Pourquoi la nouvelle Constitution
est-elle en retard ?
Mohamed Salmawy
Je
m’étonne comment après 4 mois du déclenchement de la révolution nous sommes
sans Constitution qui poserait les fondements d’un nouveau régime basé sur
l’Etat civil, la démocratie, les droits de l’homme et la justice sociale. Bien
que ceci soit l’objectif principal de la révolution et ce soient les slogans
qui furent brandis haut à la place Tahrir. Malgré les
prétextes avancés, qu’ils soient juridiques, politiques ou autres, je ne vois
pas de raison acceptable justifiant cet état de léthargie au niveau de la
Constitution qui est invoquée par tout le monde.
La
Constitution dans la vie des nations est la base de l’action publique qui
détermine la nature de la vie dans la société. Sans laquelle le chaos
prédomine. A mon avis, l’une des raisons de l’état d’instabilité que nous
vivons depuis la chute de l’ancien régime est ce retard injustifié dans
l’établissement d’un régime alternatif selon une nouvelle Constitution qui
déterminerait les grandes lignes de la vie politique et ouvrirait la voie vers
l’avenir auquel les foules ont aspiré.
Parmi
les prétextes avancés au retard de l’élaboration de cette Constitution est le
fait que ceci doit être la mission du nouveau Parlement censé être élu en
automne prochain. D’ailleurs, je ne sais pas d’où provient cette conviction qui
n’a aucun fondement, ni dans la loi, ni dans l’histoire des Constitutions
mondiales. Le Parlement pourrait amender une Constitution déjà mise en place
qui, à son tour, n’est amendé qu’à travers un référendum public. Les députés
qui représentent les différentes circonscriptions à l’Assemblée du peuple ne
sont pas choisis pour accomplir la mission de l’établissement d’une nouvelle
Constitution.
Les
Constitutions sont la loi de la vie sur lesquelles doivent être soumis et
formés les conseils législatifs. Jamais le Parlement n’a eu pour mission de
mettre en place les articles d’une quelconque
Constitution.
La
Constitution à laquelle nous aspirons est supposée être permanente, elle est
censée nous gouverner jusqu’à la fin du siècle au moins. Raison pour laquelle
elle doit devancer toutes les considérations secondaires, car elle représente
les constantes auxquelles tout le monde a consenti, contre les variantes qui
changent d’une année à l’autre ou bien avec chaque élection. Le peuple peut
pousser un parti donné ou bien une direction politique déterminée vers le
pouvoir, et puis, il peut changer d’avis au cours des élections suivantes.
Le
Parlement est l’expression de ce qui est actuel. Il reflète l’équilibre des
forces en jeu à un moment précis de l’Histoire, celui des élections. Cet
équilibre est variable de nature. La majorité qui accumulerait les voix aux
élections de septembre prochain n’est pas celle qui récoltera la majorité aux
élections suivantes, après que la balance des forces politiques aura penché au
profit d’un autre parti. Comment donc donne-t-on le droit à ce qui est variable
et éphémère de déterminer ce qui est constant et éternel ?
Les
Constitutions doivent être mises en place par une conférence représentant
toutes les catégories du peuple, professions libérales, ouvriers et paysans. La
Constitution n’est pas un simple texte juridique, mais c’est une charte
politique, sociale et économique. L’écrivain, l’architecte, le professeur,
l’historien, le paysan et l’avocat ont tous un droit authentique dans la
Constitution. Toutes ces catégories doivent se réunir à travers leur
porte-parole pour présenter leur vision à propos de la nouvelle Constitution. Quant
aux hommes de droit et aux vétérans de la Constitution, ils s’occupent de la
formulation de celle-ci. Je ne veux pas dire par là la simple rédaction de la
terminologie juridique requise, mais il s’agit de la concrétisation des espoirs
et des demandes de toutes les catégories du peuple en des principes
constitutionnels qui seront respectés par les institutions au pouvoir et qui
serviraient de bouclier aux droits de citoyenneté.
Il
s’agit là d’une mission sublime.
Je ne
vise pas par conférence nationale, ce parloir absurde et inutile tenu par Dr Yéhia Al-Gamal, le vice-premier ministre avec ses amis qui,
une fois terminé au siège du gouvernement, il se déplace vers un autre lieu qui
est le centre des conférences, pour le poursuivre. Je vise par là une vraie
conférence tenue sur des fondements scientifiques représentant toutes les
catégories du peuple, sans faire exception d’un syndicat ou d’une formation
politique. En d’autres termes, tous ceux qui auraient un intérêt dans
l’établissement d’une nouvelle Constitution.
La
logique nous imposait d’établir une nouvelle Constitution avant la tenue
d’élections parlementaires, qui déterminerait le cadre dans lequel elles seront
déroulées et qui fixerait ses bases. Cela signifie-t-il que nous devons
maintenant reporter les prochaines élections ?
Au
début, soyons d’accord que le report des élections parlementaires peut être
bénéfique pour maintes raisons. Mais pas pour donner à la Constitution le temps
d’être établie. Beaucoup estiment que la Constitution peut être établie dans un
délai d’un mois. Suite au dialogue tenu récemment, il y a une entente, sinon
une unanimité sur les principes fondamentaux sur lesquels elle doit reposer. Ceci
permet l’accomplissement d’une mission importante dans les brefs délais, et
ceci n’est point en désaccord avec le calendrier des prochaines élections, si
nous tenons à ce qu’elles se déroulent à la date préalablement décidée. Mais si
nous estimons qu’il faut les reporter, surtout si la nouvelle Constitution
comprend un amendement dans les lois électorales, qui est d’ailleurs une
revendication, pourquoi ne pas commencer par les élections présidentielles,
dont les cavaliers se trouvent déjà sur le terrain de jeu, il y a quelque temps
?
Le
report exagéré ne fait qu’accroître la période d’inquiétude qui sévit actuellement
et qui a commencé à représenter une menace dangereuse à la stabilité nationale,
qu’il serait difficile de régler plus tard. Il est temps que l’action de ceux
qui appliquent les principes de la révolution ne soit pas limitée
à saper les fondements de l’ancien bâtiment. D’autant plus que la démolition de
l’ancien doit être accompagnée d’une nouvelle construction.