Egyptologie .
A travers une conférence tenue à la médiathèque de
l’Institut français d’Héliopolis, la spécialiste Gihane Zaki
nous fait revivre l’art de se maquiller dans l’Egypte
ancienne.
De grâce et de beauté
«
Plus de 160 recettes décrivant l’élaboration des palettes à
fard, prenant parfois plusieurs mois, nous sont parvenues »,
affirme l’égyptologue Gihane Zaki, conseiller pour la
coopération internationale du ministre d’Etat pour les
Affaires des antiquités. Cette quantité de recettes reflète
l’intérêt prêté à la beauté dans l’Egypte ancienne, une
beauté dont les origines et les raisons diffèrent de celles
de notre époque. Le soin du corps humain a commencé depuis
la préhistoire. Les Anciens Egyptiens recherchaient à
protéger la peau humaine du climat chaud et sec ainsi que
des effets néfastes de la crue du Nil. L’eau couvrait alors
toute la terre arable pendant les quatre mois de la crue.
Cette atmosphère était alors propice à la reproduction des
insectes et des bactéries.
Dans ces conditions, la peau perdait sa souplesse et
devenait rigide, voire envenimée, notamment les yeux qui
étaient attaqués et infectés par les maladies. Pour se
protéger, les Egyptiens devaient prendre leurs précautions
et soigner leur propreté. « Ils entouraient leurs yeux du
khôl qui soigne les conjonctivites. Ils mettaient des huiles
parfumées qui servaient à réhydrater la peau et à lui rendre
sa souplesse et des fards qui étaient utilisés pour blanchir
la peau du visage », explique Gihane Zaki.
La beauté ou le fard avait un troisième volet d’importance,
outre la protection et la guérison : c’est aussi une
manifestation religieuse qui est apparue suite au mythe de
l’œil d’Horus. Lors de son combat contre son oncle Seth,
Horus a perdu son œil. Sa mère, Isis, a-t-elle inventé des
produits cosmétiques et, avec sa force magique, elle avait
restitué l’œil et l’a remis à sa place. « Ainsi a-t-elle
restauré l’intégrité de son fils en rétablissant la
perfection de sa beauté », explique l’égyptologue. Cette
croyance religieuse a incité les Egyptiens, notamment les
femmes, à perfectionner l’utilisation des matières cosmiques
qui protégeaient, soignaient et rajeunissaient en effaçant
les effets du temps.
Thérapie et esthétique
Pendant la IVe dynastie, les yeux sont ornés de khôl vert,
fabriqué à partir de la malachite. Au Nouvel Empire, ils
étaient embellis de khôl noir. Chaque époque avait ses
propres normes esthétiques. Mais le plus surprenant, c’est
l’utilisation du plomb à très faible dose dans la
préparation du khôl, voire du fard en général. Selon Zaki,
cette fine dose protégeait les yeux des conjonctivites. Elle
accentue aussi la beauté de l’œil. Les yeux des femmes sont
toujours représentés à travers un regard ferme, explicite et
attirant. Pour Zaki, les femmes les plus renommées par leur
beauté étaient Néfertiti, Nefertari, Miret-Amon et Tiy. « A
cette époque, l’art cosmétique a atteint son apogée. Ces
femmes n’étaient pas les plus belles femmes, mais elles se
distinguaient par leur charme et leur séduction ». Selon
l’experte, le secret de la beauté reste la simplicité et
l’élégance spontanée.
On essayait avec les matières cosmétiques de combattre le
temps. La femme doit être toujours jeune. Mais elle ne perd
jamais ni son attraction ni sa séduction. Ceci se reflète
par la diversité des matières qui composent le poudrage et
le fard. Le poudrage est à base de calcaire. Si la femme
veut blanchir sa peau, le calcaire est remplacé par de la
farine. Mais lorsqu’elle cherche un teint bronzé, la femme
de l’époque ancienne utilise l’ocre rouge. Quant au fard, il
était composé de graisse d’oie réduite à l’état de poudre et
mélangée avec un minéral. Il en existait deux genres : un
très beau et de très bonne qualité qui était fabriqué avec
de la malachite verte issue du Sinaï, appelé oudjou, et un
second produit à base de sulfure d’antimoine ou de galène,
nommé le mesdemet. Ainsi sont obtenues les différentes
couleurs de maquillage. Chacune d’elles avait un symbole. Le
noir est kemet, c’est la couleur de la terre foisonnante, le
vert reflète la fertilité, et le rouge rappelle le désert.
Le bleu exprime l’éternité, quant à l’or, il symbolise la
chaire divine du soleil.
Par cette variété de matières cosmétiques et de couleurs, la
femme avait la liberté de changer d’apparence tout en
respectant les normes de l’époque. Cet ornement exige « la
présence d’un miroir, un des instruments les plus précieux
de la trousse de toilette », explique Gihane Zaki. Il a la
forme d’une tige de papyrus où s’orne la tête de Hathor, la
déesse de l’amour à tête de vache. Le manche peut être en
bois ou en ivoire.
Un art complet
Le perfectionnement de la parure de la femme ne s’arrête pas
là. Restent la perruque et le parfum. La perruque est l’un
des éléments indispensables de l’attraction féminine. Des
mèches nattées ou ondulées parées de fleurs, de bijoux, de
rubans ... La coiffure peut être volumineuse et descendre en
deux larges mèches jusqu’aux seins. Elle peut être courte ou
encore tressée. La perruque est ensuite maintenue sur la
tête de la femme par un serre-tête frontal caché par une
fleur de lotus. Pour les fêtes ou grands événements, le
serre-tête est un ruban d’or décoré.
Quant au parfum, il reste jusqu’à nos jours une inspiration
infinie pour les grandes maisons de mode. Bien que les
Egyptiens aient ignoré la distillation, ils avaient une
réputation renommée dans la parfumerie. Ils cultivaient les
fleurs et les broyaient pour en tirer des produits parfumés.
Les différents éléments des fleurs, triés par tamisage,
étaient réduits en pâtes et en gommes parfumées. « La femme
parfumée est représentée avec un cône de graisse d’oie sur
sa tête. Ce cône n’est qu’un symbole du parfum émané. Mais
personne ne le porte dans la réalité », reprend
l’égyptologue.
Khôl, fard, poudre à base et parfum ne sont pas les seuls
outils que la femme utilisait pour s’embellir dans l’Egypte
ancienne. Sa beauté réelle émane de sa splendeur acquise de
l’Egypte elle-même.
Doaa
Elhami