L’Egypte changera-t-elle vraiment ?
Mansour Aboul-Azm

Après la révolution du 25 janvier, nombreux Egyptiens ressentent que l’Egypte n’a pas beaucoup changé. Et surtout que les mécanismes d’action de l’ancien régime continuent à dominer non seulement la plupart des instituions du pays, mais surtout, et c’est ce qui est le plus dangereux, le gouvernement et ses ministres. Et cela, bien que le nouveau chef du gouvernement est soutenu par les forces de la révolution et tous ses courants.

L’Egypte est menacée par un désordre envahissant capable de mettre fin à sa sécurité et stabilité, et aussi, sans exagération, à l’unité de son territoire à cause de la lenteur ou de la crainte de prendre de fermes décisions. C’est ce qui s’est passé dans le cas de la crise du gouverneur de Qéna. Nous avons entendu les Egyptiens pleurer leur ancien bourreau injuste et voleur de l’ancien régime qui a excellé dans la création de la culture corrompue. Cette culture, certains craignent de la voir disparaître puisqu’elle leur permettait de recourir à des méthodes illégales qui leur facilitaient les choses.

Plusieurs exemples prouvent que l’Egypte continue de fonctionner selon les mêmes méthodes et mécanismes de corruption. Prenons le cas du changement des gouverneurs qui a causé une vague de colère autant au niveau populaire qu’au niveau de l’élite. Au lieu de se réjouir du fait que les gouverneurs de l’ancien régime quittent leurs fonctions pour être remplacés par les hommes honnêtes de la révolution, la population a été déçue — voire choquée — de la mauvaise réputation de certains nouveaux gouverneurs qui seraient impliqués dans l’assassinat de manifestants pendant la révolution. Et voilà qu’au début des protestations, le gouvernement a négligé cet aspect pour finalement répondre aux réclamations en tergiversant dans le cas de la crise du gouverneur de Qéna et celle du doyen de la faculté de communication.

Les Egyptiens refusent le principe de la nomination d’un gouverneur qui appartient à la police ou à l’armée. Ils aspirent même à plus que ça : pourquoi l’Egypte ne deviendrait-elle pas une démocratie réelle ? C’est-à-dire tenir des élections pour le choix des gouverneurs comme dans tout Etat démocratique. Il est temps que le gouvernement prenne en considération les réclamations et espoirs du peuple. Cette négligence était un des motifs essentiels de la révolution du 25 janvier. Je pense que le gouvernement de M. Charaf doit avoir pour priorité de fixer des mécanismes visant à encrer la démocratie, en particulier en ce qui concerne les normes et méthodes des membres au Parlement, des présidents d’universités, des doyens des facultés, des ministres, ambassadeurs, juges et autres. Et cela, en plus des normes de transparence dans toutes les institutions et l’activation du rôle des appareils de contrôle dont le rôle a été marginalisé pendant de longues années. Le gouvernement doit changer ses mécanismes et méthodes avant de changer les personnes