Palestine . Le chef en
exil du Hamas, Khaled Méchaal, et le président de l’Autorité palestinienne et
chef du Fatah, Mahmoud Abbass, se rencontrent pour la première fois depuis
quatre ans, au Caire. Les deux hommes doivent signer ce mercredi un accord
d’unification.
Enfin la réconciliation !
Encouragés
par les mouvements démocratiques qui secouent le Proche-Orient, les
Palestiniens réclamaient depuis des semaines que le Fatah, qui dirige la
Cisjordanie, et le Hamas, tout puissant dans la bande de Gaza, se réconcilient.
Un rêve qui a souvent hanté les esprits non seulement des Palestiniens, mais
aussi de tous les Arabes. Et enfin, le rêve se concrétise.
Après
quatre ans de division et de conflit entre la Cisjordanie et la bande de Gaza,
les dirigeants palestiniens ont décidé de mettre fin à leurs différends. Ainsi,
le Fatah du président Mahmoud Abbass et le Hamas doivent signer ce mercredi au
Caire un accord de réconciliation. Essayant d’aborder tous les points de vue
avec les Palestiniens, une délégation égyptienne a multiplié les contacts avec
les dirigeants des territoires occupés. Et, pour la première fois, la médiation
égyptienne a réussi à trouver des compromis avec les principales factions
palestiniennes. Outre le Hamas et le Fatah, le Djihad islamique, le Front
populaire de Libération de la Palestine (FPLP, gauche), et le Parti du peuple
palestinien (ex-communiste) parapheront l’accord de réconciliation le 4 mai.
Grâce
à la médiation égyptienne, le plus important point d’achoppement a été réglé. Ainsi,
le premier article de cet accord porte sur la formation d’un gouvernement non
partisan jusqu’à des élections qui devraient se tenir dans un an. L’accord se
compose de six parties. Il prévoit la formation d’un gouvernement intérimaire
formé de personnalités indépendantes, agréées par les deux parties, jusqu’aux
élections présidentielles, législatives et celles du Conseil National
Palestinien (CNP, Parlement de l’OLP). Cet exécutif provisoire aura pour
mission de préparer les élections, de veiller au respect de l’accord et de
poursuivre les efforts pour mettre fin au siège de Gaza. Il sera également
chargé de résoudre les questions liées aux organisations de bienfaisance, ainsi
que les difficultés administratives posées par la division. Son rôle sera
notamment d’unifier les institutions palestiniennes en Cisjordanie, à Gaza et à
Jérusalem-Est.
L’accord
a insisté sur l’entente réalisée lors de discussions à Damas à l’automne 2010,
portant notamment sur la création d’une commission électorale centrale composée
de membres désignés par les deux parties. De même, l’accord prévoit la création
d’une commission judiciaire composée de 12 juges pour trancher les litiges liés
aux élections. Une autre commission sera créée pour restructurer l’OLP,
présidée par M. Abbass. Quant aux questions de sécurité, un Haut conseil de
sécurité sera formé pour statuer sur les questions se rapportant aux forces de
sécurité des différents mouvements. Ces dernières doivent être intégrées dans
une force de sécurité « professionnelle ». Jusqu’aux élections, les questions
de sécurité dans la bande de Gaza et en Cisjordanie resteront respectivement du
ressort du Hamas et de l’Autorité palestinienne. Enfin les deux camps ont
approuvé la libération des détenus du Hamas en Cisjordanie et du Fatah à Gaza.
Le
premier ministre du gouvernement du Hamas dans la bande de Gaza, Ismaïl
Haniyeh, s’est déclaré prêt à démissionner. « Cet accord est très important et
il faut multiplier les efforts pour mettre fin aux divisions et favoriser
l’unité des Palestiniens », a-t-il ajouté. Une déclaration importante puisque
le premier ministre du gouvernement du Hamas campait sur son poste et avait
pour ambition de diriger l’ensemble des territoires occupés.
Surpris
par cette déclaration, le premier ministre de l’Autorité palestinienne, Salam
Fayyad, a émis l’espoir que cet accord pourra conduire à la réunification de la
nation, « nécessaire pour permettre à notre peuple de décider de son destin et
d’établir un Etat indépendant sur la totalité des territoires occupés depuis
1967, avec Jérusalem-Est pour capitale », a insisté Fayyad.
Face à la haine israélienne
Les
dirigeants israéliens ont vivement critiqué cet accord. Pour eux, le Hamas est
une organisation terroriste. Un avis partagé par les Etats-Unis et l’Union
européenne. « Cet accord avec le Hamas, qui appelle à la destruction de l’Etat
d’Israël, doit inquiéter non seulement tous les ressortissants israéliens, mais
aussi tous ceux qui, à travers le monde, aspirent à la paix entre Israël et ses
voisins palestiniens », a affirmé le premier ministre israélien, Benyamin
Netanyahu.
Face à
ce rapprochement largement bénéfique aux Palestiniens, Israël a menacé
l’Autorité palestinienne de sanctions. Le chef du gouvernement israélien doit
se rendre en Grande-Bretagne et en France cette semaine. Il a annoncé qu’il
déclarerait aux dirigeants de ces deux pays qu’Israël souhaite la paix mais «
restera ferme contre ceux qui souhaitent lui nuire et mettre en péril son
existence ».
Sous
la pression des Etats-Unis, des négociations de paix directes entre Israël et
l’Autorité palestinienne ont repris en septembre. Elles ont rapidement échoué
en raison du refus de Benyamin Netanyahu de prolonger un moratoire sur les
constructions dans les colonies juives de Cisjordanie, un territoire que les
Palestiniens revendiquent pour un futur Etat.
Pour
exercer davantage de pression, Israël a annoncé, dimanche dernier, la
suspension d’un transfert de fonds à l’Autorité palestinienne suite à l’accord
de réconciliation. Le ministre israélien des Finances, Youval Steinitz, a
déclaré avoir ordonné le report d’une rencontre consacrée au transfert de taxes
dues à l’Autorité palestinienne mais prélevées par Israël. Durant cette
rencontre, les experts des deux camps devaient entériner le transfert à
l’Autorité palestinienne d’une première tranche de 300 millions de shekels
(59,6 millions d’euros). Les responsables palestiniens « doivent prouver que
ces fonds ne vont pas alimenter une caisse commune dans le gouvernement qu’ils
veulent former avec le Hamas », a expliqué M. Steinitz. « Il n’est pas question
pour nous qu’une caisse commune (palestinienne) puisse financer les activités
terroristes du Hamas, notamment ses achats de roquettes, et nous voulons qu’il
y ait deux caisses séparées », a insisté M. Steinitz.
Défendant
son camp, le ministre palestinien de l’Economie, Hassan Abou-Libdeh, a précisé
que ces fonds sont transférés le 4 de chaque mois. « Ces fonds reviennent au
peuple palestinien. Israël les collecte en prélevant une commission de 3 %. Tout
retard dans le transfert constitue une atteinte aux droits des Palestiniens et
une grave violation des arrangements actuels, dont Israël porte l’entière
responsabilité », a-t-il souligné, déplorant « l’ingérence d’Israël dans les
affaires intérieures palestiniennes ».
Défendant
cette décision, le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, a fait part au
secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, de la « préoccupation » de son pays
face à cet accord de réconciliation. « Nous attendons des dirigeants du monde
entier et en particulier de ceux de l’Onu qu’ils mettent comme condition à
toute coopération avec un gouvernement d’union palestinien qu’il se plie aux
conditions du Quartette pour le Proche-Orient », a ajouté M. Barak. Le
Quartette (Etats-Unis, Union européenne, Russie, Onu) a fixé plusieurs
conditions jusqu’ici refusées par le Hamas : cessation des violences,
reconnaissance des accords signés précédemment par Israël et l’OLP et
reconnaissance du droit à exister d’Israël. L’accord interpalestinien ne
mentionne pas ces principes. De l’autre côté, les analystes négligent
l’importance de ces principes, puisque la Feuille de route, élaborée par le
Quartette en 2003, exige en outre le gel de la colonisation israélienne en Cisjordanie
occupée et à Jérusalem-Est, ce qu’Israël n’a jamais accepté. « Pourquoi doit-on
toujours obliger les Palestiniens à suivre les articles des anciens accords
tandis que l’Etat hébreu n’adopte aucun principe ? », explique le Dr Ibrahim
Abdel-Qader, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS)
d’Al-Ahram.
Maha Salem