Téléphonie Mobile .
Les trois opérateurs sont confrontés à une saturation
prochaine du marché, ce qui les pousse à s’intéresser
davantage aux services Internet sans fil. Mais la faible
croissance économique pose des obstacles.
Les limites de la nouvelle stratégie
«les
trois sociétés de télécom opérant sur le marché égyptien
envisagent un recul de l’augmentation des lignes de
téléphonie portable et compenseront cette baisse par un
accroissement des investissements relatifs au secteur de
l’Internet », assure Amr Al-Alfi, chef du département des
recherches auprès de la banque d’investissement CI Capital.
Mobinil, Vodafone et Etisalat font face à un ralentissement
dans la croissance des abonnés de portables. La croissance
sera égale à la moitié de celle enregistrée fin 2010.
Ahmad Adel, analyste financier auprès de Naeem Holding,
estime que le recul des abonnements est dû au ralentissement
de l’économie affectée par la révolution : « L’économie
égyptienne est désormais menacée par une récession qui peut
durer plus d’un an, faisant tomber le taux de croissance à
moins de 3 % selon les estimations du ministre des Finances,
Samir Radwan ». Selon le FMI, la croissance pourrait tomber
à moins de 1,5 %.
Le marché des abonnements GSM s’approche de la maturité. Il
atteindra un taux de pénétration de 100 % en 2013, contre 70
% fin 2010, soit 70,6 millions d’abonnés. « Cependant, cela
ne me préoccupe pas, car cette saturation est attendue et
normale. Ce qui est vraiment un sujet de préoccupation,
c’est de savoir comment les opérateurs mobiles seront en
mesure de limiter l’érosion des dépenses moyennes par
utilisateur », note Amr Al-Alfi. Les impacts sur les
opérateurs devraient rapidement se faire sentir, même s’ils
resteront limités.
Mohsen Adel, PDG de Pionners Investments, explique que la
seule solution pour sortir de cette « crise » est de se
diriger vers les services Internet. D’autant plus que la
révolution a eu des effets positifs sur ce secteur,
notamment à travers l’utilisation de plus en plus fréquente
de sites comme Facebook ou Twitter. Les smartphones, qui ont
fait récemment leur apparition en Egypte, sont en effet des
vecteurs importants de l’augmentation de l’utilisation
d’Internet. Encore onéreux et peu accessibles, ils devraient
cependant se généraliser d’ici quelques années.
Effets non négligeables
Le rapport du ministère des Télecommunications et des
Technologies de l’information, publié fin 2010, indique que
le nombre d’internautes a connu une hausse importante
atteignant 7,8 millions d’utilisateurs en 2010, contre 4,7
millions en 2009. La tendance n’est donc pas spécifiquement
liée à la révolution, même si celle-ci a eu des effets non
négligeables. Un autre rapport, issu de Naeem Holding,
prévoit que le nombre d’internautes atteindra 22 millions
fin 2012. Des prévisions qui encouragent les grands
opérateurs à invertir davantage sur ce marché en pleine
croissance et qui est loin d’avoir atteint son seuil maximal
de pénétration. Le succès des smartphones de par le monde
devrait bientôt se faire sentir en Egypte ... et le marché
est encore à prendre.
Pour Vodafone Misr, premier opérateur en nombre d’abonnés
(31,7 millions), 3 milliards de L.E. seront investies pour
moderniser ses réseaux et les rendre plus adaptés à la 3G :
l’Internet accessible depuis les téléphones portables.
Mobinil, second opérateur en Egypte, a déclaré par la voix
de Hassan Qabbani, directeur général, que « la prochaine
période verra une extension ainsi qu’une concentration des
services Internet. Le slogan de la prochaine période sera :
l’Internet est entre les mains de tout le monde, au lieu du
portable entre les mains de tout le monde ». En ajoutant que
l’investissement de Mobinil sera presque équivalent à celui
de Vodafone. Il ajoute que la croissance des services
Internet est plus élevée que celle du portable à ses débuts.
« Ce qui donne à notre société la volonté de se lancer dans
ce secteur ».
Pour être présent dans ce secteur, Mobinil a acheté Link.net
et Link Egypt, « ce qui a présenté un lourd fardeau à
assumer. A tel point que la compagnie a été obligée de
s’abstenir de distribuer des dividendes pour le dernier
trimestre de 2010. La compagnie a enregistré un recul de
36,52 % durant cette même période et a besoin de liquidités
pour l’extension à la 3G », note Adel.
Etisalat, la société émiratie, la dernière à rentrer sur le
marché avec 8,6 millions d’abonnés, a déclaré avoir injecté
1,4 milliard de dollars, soit 8 milliards de L.E. pour
l’extension de ses réseaux et l’augmentation de sa capacité
internationale. « Les services Internet sont considérés
comme présentant les potentiels les plus importants, depuis
leur création en 2007 », note Taimour Al-Dereni, analyste
financier auprès de Beltone Financials.
Pour sa part, Saleh Al-Abdouly, directeur général
d’Etisalat, souligne que « chacun des trois opérateurs s’est
précipité pour acquérir des sociétés Internet à haut débit
afin de pouvoir offrir à la fois des packs Internet à haut
débit et Internet sans fil. Le pari le plus important est de
pouvoir passer à une technologie plus moderne comme le Wimax
(abréviation de Worldwide Interoperability for Microwave
Access, ndlr) qui signifie un mode de transmission et
d’accès à l’Internet haut débit portant sur une zone
géographique étendue ».
Mais il semble que ces plans d’extension seront soumis à un
certain nombre de difficultés. Le ministère des
Télécommunications a affirmé, une semaine après la
révélation de ces plans d’expansion, qu’il va reporter sa
nouvelle stratégie qui consistait à réduire les prix des
nouveaux services Internet haut débit et à renforcer
l’infrastructure Internet. Ces deux mesures font face à des
problèmes de financement auxquels est confronté le
ministère.
La mise en place de cette stratégie coûte 3,5 milliards de
dollars. C’est un montant important par rapport au volume de
consommateurs qui ne dépassent pas 1,5 million
d’utilisateurs. Par ailleurs, Telecom Egypt (TE), l’unique
opérateur de ligne fixe, a dévoilé qu’il ne fournira pas
d’autres capacités Internet car les trois opérateurs n’ont
pas réglé leurs engagements financiers évalués à 30 millions
de L.E. « Ces montants devaient être des acomptes que
Telecom Egypt devait recevoir des opérateurs. Mais ces
derniers ont fait volte-face », assure Qabbani.
Les opérateurs ne peuvent augmenter le nombre d’internautes
que s’ils sont soutenus par le ministère des
Télécommunications. « Le manque de liquidités frappant tous
les secteurs ne doit pas affecter les stratégies
gouvernementales liées à Internet et planifiées bien avant
la révolution. Le gouvernement doit respecter ses anciennes
promesses », s’indigne Qabbani. Le manque actuel de
ressources et la crise économique que traverse l’Egypte
obligent cependant le gouvernement à revoir ses priorités. A
l’heure actuelle, le développement de l’Internet sans fil
devra encore patienter quelque temps.
Dahlia Réda