Politique. Les années 1920 voient la naissance de la première véritable Constitution qui donnera lieu à une forme de démocratie. Mais celle-ci a été mise en échec par le mouvement des Officiers libres en 1952.

Du pluralisme au parti unique

L’exercice des droits politiques en Egypte a plusieurs dates de naissance. La première Constitution égyptienne, à l’ère moderne, est celle promulguée en 1882, résultant d’une longue lutte datant de 1805. Cependant, la première Constitution au vrai sens du terme en Egypte est celle promulguée suite à l’indépendance en 1922 après la Révolution de 1919 qui a mis fin au protectorat britannique.

La première Constitution a été promulguée par le roi Fouad, le 19 avril 1923. Son premier article met l’accent sur la souveraineté du pays, décrit comme un « Etat souverain, libre et indépendant », précisant en outre que « ses droits de souveraineté sont indivisibles et inaliénables » et que « son gouvernement est celui d’une monarchie héréditaire ». Le roi est le chef de l’Etat, commandant suprême des armées (article 46). Sa personne est inviolable (article 33).

Plusieurs articles garantissent les libertés individuelles (article 4), l’inviolabilité de la propriété (article 9), la liberté d’opinion (article 14) et le droit de réunion, pourvu que ce soit « paisiblement et sans armes » (article 20). Le pouvoir législatif est exercé par le roi, la Chambre des députés et le Sénat. D’eux seuls émanent les lois. En vertu des dispositions de cette Constitution, le premier Parlement égyptien de l’époque moderne s’est tenu en 1924. Le régime était alors basé sur le pluralisme politique. Le parti Wafd notamment représentait la première formation nationale, celle de Saad Zaghloul, le leader de la Révolution.

La Constitution de 1923 restera en vigueur jusqu’à son annulation le 22 octobre 1930, mais elle ne tardera pas à être rétablie jusqu’à la Révolution de juillet 1952. Avec l’avènement du mouvement des Officiers libres, c’est la chute du système pluraliste et l’avènement du régime du parti unique. Depuis la Révolution de 1952, que d’aucuns assimilent à un coup d’Etat, l’Egypte a connu plusieurs évolutions constitutionnelles.

La Constitution du 23 juin 1956 a été promulguée en vertu du référendum daté du même jour. Cette Constitution est la première de la République d’Egypte, promulguée suite à la résolution relative à l’annulation du régime royal, le 18 juin 1953.

Puis ce fut l’union entre l’Egypte et la Syrie, les deux pays s’appelant la République arabe unie. La Constitution de l’union a été promulguée au mois de mars 1958.

Puis vint la Constitution provisoire adoptée le 25 mars 1964, remplaçant la Constitution de la République arabe unie après la désunion de la Syrie et l’Egypte en septembre 1961.

La Constitution a été promulguée le 11 septembre 1971, certains amendements furent introduits en 1980.

Les dispositions principales incluses dans la Constitution et ses amendements constituent la base de la vie politique, sociale et culturelle depuis sa promulgation en 1971.

La Constitution de 1971 a été promulguée sur l’approbation unanime du peuple en vertu du référendum effectué le 11 septembre 1971. Cela a marqué de toute façon le renforcement du mouvement du parti unique qui fut l’union socialiste arabe ancêtre de tous les partis qui vont suivre jusqu’au Parti National Démocrate (PND).

Après la défaite de juin 1967, ce fut un choc qui secoua le régime nassérien. Des manifestations immenses menées par des jeunes ressemblant bien à la révolution du 25 janvier obligèrent le raïs à promulguer la Déclaration du 30 mars, où il promet libéralisme et pluralisme après la libération du Sinaï. Après la mort de Nasser en septembre 1970, ce fut le règne de Sadate qui amorça la voie au pluralisme. C’est avec l’ouverture (infitah) du parti unique au multipartisme, qui s’est réalisée graduellement, que l’on cherchera à innover par rapport à la période antérieure. Dans un premier temps, le « Document d’Octobre », qui sera approuvé par référendum en mai 1974, parlait déjà de transformer l’Union socialiste arabe en « un creuset de différents points de vue ». Plus tard, en juillet 1975, une résolution du parti unique permet la Constitution de plateformes (manabir) en son sein, capables d’exprimer différentes sensibilités, sans compromettre les principes de base de la Révolution.

On comptait trois grandes plateformes. Une plateforme centriste, appelée Plateforme socialiste arabe d’Egypte, appelée à devenir le courant dominant, pro-gouvernementale et présidée par le premier ministre Mamdouh Salem, ancien chef de la sécurité nationale. La deuxième, de droite, s’appellera Plateforme libérale socialiste, et sera dirigée par Kamil Mourad, ancien officier libre. Finalement, une troisième plateforme de gauche, à tendance marxiste, s’appellerait Regroupement national progressiste unitaire et serait dirigée par Khaled Mohieddine, un autre Officier de la première époque du nassérisme et ancien membre du Conseil du commandement de la Révolution.

En fait, le parti unique subsistait dans la plate-forme centriste, un système qui fut maintenu jusqu’au pluripartisme

En 1978, le panorama politique s’est enrichi avec l’apparition de nouveaux partis en connexion avec des projets politiques antérieurs au nassérisme. Ce fut d’abord le néo-Wafd, légalisé en février 1978. Il était dirigé par l’ancien secrétaire du principal parti de la monarchie, Fouad Séragueddine. Le parti s’est auto-dissous avant de revenir sur la scène politique sous Hosni Moubarak.

C’est aussi en 1978 que les plateformes créées par le parti unique allaient pendre la forme de partis. Le Parti National Démocrate (PND), parti dominant jusqu’à la révolution du 25 janvier. En gros, tout le système est resté basé en réalité sur le parti unique. Les dernières législatives falsifiées de manière flagrante ont confirmé ce fait et ont mené sans doute à la révolution.

Ahmed Loutfi
Chaïmaa Abdel-Hamid