction de l’hôpital a appelé les Forces armées, mais quand les soldats sont arrivés, il était déjà trop tard.

Et l’hôpital qui est censé soigner les malades et où l’on effectue des interventions chirurgicales très réussies devient ainsi un endroit pour le meurtre.

La bagarre qui s’est déclenchée à l’hôpital Samaane Al-Kharraz au Moqattam a causé la mort de 10 personnes et provoqué 100 blessés. Dans l’hôpital d’Oum Al-Masriyine, situé à Guiza, il y a eu 4 médecins et des citoyens blessés. Tout cela se passe à cause de l’absence des agents de sécurité des hôpitaux. « La vie des patients et la nôtre sont en danger et on ne peut pas exercer notre travail sous la menace des armes », note Dr Mahamad Taha, médecin anesthésiste à l’hôpital d’Oum Al-Masriyine.

Un médecin présent dans le service a demandé à ce qu’on lui apporte une poche de sang du service de chirurgie, un baltagui qui était là lui pose la question suivante : «  Ce sang est pour cet imbécile ? C’est pour sauver sa vie ? Et comme le médecin ne répond pas, l’homme lui a donné un coup de couteau au pied gauche », affirme Zeinhom, hospitalisé dans le service de neurochirurgie et qui a décidé de quitter l’hôpital juste après cet incident grave. « J’ai vécu les quatre heures les plus dures de ma vie. C’était la terreur », commente un patient.

Généralement, le personnel médical téléphone aux Forces armées pour la protection, mais dès que les baltaguis s’en rendent compte, ils s’enfuient. « Les médecins, les infirmières et les parents des malades n’étaient pas tranquilles. Ils ont préféré contacter les membres du comité populaire de leur quartier de peur que ces gens ne reviennent », raconte un autre malade, témoin de la scène à l’hôpital d’Al-Ahrar à Charqiya. 

Et comme le phénomène s’est répété dans plusieurs quartiers, certains hôpitaux ont préféré fermer le service des urgences. Certains ont décidé d’ouvrir deux jours par semaine et durant 5 ou 6 heures seulement. D’autres hôpitaux ont préféré monter la garde à l’entrée pour protéger le personnel médical et les malades. L’hôpital public de Ras Sedr a carrément fermé ses portes sine die après avoir été attaqué par les bédouins. A noter qu’un hôpital comme Qasr Al-Aïni reçoit plus de 2 000 personnes par jour et un autre comme celui de Matariya accueille 5 000 par jour. Quant à Oum Al-Masriyine, il reçoit 1 500 malades par jour et 3 000 cas dans les départements médicaux spécialisés. « S’il y avait un nombre suffisant d’agents de sécurité, ces brigands n’oseraient même pas assaillir ces hôpitaux », confie Dr Magued Moustapha, directeur de l’hôpital d’Ahmad Maher al-taalimi.

La police absente

Ce genre d’attaque s’est multiplié après la révolution à cause de l’absence de la police. « Certaines ont même eu lieu en présence de cette dernière. Au sein de chaque hôpital, il y avait seulement 5 agents de police et la majorité faisait appel à des compagnies privées de sécurité pour recruter des agents de sécurité qui utilisent toutes sortes d’armes pour protéger les hôpitaux. Un nombre qui s’avère insuffisant surtout en comparaison avec celui des baltaguis qui ont attaqué ces derniers temps plusieurs hôpitaux. Par exemple, dans un quartier comme Matariya, qui a connu un tas d’incidents lors du soulèvement populaire, les malfaiteurs continuent d’exploiter ce manque d’insécurité pour attaquer les dispensaires du quartier », précise Dr Safwat Hanna, vice-directeur de l’hôpital de Matariya al-taalimi.

Dr Riham Ghallab, qui travaille dans le service des soins intensifs à l’hôpital public de Suez et membre de la Coalition officielle pour les droits des médecins, a créé une page sur Facebook intitulée « le Parlement des médecins ». Cette initiative a pour objectif de dénoncer toute agression qui a lieu contre n’importe quel médecin durant l’exercice de ses fonctions. Les médecins ont publié sur Facebook des photos choquantes qui en disent long sur l’état de panique comme s’il s’agissait de films d’horreur. En effet, de nombreux internautes ont eu accès à la page d’accueil de ce groupe pour apporter leurs témoignages et leurs expériences dans les hôpitaux publics, surtout les trois derniers mois qui ont succédé la chute de Moubarak.

Il ont aussi appelé le premier ministre, Essam Charaf, ainsi que le ministre de l’Intérieur, Mansour Al-Essawi, et les Forces armées pour intervenir rapidement afin de protéger les médecins, les infirmières et les patients.

Aujourd’hui, tout le monde se pose la question suivante d’Oum Aymane, mère d’un patient hospitalisé à Matariya : « L’armée doit-elle être partout et palier l’absence des agents de police ou doit-on faire appel de nouveau aux comités populaires pour protéger les hôpitaux comme ce fut le cas durant la révolution ? ».

Manar Attiya

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