Syrie .
Tandis que les confrontations entre les manifestants et
l’armée se poursuivent malgré les nombreuses victimes
civiles et non armées, Européens comme Américains se
montrent plus menaçants.
Scènes sanglantes et réformes lointaines
La Syrie a connu une nouvelle semaine meurtrière avec au
moins 44 manifestants tués pour la seule journée du
vendredi, dans tout le pays. Certains, en particulier dans
la ville côtière de Banias
(nord-ouest), avaient pourtant défilé torse nu pour montrer
qu’ils n’avaient pas d’arme, mais le régime attribue les
violences à des groupes terroristes ou à des gangs armés.
Selon les défenseurs des droits de l’homme, le bilan de la
répression du mouvement de contestation s’élève déjà à 800
morts et plus de 8 000 arrestations. Il a poussé des
milliers de Syriens à l’exode.
Les restrictions imposées aux médias étrangers par le régime
empêchent toute vérification indépendante sur le terrain.
Et toujours selon des militants des droits de l’homme, les
tirs des forces de sécurité, y compris sur une foule en
deuil comme samedi à Homs, sont le signe que le gouvernement
est en train de perdre sa crédibilité. « Leur répression
féroce a échoué parce que le mur de la peur s’est écroulé
malgré les arrestations massives et la torture », a assuré
un militant en ajoutant que « personne ne croit plus une
minute à un dialogue national parce que le gouvernement ne
va pas au cœur du problème. La colère monte dans les rues
parce que les gens ne savent pas où l’on va. Et les tueries
continuent d’alimenter cette colère et ce sentiment de
rancœur ».
Le président Assad a fait peu de
concessions aux manifestants hormis la levée d’un état
d’urgence instauré il y a 48 ans et un décret accordant la
nationalité syrienne aux Kurdes. Mais Walid Al-Bounni,
un dirigeant de l’opposition, estime qu’il est encore temps
pour Bachar Al-Assad
de sauver la face. « Le président peut encore essayer de se
racheter en faisant ce qu’ont fait plusieurs dirigeants
d’Europe de l’Est à la fin de l’ère soviétique, c’est-à-dire
en procédant immédiatement à la
transition démocratique et en se présentant lui-même, s’il
le souhaite, à des élections équitables », dit-il. « Avec
tout ce sang que le régime fait couler, les manifestations
grandissent et s’étendent géographiquement. Les Syriens ont
été humiliés et ils ne se tairont plus », ajoute Al-Bounni.
Sans résultat
Après les Etats-Unis, l’Union européenne a décidé lundi
d’interdire de visa et de geler les avoirs du président
syrien Bachar Al-Assad
et d’accentuer la pression sur son principal allié régional,
l’Iran, en raison de son programme nucléaire. Les ministres
européens des Affaires étrangères se sont en effet décidés
lundi à sanctionner le président syrien en personne au
moment où le bilan de la répression du mouvement de
contestation qui ébranle son régime depuis la mi-mars
dépasse les 900 morts, selon l’Onu et des ONG. Son nom ainsi
que ceux de neuf autres responsables devraient être publiés
mardi au Journal officiel de l’UE, s’ajoutant à une première
liste de 13 figures-clés du régime syrien, dont un frère du
président et plusieurs cousins frappés depuis le 10 mai
d’interdictions de visa en Europe et de gels d’avoirs. Les
27 ont de même décrété un embargo sur les armes et suspendu
l’aide au développement européenne.
Cette décision met un terme à près d’un mois de
tergiversations et de difficiles discussions entre les 27
Européens sur l’opportunité ou non de sanctionner Al-Assad
en personne. « C’est la bonne chose à faire », a souligné le
chef de la diplomatie britannique, William Hague. Et
d’ajouter : « Le régime doit prendre le chemin des réformes,
pas de la répression ». Mais pour le moment, pas question de
sanctions plus générales à l’encontre de la Syrie. Le
ministre tchèque des Affaires étrangères, Karel
Schwarzenberg, s’est ainsi dit sceptique « envers des
sanctions générales qui touchent toute la population ».
Il reste que plus de deux mois après le début de la révolte
sans précédent, le pouvoir syrien continue d’ignorer les
appels internationaux pressants à cesser de réprimer le
mouvement, y compris celui du président américain
Barack
Obama. Alors les Etats-Unis ont haussé le ton trois
jours avant les sanctions des Etats-Unis. « Le peuple syrien
a montré son courage en exigeant une transition vers la
démocratie. Le gouvernement doit cesser de tirer sur les
manifestants et autoriser les protestations pacifiques », a
dit Obama, au lendemain de
l’annonce de sanctions américaines contre
Assad. Selon le chef de la
diplomatie italienne, Franco Frattini,
il faut lui « montrer que la seule option est de poursuivre
les réformes et de cesser la violence ». Même la Turquie, un
allié de la Syrie, a exhorté le régime à agir avant qu’il ne
soit trop tard, l’avertissant que continuer à recourir à la
force contre les manifestants pourrait
avoir des conséquences très négatives.
Inès
Eissa