Diplomatie .
Après avoir parrainé l’accord de réconciliation entre le
Fatah et le Hamas, l’Egypte a annoncé qu’elle maintiendrait
ouvert le terminal frontalier de Rafah, malgré l’opposition
d’Israël.
Le Caire se démarque
Quelques jours après avoir parrainé un accord de
réconciliation entre les frères ennemis palestiniens, le
Hamas et le Fatah, l’Egypte s’apprête à ouvrir de manière
permanente la frontière avec Gaza afin d’alléger le blocus
imposé par Israël à ce territoire. « L’Egypte va prendre des
mesures importantes pour aider à alléger le blocus dans les
jours à venir », a annoncé la semaine dernière le ministre
des Affaires étrangères, Nabil Al-Arabi, sur la chaîne de
télévision Al-Jazeera. Il a précisé que Le Caire
n’accepterait plus que le terminal frontalier de Rafah, le
seul de l’enclave palestinienne qui ne soit pas contrôlé par
Israël, reste bloqué et jugé qu’il était « honteux » de
maintenir fermé ce terminal.
Imposé en juin 2006 à la suite de l’enlèvement d’un soldat
israélien, le blocus de la bande de Gaza a été
considérablement renforcé après la prise de contrôle du
territoire en juin 2007 par le Hamas. L’ancien régime de
Hosni Moubarak était régulièrement accusé de complicité de
fait avec le blocus israélien pour son refus de maintenir le
terminal ouvert, une décision que les autorités égyptiennes
justifiaient en invoquant la lutte contre les trafics de
toutes sortes avec l’enclave palestinienne. Depuis que le
président Moubarak a cédé le pouvoir sous la pression de la
rue le 11 février, les nouvelles autorités du pays ont
desserré l’étau sur le passage de Rafah.
L’Autorité palestinienne, basée en Cisjordanie, comme le
mouvement islamiste Hamas qui contrôle la bande de Gaza, ont
salué la décision égyptienne, tandis qu’Israël a aussitôt
fait part de son inquiétude après cette annonce. « Nous
sommes très inquiets », a réagi un haut responsable
israélien. Ce responsable a souligné qu’Israël était «
troublé par les développements en Egypte, par ces voix qui
appellent à annuler le traité de paix israélo-égyptien, par
le rapprochement entre l’Egypte et l’Iran et par le
rehaussement des relations entre l’Egypte et le Hamas ».
Premier succès
L’Egypte n’a pas tardé à rejeter sur un ton ferme toute
ingérence inadmissible dans ses affaires. « Israël n’a aucun
droit d’ingérence dans la décision d’ouvrir le point de
passage de Rafah, c’est une affaire purement
égypto-palestinienne », a affirmé le général Sami Annan,
vice-président du Conseil suprême des forces armées.
L’Egypte post-Moubarak, qui souhaite retrouver un rôle
régional, érodé sous l’ancien régime, réalise ainsi son
premier succès diplomatique en parrainant l’accord de
réconciliation entre le Fatah et le Hamas signé le mercredi
27 avril. Après plus d’un an et demi de négociations, les
deux principaux mouvements palestiniens ont conclu mercredi
un accord de réconciliation. Ce déblocage est déjà un
rééquilibrage de la politique étrangère égyptienne selon des
analystes, notamment en ce qui concerne la position
vis-à-vis du Hamas traité par le régime de Moubarak en tant
que mouvement terroriste. Moustapha Kamel Al-Sayed,
professeur de sciences politiques à l’Université américaine
au Caire, estime que la « nouvelle » diplomatie égyptienne
est plus concernée par la sécurité nationale de l’Egypte. «
Le conseil militaire a voulu faire d’une pierre deux coups :
d’une part, acquérir une crédibilité aux yeux de la
population en soulignant l’importance du rôle régional de
l’Egypte et l’indépendance de sa décision et, d’autre part,
sécuriser la frontière avec la bande de Gaza ».
De son côté, Emad Gad, spécialiste d’Israël au Centre des
Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, estime
que la révolution du 25 janvier a totalement changé la donne
en ce qui a trait aux relations égypto-américaines et
égypto-israéliennes. « Il y avait un accord tacite entre les
Américains et le régime de Moubarak, en vertu duquel
Washington ferme les yeux sur les violations des droits de
l’homme en Egypte et sur le projet de transmission
héréditaire du pouvoir en échange de quoi Le Caire s’engage
à appliquer la politique américaine concernant le processus
de paix au Proche-Orient et les relations avec Israël. Or,
cette équation n’est plus valable maintenant », explique
Gad. Pour lui, les nouvelles orientations de la diplomatie
égyptienne représentent une « indication de la volonté du
Caire de retrouver son rôle régional qu’elle avait perdu en
raison de l’alignement de sa politique étrangère sur celle
des Etats-Unis et d’Israël ». Tout en excluant toute
intention de l’Egypte d’envisager un changement radical de
sa politique à l’égard d’Israël.
May
Al-Maghrabi