Sud-Sinaï .
Le gouverneur de la région vient de suspendre sa décision
d’autoriser la pêche dans la réserve naturelle de Ras
Mohamad, après une demande du ministre de l’Environnement et
des ONG.
Ras Mohamad menacée
Depuis la chute du régime Moubarak, la délinquance et les
agressions se multiplient dans la société avec une police
incapable de faire régner l’ordre. L’environnement n’est pas
en reste de ces dérives, ce qui menace les écosystèmes et la
biodiversité.
Si les comportements irresponsables de la population
alimentent le désordre, une décision du gouverneur du
Sud-Sinaï avait participé aussi à ce que certains qualifient
de « chaos ». Ainsi, il y a deux semaines, le général
Mohamad Abdel-Fadil Choucha a décidé de permettre la pêche
dans la réserve naturelle de Ras Mohamad, pourtant déclarée
réserve naturelle. L’Association de la protection et de la
conservation de l’environnement à Hurghada (HEPCA) a
immédiatement réagi avec la publication d’un communiqué
critique envers la décision du gouverneur. « La HEPCA refuse
catégoriquement cette décision. La moindre des choses à dire
dans ce contexte est qu’une telle décision aggrave la
situation écologique déjà détériorée dans la région. La
pêche intensive dans une réserve qui contient l’un des
récifs coralliens les plus beaux au monde représente un
grand danger menaçant l’écotourisme, basé sur cet écosystème
», a déclaré Amr Ali, président de la HEPCA. Dans son
communiqué, l’ONG affirme que certaines espèces de poissons
sont menacées d’extinction, et la surpêche aggrave ce
problème. De plus, permettre la pêche dans la région va à
l’encontre des lois et législations qui contrôlent les
activités dans les réserves naturelles, comme la loi numéro
102 de l’année 1983 sur les réserves naturelles qui interdit
la pêche ou le braconnage dans les régions protégées. La loi
numéro 124 de l’année 1983 sur la pêche interdit la pêche
dans les régions de reproduction des poissons. A noter que
l’autorisation de la pêche dans cette région il y a quelques
années a abouti à des dégâts importants concernant les
coraux. Ce qui se traduit par une perte qui s’élève à des
millions de dollars ! « Selon les études, la valeur
économique de la réserve naturelle de Ras Mohamad diminue de
300 dollars par an et par m3 de coraux détruits », souligne
le communiqué de la HEPCA. « Le problème dans la décision du
gouverneur est que cette autorisation ne vise pas par
exemple à soutenir les pauvres pêcheurs, mais le gouverneur
a permis à 17 bateaux loués aux amateurs de pêcher au sein
de la réserve », déclare Ali.
Aucun impact négatif
Avant de suspendre sa décision, le gouverneur avait essayé
de se défendre, affirmant que l’autorisation de pêcher est
appliquée seulement dans la région allant de Ras Al-Arbeïne
jusqu’à Ras Al-Rakayez et non dans toute la réserve de Ras
Mohamad. Et ainsi sa décision n’affectera ni les récifs
coralliens, ni l’écosystème marin. Ainsi, elle n’aura aucun
impact négatif, ni sur l’écotourisme, ni sur la plongée. «
La réserve naturelle de Ras Mohamad renferme 12 sites de
plongée et la région concernée par la décision
d’autorisation de pêche ne passe par aucun de ces sites », a
indiqué le gouverneur du Sud-Sinaï.
Il a également ajouté qu’il avait pris cette décision lors
d’une réunion avec les experts et les responsables du
secteur de la protection de la nature au sein de l’Agence
Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE). «
Pour contrôler le processus de pêche dans la région, nous
coordonnons nos efforts avec les gardes-frontières qui
délivrent des permis temporaires d’entrée et de sortie des
bateaux de pêche qui sont au nombre de 54 et divisés en deux
groupes : le premier sera autorisé à pêcher du 13 au 31 mai
et le second du 12 au 30 juin », avait expliqué le
gouverneur, tout en assurant que les bateaux de pêche
respectent les règles et qu’aucune infraction n’a été
commise.
Le problème remonte à la mi-avril dernier quand des dizaines
de bateaux de pêche ont envahi la réserve de Ras Mohamad,
enfreignant la loi qui empêche de telles activités dans les
réserves naturelles. Le Dr Mohamad Salem, responsable des
réserves naturelles au Sud-Sinaï, a prévenu que ces
activités de pêche non contrôlées représentent une menace
assez dangereuse sur l’écosystème. « Les rangers de la
réserve ont tenté d’empêcher les bateaux de continuer à
pêcher dans la réserve, mais ils ont refusé de partir. Nous
avons informé la police, mais elle a été incapable de les
arrêter. Alors, nous les avons menacés d’informer les forces
armées », explique Salem. Mais quand le gouverneur a pris
une décision en faveur de cette activité, les activistes
environnementaux se sont décidés à travailler afin d’annuler
cette décision. Vu l’importance de la réserve naturelle de
Ras Mohamad et la vraie menace que représente cette
décision, le ministre de l’Environnement, Magued Georges, a
demandé au gouverneur d’annuler sa décision, surtout que la
mer Rouge est tout de même assez vaste pour épargner les
réserves naturelles.
Lors de cette vague de colère de la part des ONG et du
ministère, le gouverneur a fini par suspendre son
autorisation de pêche au sein de la réserve. Mais le vrai
problème réside dans le fait que la protection de
l’Environnement et des réserves naturelles est loin des
intérêts des gouverneurs et des responsables municipaux.
Malgré la suspension de la décision du gouverneur, des
témoins affirment que des bateaux de pêche se trouvent
toujours dans la réserve, menaçant l’écosystème et
l’écoutourisme.
Dalia
Abdel-Salam