Politique.
L’expert juridique Ibrahim Darwich affirme qu’il est contre
la promulgation de la loi sur l’exercice des droits
politiques qui était en gros appliquée par l’ancien régime.
« La période transitoire actuelle
doit être prolongée d’une
année »
Al-Ahram Hebdo : Pour commencer, comment évaluez-vous la
nouvelle loi sur l’exercice des droits politiques ?
Ibrahim Darwich :
La nouvelle loi a des aspects positifs et négatifs. Il est
vrai que les notions du droit de vote des Egyptiens ainsi
que le contrôle judiciaire sont des points positifs figurant
dans cette loi. Mais d’un autre côté, je suis contre la
promulgation de cette loi sur l’exercice des droits
politiques qui était en gros appliquée par l’ancien régime.
Cette loi a perdu sa légitimité aussi bien que le régime
lui-même. Cela signifie que nous avons à faire à une loi
nulle et non avenue. Donc, on avait besoin d’une nouvelle
loi basée sur la légitimité révolutionnaire, mais qui serait
établie suite à la déclaration d’une nouvelle Constitution.
Celui qui possède le droit de voter possède le droit d’être
candidat aux élections, c’est évident. Si on applique cette
règle, on ne va pas par exemple être bloqué à la source par
certaines questions comme celle concernant l’âge des
candidats fixé à 40 ans au moins, ce qui prive les jeunes
révolutionnaires de s’y présenter.
— Certains ont parlé d’un vote électronique. Qu’en
pensez-vous ?
— En effet, le vote peut aussi avoir lieu selon un système
électronique, ce qui serait d’ailleurs, à mon avis, plus
correct et réduirait au minimum la marge des possibilités de
trucage. On ne peut pas oublier que les élections dans les
bureaux de vote étaient toujours émaillées de violence et de
paiement de pots-de-vin.
— A l’approche des élections législatives, quelle est,
d’après vous, l’étape préparatoire essentielle par laquelle
nous devons d’abord passer ?
— Avant tout, il faut rédiger une nouvelle Constitution bien
avant les élections législatives prévues en septembre, ou
présidentielles qui devraient suivre. D’ailleurs, cela exige
que la période transitoire actuelle soit prolongée d’une
année durant laquelle une commission indépendante et
objective devrait préparer une première ébauche pour cette
nouvelle Constitution. Cette commission devra aussi
renfermer des spécialistes compétents dans différents
domaines, notamment des écrivains, des intellectuels et des
professeurs de droit constitutionnel ainsi que d’autres.
Sinon, à mon avis, les choses ne pourront pas marcher. On ne
peut pas mettre la charrue devant les bœufs. Il faut savoir
que la Constitution est la base. Sans l’établir et
l’approuver par le peuple, rien ne sera fondé sur une base
légitime et solide. De plus, il est absurde que les membres
élus à l’Assemblée du peuple soient eux-mêmes chargés de
former la commission qui devra rédiger cette Constitution.
Je le répète : rédiger une Constitution exige des
spécialistes. Et il ne faut pas oublier que la Haute cour
constitutionnelle a jugé en 1993 qu’il est interdit au
Parlement de préparer une Constitution. Donc, si ce scénario
proposé par l’armée est appliqué, la prochaine Constitution
sera nulle et non avenue.
— Vous avez suggéré le prolongement de la période
transitoire d’une année. Pourquoi ?
— Durant cette période, il faut créer un conseil
présidentiel pour diriger cette étape et garantir la
protection contre l’hégémonie de l’armée. De plus, il faudra
un cabinet ministériel qui serait à la mesure des défis
actuels. Le gouvernement actuel présidé par Essam Charaf est
composé de ministres dont plus de la moitié appartiennent à
l’ancien régime. Ils ne sont pas compétents pour conduire
cette période transitoire critique. Prolonger d’une année
cette étape donnera une occasion aux partis récemment créés
de se préparer aux élections comme il se doit. Sinon, on se
retrouvera de nouveau à la case départ, et notre choix se
limitera au duel entre les Frères musulmans, les hommes
d’affaires ou encore les militants du PND. Les conditions
actuelles sont exigeantes. Pour former des partis
politiques, il suffirait juste de le notifier.
— Mais comment une loi pareille peut-elle tirer sa
légitimité ?
— Il faut souligner un point très important : n’importe
quelle loi doit être soumise à l’opinion publique sous forme
de projet de loi. Outre cela, il faudra avoir tout le temps
pour la discuter. En plus, si on a des médias indépendants
et objectifs et si on organise des campagnes de
sensibilisation politique et sociale, les citoyens seront
prêts à assumer leur devoir démocratique.
— Et quelle est la forme de Constitution que vous suggérez ?
— La Constitution que je suggère ne doit pas dépasser 10
articles qui devront assurer les droits, les libertés et
organiser le fonctionnement des trois pouvoirs : législatif,
exécutif et judiciaire.
Le plus important sera la prévalence de cette Constitution
sur les institutions politiques et le Parlement.
Propos recueillis par Mavie Maher