Education .
L’Egypte cherche à développer ses liens avec l’Afrique
francophone. Dans cet objectif, Hassan
Kheirallah, président de l’Université Senghor et
conseiller du ministre de l’Enseignement supérieur, insiste
sur le rôle des échanges universitaires et l’accueil
d’étudiants africains.
« Les demandes pour des programmes
en français sont croissantes »
Al-Ahram
Hebdo : Quels sont les besoins liés à l’enseignement
supérieur en Egypte ?
Hassan Kheirallah :
Le problème est toujours le même : il s’agit du financement.
Cependant, une partie de ce problème a été résolue en 2000 à
travers un financement de 50 millions de dollars de la
Banque mondiale. Cela a permis de financer six projets dans
les domaines de la formation des professeurs, de la
technologie et plus généralement de l’augmentation de la
qualité de l’enseignement. Mais le financement étatique
reste insuffisant dans un pays où plus d’un million
d’étudiants sont inscrits dans des facultés publiques.
— Vous êtes président de l’Université Senghor à Alexandrie.
En quoi la francophonie contribue-t-elle à ces besoins ?
— Il y a une vingtaine d’années, les étudiants avaient le
choix entre une éducation en arabe ou en anglais, hormis
quelques départements de littérature française au sein des
facultés publiques. Depuis 1989, plusieurs filières
francophones ont ouvert au Caire, à Alexandrie ou encore à
Aïn-Chams. Plus tard,
l’Université Française d’Egypte (UFE) a été créée. Senghor a
ouvert en 1990. Mais il n’existe pas de synergie entre ces
différents pôles. Créer un pôle commun offrant une bonne
coordination entre ces entités permettrait une meilleure
utilisation des ressources. J’espère que cela pourra se
faire très bientôt.
— Quels est l’intérêt que portent les étudiants aux études
en langue française en Egypte ?
— Les demandes pour s’inscrire dans des programmes en
français sont croissantes. Cela commence dès la maternelle
avec un nombre grandissant de parents qui souhaitent
inscrire leurs enfants dans des écoles en langue française.
Mais le nombre de place est limité et peu sont satisfaits.
Cela est dû notamment à un regain d’intérêt pour le français
apparu dans les années 1990. Pour tenter de répondre à cette
demande, nous essayons de trouver des universités françaises
qui acceptent de collaborer avec nous. Citons par exemple La
Sorbonne, qui a ouvert un département de droit des affaires
au sein de l’Université du Caire, département où les
étudiants peuvent ressortir avec un double diplôme égyptien
et français. D’une manière globale, ces coopérations ont
tendance à se multiplier.
— Quel est l’intérêt pour l’Egypte de posséder des filières
en langue française ?
— Cela fait déjà longtemps qu’il existe une politique du
ministère de l’Education qui consiste à utiliser les
filières francophones pour développer les relations de
l’Egypte avec l’Afrique. L’éducation est centrale dans
l’augmentation des liens avec le continent africain. En
Egypte, elle permet à des étudiants de divers pays
francophones d’accéder à des diplômes qui n’existent pas
toujours dans leurs pays. Il s’agit aussi d’encourager des
étudiants égyptiens à étudier en français afin qu’ils
puissent par la suite renforcer nos liens avec l’Afrique. A
ce titre, l’Egypte possède plusieurs avantages : d’abord la
France est bien souvent réticente à accueillir des étudiants
africains pour des problèmes liés à l’immigration. Par
ailleurs, le coût des études est bien moindre en Egypte
qu’en Europe. Pour la même somme, il nous est possible de
prendre en charge plus d’étudiants. Le coût de la vie est
aussi moindre et cela encourage un certain nombre de jeunes
de pays africains à choisir l’Egypte plutôt que la France.
— C’est une relation triangulaire ?
— Tout le monde y gagne. La France nous aide à mettre en
place des filières francophones destinées en partie aux
étudiants africains. Elle n’est pas capable d’accueillir
tout le monde et voit dans l’Egypte un partenaire idéal. Il
est dans l’intérêt de tout le monde de développer des liens
avec l’Afrique. Si l’Egypte veut aussi jouer un rôle en
Afrique, elle doit posséder un certain nombre d’atouts et
notamment des étudiants francophones. Quant aux Africains
qui viennent étudier ici, la plupart repartent après la fin
de leurs études, mais contribuent à établir davantage de
contacts entre l’Egypte et leurs propres pays. L’avenir de
l’éducation francophone en Egypte se base en partie sur les
pays africains francophones. Je peux vous dire que beaucoup
d’efforts ont été déployés pour accentuer la coopération
entre l’Afrique, l’Egypte et la France. L’Université Senghor
est particulièrement impliquée dans ce processus. Nous avons
mis en place des programmes à distance dans plusieurs pays
africains et nous envoyons nos professeurs régulièrement sur
place. A Senghor, les origines sont multiples mais alors que
certains conflits existent en Afrique, à l’université ces
conflits disparaissent. L’éducation est un enjeu majeur en
Afrique et l’Egypte tente d’y contribuer de manière
significative.
Propos recueillis par Alban de Ménonville