Egypte - Etats-Unis. Dans son discours consacré au Proche-Orient, le
président américain a promis une aide au Caire et a insisté sur l’importance de
la démocratisation. Certains révolutionnaires restent sceptiques.
Obama salue le printemps égyptien
Dans son discours inaugural d’un « nouveau chapitre de la diplomatie
américaine », le président américain a voulu confirmer une vérité : son pays
est du bon côté de l’Histoire. Non pas du côté des dictateurs mais de celui du
vendeur ambulant tunisien qui, il y a six mois, dans un geste ultime de
protestation contre l’injustice, s’est immolé devant le siège de sa
municipalité, allumant l’étincelle d’une révolution tunisienne qui a inspiré
les peuples de tout le Moyen-Orient. « Dès lors, les Etats-Unis doivent user de
toute leur influence pour encourager la réforme dans la région … Notre message
est simple : si vous assumez les risques qui découlent de la réforme, vous
aurez le soutien total des Etats-Unis », a affirmé le président américain dans
son discours de jeudi dernier consacré au Moyen-Orient.
« Les Etats-Unis respectent le droit qu’ont tous les citoyens pacifiques et
respectueux des lois de faire entendre leur voix, même s’ils ne sont pas
d’accord avec eux. (…) Ce à quoi nous nous opposons, c’est à toute tentative,
par n’importe groupe que ce soit, de restreindre les droits d’autrui et de
conserver le pouvoir au prix de la coercition », a-t-il poursuivi. Barack Obama a ainsi souligné
l’importance de la tolérance religieuse, des coptes d’Egypte comme celle des
chiites de Bahreïn, ainsi que du respect des droits de la femme. Des droits
humains fondamentaux inséparables des principes de la démocratie.
Outre le discours « ressuscité » sur la réforme politique et les droits de
l’homme, un deuxième volet, celui du développement économique, a été consacré
aux deux pays qui ont déjà réussi à renverser leurs dictatures et qui «
effectuent la transition vers la démocratie », la Tunisie et l’Egypte. « Car
tout comme les révolutions démocratiques peuvent être déclenchées par un manque
de débouchés pour les individus, les transitions démocratiques réussies ont
besoin de l’expansion de la croissance et d’une
prospérité largement partagée », a expliqué Barack Obama qui entend adopter une politique économique qui
favorise les échanges commerciaux et les investissements.
L’Egypte bénéficiera d’un allégement de 1 milliard de dollars, soit le
tiers de sa dette due aux Etats-Unis, en plus d’une somme pareille sous forme
d’emprunts. Ces 2 milliards seront utilisés dans des investissements destinés
notamment à la création d’emplois, à la création d’entreprises et au
financement de l’infrastructure. Les Etats-Unis se porteront ainsi garants de
l’Egypte dans ses efforts auprès des institutions monétaires mondiales en vue
d’obtenir de nouveaux prêts avantageux. Obama affirme
en outre que son pays est prêt à aider l’Egypte à récupérer les avoirs
détournés par les hommes du régime de l’ex-président Hosni Moubarak.
Deux ans auparavant, dans son discours adressé depuis Le Caire au monde
musulman, Barack Obama a
mis l’accent sur le « dialogue des cultures » plutôt que sur la démocratisation
et le respect des droits de l’homme, thèmes très chers à son prédécesseur
George W. Bush, mais qui semblaient alors relégués au second plan. Le « printemps
arabe » a occasionné leur résurgence. Les révoltes qui secouent le monde arabe,
depuis la Tunisie, l’Egypte et la Libye et jusqu’au Yémen et Bahreïn en passant
par la Syrie, dirigées contre des régimes alliés aux Etats-Unis, ont obligé
ceux-ci à reconsidérer leurs politiques. Jusqu’où ? En fustigeant les
dirigeants arabes qui s’accrochent au pouvoir à tel point de tuer leurs propres
citoyens, le ton de Barack Obama
a considérablement varié, suivant qu’il s’adresse au dirigeant libyen, qu’il
considère voué à partir, syrien qu’il n’a pas appelé à quitter, ou bahreïni
qu’il a appelé à dialoguer avec sa population. L’absence de toute mention du
géant pétrolier saoudien en parlant de la réforme politique et des droits de
l’homme montre bien qu’aux yeux des Etats-Unis, « l’importance accordée à un
vendeur ambulant varie selon que celui-ci vit en Tunisie ou en Arabie saoudite
», comme le constate un internaute commentant le discours du président
américain. Quant à l’Egypte révolutionnaire, pays qui a
le plus bénéficié des largesses américaines, force est de constater que « la
nouvelle diplomatie égyptienne ne s’est pas démarquée de la politique régionale
américaine », note le politologue Moustapha Kamel Al-Sayed.
Chérif Albert