Soudan .
Le référendum de janvier dernier sur l’indépendance du
Sud-Soudan ne met pas fin aux conflits ethniques et
religieux du pays. En témoignent les confrontations ravivées
entre le Sud et le Nord.
Abyei
au centre du conflit
Le
Soudan est encore loin de la stabilité. Le gouvernement du
Sud-Soudan a dénoncé l’invasion « illégale » de l’armée
nordiste à Abyei, une région
disputée à la limite entre le Nord et le Sud où les combats
de ces derniers jours ravivent le spectre de la guerre
civile. Samedi, après de violents combats, l’armée
soudanaise (nordiste) a pris le contrôle de la ville d’Abyei,
qui connaît une recrudescence des violences depuis le
référendum en janvier sur le Sud-Soudan et l’écrasante
majorité en faveur de la sécession de cette région qui doit
devenir un Etat indépendant le 9 juillet. « Les combats ont
été très, très mauvais », a reconnu Philip
Aguer, le porte-parole de la
SPLA (armée de libération populaire du Soudan, sudiste).
« Des gens ont fui la zone en raison de bombardements
aveugles, des bombes lancées de l’air et par des chars au
sol ». « La population entière de la ville d’Abyei
a fui », a annoncé Médecins Sans Frontières (MSF), qui
dirige des cliniques à Abyei et
à Agok, à 40 km au sud. « Les
soldats soudanais sont entrés à Abyei
avec une division complète alors que nous n’avions pas de
forces de combat sur le terrain », a encore expliqué le
porte-parole de la SPLA. Il a assuré que les troupes loyales
s’étaient toutes retirées vers le Sud, conformément à un
accord conclu le 9 mai sous l’égide de l’Onu, selon les
termes duquel les troupes nordistes devaient elles aussi se
retirer. Aguer a aussi affirmé
qu’aucune contre-attaque n’était prévue dans l’immédiat. «
En tant que SPLA, nous ne pouvons pas déclarer la guerre
comme une armée. Nous attendons que le gouvernement du
Sud-Soudan décide de la prochaine étape », a-t-il déclaré.
Engagé dans l’accord de 2005
A Juba, capitale de la région semi-autonome du Sud-Soudan,
qui doit devenir indépendante en juillet,
le ministre de l’Information, Barnaba
Marial Benjamin, a dénoncé « une invasion illégale qui viole
tous les accords de paix et met en danger la vie de milliers
de civils ». Les Nordistes « ont envie d’en découdre, mais
nous ne pouvons pas accepter qu’ils entraînent le peuple
soudanais dans leur caniveau », a-t-il annoncé, tout en
assurant que le Sud-Soudan restait, malgré tout, engagé dans
le respect de l’accord de 2005. Dimanche, les combats
avaient quasiment cessé. « Il y a encore eu quelques combats
au sol et des échanges de tirs d’artillerie ce matin. Mais
le calme est apparemment revenu dans l’après-midi », a
déclaré le porte-parole de l’Unmis
(mission de l’Onu au Soudan), Kouider
Zerrouk. A Khartoum, le ministre
d’Etat à la présidence, Amin Hassan Omer, a confirmé que
l’armée soudanaise contrôlait la ville d’Abyei.
« Les troupes des SAF (forces armées du Soudan, nordistes)
resteront à Abyei jusqu’à la
conclusion d’un nouvel accord de sécurité », a-t-il prévenu,
insistant sur le fait qu’il ne permettra « à personne
d’essayer de décider unilatéralement du sort d’Abyei
(...) Nous ne laisserons aucune partie du territoire
soudanais dans le vide sécuritaire ».
La province d’Abyei est
revendiquée par le Nord et le Sud du Soudan. Un référendum
pour permettre à sa population de choisir son rattachement
devait avoir lieu en même temps que celui sur l’avenir du
Sud-Soudan en janvier, mais il a été reporté sine die,
notamment en raison d’un différend sur le droit de vote des
Misseriya, une tribu de nomades
arabes.
Quatre mois après le référendum, les négociations Nord-Sud
sur l’avenir de la province n’ont pas avancé. Les deux camps
s’accusent d’avoir envoyé un grand nombre de soldats «
irréguliers », en violation d’une trêve signée en janvier,
et les incidents armés s’y sont multipliés, en particulier
ces derniers jours, mettant directement aux prises l’armée
soudanaise et la SPLA.
La prise d’Abyei par l’armée
nordiste est sans doute l’incident le plus grave depuis les
affrontements meurtriers ayant opposé, en 2008, armées
nordiste et sudiste. Elle coïncide avec le début de la
visite dans le pays d’une importante délégation des
ambassadeurs auprès du Conseil de sécurité de l’Onu, arrivée
samedi soir à Khartoum, pour notamment désamorcer les
tensions actuelles sur Abyei.
Omar Al-Béchir a ordonné la dissolution de l’administration
mixte locale, mise en place dans le cadre des accords de
2005 et du protocole d’Abyei,
une annexe signée en 2008, ce qu’a déploré l’Onu. Et selon
la SPLA, l’administrateur (sudiste) d’Abyei
est « porté disparu ». Abyei est
l’un des principaux points de tension depuis la fin de la
guerre civile entre le Nord musulman et arabe et le Sud,
principalement chrétien et noir.
Inès
Eissa